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07/12/2017 | FRANCE | N°16NT01619

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 07 décembre 2017, 16NT01619


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Sirus Capital a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 23 mars 2009 au 31 décembre 2011.

Par un jugement n° 1402203 du 30 mars 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mai 2016, la SARL Sirus Capital, représenté

e par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Sirus Capital a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 23 mars 2009 au 31 décembre 2011.

Par un jugement n° 1402203 du 30 mars 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mai 2016, la SARL Sirus Capital, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur en retenant que le vérificateur a pointé les encaissements alors qu'il a reconstitué le chiffre d'affaires à partir des comptes de bilan ;

- la méthode utilisée par le vérificateur ne peut être retenue en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat dès lors que seule une méthode consistant à pointer les encaissements réellement réalisés est susceptible de démontrer l'insuffisance de déclarations ou l'omission de recettes taxables ;

- le rappel au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011 n'est pas fondé dans son intégralité dès lors qu'elle a encaissé directement des prestations facturées pour la location de l'avion Cessna Citation 500 et par compensation pour la location de l'avion Falcon à la société Sky First ;

- la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux dépenses relatives à l'avion Cessna Citation 500 est déductible en application du b du 6° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts dès lors qu'en donnant en location " coque nue " l'avion dont elle est propriétaire, elle est un assujetti en tant que tel ayant effectué des prestations de service à titre onéreux ; s'il est exact de l'appareil a été mis en service, notamment, en vue de la satisfaction des besoins du groupe de sociétés dont elle fait partie ainsi que de l'associé Aéro Capital, les heures de vol ont été facturées et la taxe sur la valeur ajoutée a été comptabilisée et déclarée sur les déclarations CA3 ;

- il ne peut lui être reproché d'avoir omis de pratiquer l'autoliquidation lors de l'acquisition intracommunautaire de l'avion Cessna Citation 500 le 27 mars 2009 alors qu'elle est reconnue comme un assujetti taxable au titre du 1° du 3 de l'article 261 du code général des impôts à l'occasion de sa revente.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2016, le ministre chargé des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la SARL Sirus Capital ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Sirus Capital a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 par proposition de rectification du 30 novembre 2012 ; qu'au terme de la procédure contradictoire, les impositions supplémentaires résultant de ce contrôle ont été mises en recouvrement le 11 mars 2014 ; qu'après le rejet, par décision du 13 octobre 2014, de sa réclamation préalable, la société a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge de ces rappels ; qu'elle relève appel du jugement du 30 mars 2016 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;

Sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée d'un montant de 100 284 euros :

2. Considérant que la SARL Sirus Capital était redevable en France de la taxe sur la valeur ajoutée sur l'ensemble de ses prestations ; qu'en application des dispositions du c) du 2 de l'article 269 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée est exigible, pour les prestations de service, lors de l'encaissement des acomptes, du prix et de la rémunération du service ou de la prestation ; qu'il résulte de l'instruction que, pour mettre à la charge de la société requérante les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, le vérificateur, qui n'a pas remis en cause la comptabilité de la société dont il a admis le caractère régulier, sincère et probant, a reconstitué les sommes encaissées par la société à partir des produits figurant au compte de résultat corrigé des " dus clients " et avoirs à établir ; qu'il a ensuite comparé le montant ainsi reconstitué à celui déclaré en matière de taxe sur la valeur ajoutée et calculé les rappels de taxe sur la différence entre ces deux montants, soit un écart négatif de 18 432 euros au titre de la période couvrant l'année 2010 et un écart positif de 118 716 euros au titre de la période couvrant l'année 2011 ; que de ce cumul d'écarts résulte un rappel global de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 100 284 euros au 31 décembre 2011 ;

3. Considérant qu'en l'absence de remise en cause du caractère régulier, sincère et probant de la comptabilité, l'administration fiscale ne peut, pour apporter la preuve qui lui incombe de ce que la société n'aurait pas déclaré la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'ensemble des recettes encaissées, recourir à une méthode d'évaluation moins précise que les écritures comptabilisées ; qu'il lui est en revanche loisible de procéder à des tests de cohérence des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée en les rapprochant d'autres éléments tirés de la comptabilité de la société, tels les soldes des comptes de produits et ceux des comptes des clients, corrigés de leurs variations entre l'ouverture et la clôture de la période considérée ; que, par ailleurs, lorsque le contribuable n'est pas en situation d'imposition d'office et qu'il peut se prévaloir d'une comptabilité régulière, sincère et probante, la charge de la preuve du caractère insuffisant des déclarations du contribuable pèse sur l'administration ; qu'une méthode susceptible de révéler l'existence d'anomalies dans les déclarations de la société contribuable, ne saurait apporter, faute d'établir que la source des écarts ainsi révélés résulte d'une dissimulation de recettes et non de pratiques commerciales régulières pouvant les expliquer, la preuve que les écarts relevés doivent faire l'objet de rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; que le recours exclusif à une telle méthode aux résultats insuffisamment précis pour fonder les impositions supplémentaires ne peut qu'entraîner la décharge des rappels mis sur ce seul fondement à la charge du contribuable ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui est dit au point 2 du présent arrêt que la société requérante, dont le caractère régulier, sincère et probant de la comptabilité n'a pas été remis en cause, est fondée à soutenir que le vérificateur n'a pas procédé à l'examen de l'ensemble des encaissements effectifs ; que si la méthode à laquelle il a eu recours, que l'administration fiscale qualifie elle-même de contrôle de cohérence des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée avec les soldes des comptes de produits et des comptes clients, peut révéler l'existence d'anomalies, elle ne permet pas à elle seule, ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, de rapporter la preuve du caractère insuffisant des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, la SARL Sirus Capital est fondée à solliciter la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée qui lui a été réclamé ;

Sur le rappel de la taxe sur la valeur ajoutée déduite au titre des factures d'entretien de l'avion Cessna Citation 500 :

5. Considérant que l'administration fiscale a remis en cause la déduction de taxe sur la valeur ajoutée relative aux factures d'entretien de l'avion Cessna Citation 500 dont elle était propriétaire au motif qu'il avait été indiqué, lors du débat oral et contradictoire, que cet avion ne faisait pas l'objet de location au public et qu'il était uniquement utilisé pour les besoins du groupe de sociétés dont fait partie la société Sirus Capital et les besoins privés de l'actionnaire Aero Capital ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que la SARL Sirus Capital, qui effectue des prestations de service à titre onéreux, est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée au sens et pour l'application du I de l'article 256 du code général des impôts ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu du b) du 6°) du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est nul dans le cas des véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usage mixte, à l'exception de ceux donnés en location ; que si la société requérante se prévaut de ces dispositions pour contester le rappel en cause, elle confirme l'utilisation de l'avion Cessna Citation 500 dans les conditions rappelées au point 5 du présent arrêt et ne produit, à l'appui de ses affirmations, aucun contrat de location ; que si elle fait état de la facturation de 157,55 heures de vol, les pièces produites, à l'exception de la facture 10-2355 B du 7 juillet 2010, ne mentionnent pas que les heures de vol ont été effectuées avec cet avion dans le cadre d'une location ; que ces pièces sont donc insuffisantes pour établir la réalité d'une activité permanente de location ; que, dans ces conditions, cet avion ne peut être regardé comme donné en location au sens et pour l'application des dispositions du b) du 6°) du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts ;

8. Considérant, en troisième lieu, que si la société requérante mentionne plusieurs instructions administratives relatives aux modalités de déduction de taxe sur la valeur ajoutée s'agissant des véhicules de transport, elle ne précise pas les prévisions dans lesquelles elle estime entrer et ne met donc pas à même la cour d'apprécier la portée utile de son argumentation ;

Sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'acquisition intracommunautaire :

9. Considérant que le vérificateur a, lors de la vérification de comptabilité, constaté que la SARL Sirus Capital a omis de déclarer l'acquisition intracommunautaire de l'avion Cessna Citation 500 du 27 mars 2009 et remis en cause la déduction de 149 600 euros à laquelle la société avait procédé au motif que le coefficient d'admission étant nul, compte tenu de la nature du bien et des prestations effectuées, la taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire n'était pas déductible ; que, ce faisant, il n'a pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, remis en question sa qualité d'assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ainsi qu'il a été précédemment dit, l'activité permanente de location de cet avion n'est pas établie ; que les circonstances dans lesquelles la société s'est placée au regard de la taxe sur la valeur ajoutée lors de la revente de l'avion sont sans influence à cet égard ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Sirus Capital est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif ne lui a pas accordé, en droits et pénalités, la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 100 284 euros mis à sa charge au 31 décembre 2011 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par la SARL Sirus Capital sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La SARL Sirus Capital est déchargée, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 100 284 euros mis à sa charge au 31 décembre 2011.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Sirus Capital est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Sirus Capital et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 décembre 2017.

Le rapporteur,

F. MalingueLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°16NT01619

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01619
Date de la décision : 07/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CIAUDO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-12-07;16nt01619 ?
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