Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2016 par lequel le préfet de la Sarthe lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1701925 du 14 juin 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 16 décembre 2016 (article 1er), enjoint au préfet de la Sarthe de délivrer, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 17 octobre 2017 (article 2) et a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2017, le préfet de la Sarthe demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient qu'il apporte des éléments suffisants de nature à démontrer que Mme A...peut bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie en République démocratique du Congo, de sorte que le refus de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 6 septembre 2017, Mme A..., représentée par Me Cloarec, demande à la cour :
1°) d'ordonner, sous astreinte journalière de 150 euros par jour à compter de la notification de l'arrêt, au préfet de la Sarthe de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Elle soutient que le préfet de la Sarthe n'a pas exécuté l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Nantes alors que celle-ci doit intervenir même s'il a été fait appel du jugement ; elle a été privée de la délivrance d'un titre de séjour alors que celui-ci lui aurait permis de rechercher un logement.
Par un mémoire, enregistré le 15 septembre 2017, le préfet de la Sarthe fait valoir qu'il a délivré une autorisation provisoire de séjour à MmeA....
Par un mémoire, enregistré le 20 septembre 2017, Mme A...demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'enjoindre, au préfet de la Sarthe de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Elle fait valoir qu'elle ne peut recevoir un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine dès lors que son traitement n'est ni disponible ni accessible et que sa pathologie présente un lien avec les événements qu'elle a subis en République démocratique du Congo ; les éléments produits par le préfet ne sont pas suffisants pour remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé.
Par un mémoire, enregistré le 4 octobre 2017, le préfet de la Sarthe conclut aux mêmes fins que dans sa requête par les mêmes moyens.
Par un mémoire, enregistré le 19 octobre 2017, Mme A...conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Malingue a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante de la République démocratique du Congo, est entrée en France en février 2015 ; qu'elle a déposé une demande de reconnaissance du statut de réfugié le 6 mars 2015 qui a fait l'objet d'une décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 13 juillet 2015, confirmée le 9 mars 2016 par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'elle a également sollicité par courrier du 1er avril 2016 un titre de séjour pour raisons médicales ; que, par arrêté du 16 décembre 2016, le préfet de la Sarthe a rejeté la demande de titre de séjour de la requérante et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que, saisi d'une demande d'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Nantes a, par jugement du 14 juin 2017, annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Sarthe de délivrer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 17 octobre 2017 à MmeA... ; que le préfet relève appel de ce jugement ; que Mme A...sollicite, pour sa part, qu'il soit exécuté, que soit rejetée la requête d'appel du préfet de la Sarthe et qu'il lui soit enjoint de lui un délivrer un titre de séjour pour raisons de santé ou de réexaminer sa situation ;
Sur l'appel principal :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : /(...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) " ;
3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d' un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...souffre d'un syndrome de psychonévrose post-traumatique et d'un syndrome dépressif pour lesquels elle bénéficie d'un suivi régulier par un psychiatre depuis septembre 2015 et d'un traitement médicamenteux ; que, par un avis du 17 octobre 2016, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis pour une durée d'un an ; que le préfet de la Sarthe, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer à Mme A...le titre de séjour qu'elle demandait au motif que les pathologies psychiatriques sont prises en charge dans les grandes villes de la République démocratique du Congo et que les médicaments y sont disponibles ;
5. Considérant qu'il ressort des fiches " MedCOI " datant de juin et octobre 2015, produites pour la première fois en appel, que le traitement requis par l'état de santé de MmeA..., consistant en un suivi psychiatrique et un traitement médicamenteux par zyprexa, zolpidem et nozinan, est disponible en République démocratique du Congo ; que si la requérante soutient que son état de santé trouve sa cause dans des événements violents subis en République démocratique du Congo de sorte que l'origine de sa pathologie priverait d'effet un traitement médical administré dans ce pays, les éléments produits ne permettent pas de l'établir, alors au surplus que sa demande d'asile a été rejetée par des décisions des instances compétentes en matière d'asile ; que les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction applicable n'impliquant aucune appréciation quant au caractère effectif de l'accès au traitement en raison de la situation particulière du demandeur, la requérante ne peut utilement se prévaloir du fait que le traitement ne serait pas accessible dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, c'est à tort que les juges de première instance ont estimé que le préfet de la Sarthe avait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant qu'il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par Mme A...tant devant le tribunal administratif que devant elle ;
7. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée, qui vise notamment les dispositions applicables, rappelle des éléments précis de la situation de Mme A...et mentionne la date à laquelle le médecin de l'agence régionale de santé a rendu un avis, comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels le préfet de la Sarthe a fondé sa décision ; qu'alors même qu'elle ne précise pas la teneur de l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire, elle est ainsi suffisamment motivée en fait ; qu'il n'était pas, contrairement à ce que soutient la requérante, indispensable que, dans le cadre de ses obligations de motivation, le préfet mentionne précisément la liste des médicaments constitutifs de son traitement ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet de la Sarthe a produit, en annexe à son mémoire en défense, l'avis du 17 octobre 2016 signé par le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire ; que, par conséquent, le moyen tiré du vice de procédure faute de saisine de ce médecin doit être écarté ;
9. Considérant, en troisième lieu, que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision du refus de titre de séjour ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'ainsi qu'il a été précédemment dit, il n'est pas établi que la pathologie dont souffre Mme A...est en lien avec son pays d'origine et qu'elle ne pourrait y être soignée ; que, par conséquent, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet a entaché sa décision lui faisant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
11. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'en se bornant à faire référence à la situation générale et sanitaire de la République démocratique du Congo, Mme A...ne produit aucun élément probant justifiant du bien-fondé et de l'actualité des craintes dont elle se prévaut en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par conséquent, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 16 décembre 2016 et lui a enjoint de délivrer à MmeA..., sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 17 octobre 2017 ;
Sur l'appel incident :
13. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;
14. Considérant que le présent arrêt, qui fait droit à la requête du préfet de la Sarthe et rejette la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Nantes, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation doivent être rejetées ;
15. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (/) Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. (...) " ;
16. Considérant que l'exécution du jugement n°1701925 du tribunal administratif de Nantes comportait nécessairement pour le préfet de la Sarthe l'obligation de délivrer, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable jusqu'au 17 octobre 2017 ; qu'en se bornant à délivrer à Mme A...une autorisation provisoire de séjour, le préfet de la Sarthe n'a pas pris les mesures propres à en assurer l'exécution ; que, toutefois, le présent arrêt, qui annule ce jugement, n'implique pas qu'il soit fait droit à la demande d'exécution formée par la requérante, qui n'a au demeurant pas formé de demande spécifique d'exécution, laquelle comporte une phase administrative ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 13 à 17 du présent arrêt que les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme A...par la voie de l'appel incident doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
18. Considérant que, l'Etat n'étant pas partie perdante, les conclusions tendant au versement à Me Cloarec, avocat de MmeA..., d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1701925 du 14 juin 2017 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à Mme B...et à Me Cloarec.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 décembre 2017.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. Bataille
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02023