Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme Play a demandé au tribunal administratif d'Orléans :
1°) d'annuler les décisions implicites de rejet du respect de ses droits à promotion.
2°) qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de la nommer au grade d'attaché avec reconstitution de carrière au 11 décembre 2013 et de prendre toutes mesures effectives lui permettant d'exercer ses fonctions d'attaché sur un poste compatible avec son état de santé et son handicap ;
3°) la condamnation de l'Etat au versement d'une somme représentative de la différence de traitement de base et primes auxquels elle pouvait prétendre à la suite de sa promotion, ainsi que des indemnités de 5000 euros et de 15000 euros en raison des discriminations subies avec intérêts légaux au taux en vigueur ;
4°) que l'Etat soit condamné à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation d'un préjudice de discrimination et de 15 000 euros en réparation d'agissements constitutifs de harcèlement moral.
Par un jugement n° 1401703 du 19 janvier 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 22 mars 2016, le 28 juin 2017 et le 28 juillet 2017 Mme C... A...épouse Play, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 janvier 2016 ;
2°) d'annuler les décisions implicites de rejet de respect de ses droits à promotion.
3°) que soit enjoint au ministre de l'intérieur de la nommer au grade d'attaché avec reconstitution de carrière au 11 décembre 2013 ;
4°) que lui soit versée la somme représentative de la différence de traitement de base et primes auxquels elle pouvait prétendre avec intérêts légaux au taux en vigueur et des traitements et primes effectivement perçus ;
5°) que soit enjoint au ministre de prendre toutes mesures effectives lui permettant d'exercer ses fonctions d'attaché sur un poste compatible avec son état de santé et son handicap avec un délai de prévenance raisonnable, voire d'étudier la faisabilité de télétravail ;
6°) que l'Etat soit condamné à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation d'un préjudice de discrimination ;
7°) que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation d'agissements constitutifs de harcèlement moral, d'un préjudice moral important et de troubles dans les conditions d'existence ;
8°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ses écritures ont été dénaturées en première instance ;
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'a pas été répondu au moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'instruction relative à l'affectation des postes ;
- le jugement méconnaît les dispositions combinées des articles 58 et 60 de la loi 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le ministre ne pouvait retirer l'acte l'arrêté de nomination sans méconnaître les règles relatives au retrait ;
- il n'a pas été tenu compte de son état de santé dans les propositions de postes qui lui ont été faites, ces postes étant incompatibles avec son handicap ;
- les dispositions de l'article 60 du 11 janvier 1984 ont été méconnues dès lors qu'il appartient à l'autorité gestionnaire de mettre en balance l'intérêt du service et avec les souhaits exprimé par les agents pour leur affectation ;
- l'administration avait seulement la faculté et non pas l'obligation de la radier de la liste d'aptitude et devait tenir compte, avant de procéder à cette radiation, de son état de santé ;
- le comportement de l'administration caractérise un harcèlement moral ;
Par un mémoire en défense enregistré le 26 mai 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme Play ne sont pas fondés et que ses conclusions à fin d'annulation, à fin d'injonction et à fin d'indemnisation ne sont pas recevables.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code civil
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ;
- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique ;
- le décret n°2013-876 du 30 septembre 2013 relatif à l'intégration de seize corps ministériels dans le corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat et à l'ouverture de recrutements réservés dans ce corps ;
- le décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 portant statut particulier du corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Giraud,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- les observations de MeB..., représentant Mme Play.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Play, secrétaire administrative exerçant des fonctions de chargée du contrôle de légalité à la préfecture d'Eure-et-Loir, a été admise, à l'issue de l'examen professionnel qui s'est déroulé au cours de l'année 2013 et dont les résultats ont été proclamés par délibération du 4 octobre 2013, au grade d'attaché d'administration après avoir été classée quinzième sur les vingt-deux admis ; qu'elle a formé, le 15 octobre 2013, trois voeux d'affectation parmi ceux proposés aux candidats déclarés admis, concernant les postes de chef de section chargé des personnels contractuels à la direction centrale du renseignement intérieur, à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), de chef de la section retraites du bureau des officiers de police de la direction générale de la police nationale à Paris et de formateur à Lognes (Seine-et-Marne), ces postes étant référencés par l'administration comme ressortant du périmètre dit " Police Nationale " (PN) tel qu'indiqué dans le règlement de l'examen professionnel ; que Mme Play avait accompagné ses choix du commentaire suivant : " il me paraît néanmoins nécessaire d'attirer l'attention du ministère, de manière particulière sur mon état de santé et les préconisations de la médecine de prévention pour permettre une mobilité réussie " ; que, par une décision du 14 novembre 2013, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées d'Eure-et-Loir lui a reconnu la qualité de travailleur handicapé ; que, l'administration n'a pas donné suite aux premiers voeux de l'intéressée et lui a demandé d'en reformuler d'autres ; qu'après qu'elle ait informé l'administration de la nécessité pour elle d'être affectée à proximité d'un établissement hospitalier lui permettant de suivre un nouveau traitement, il lui a été indiqué le 18 novembre 2013 qu'elle était affectée au secrétariat général pour l'administration de la police de Rennes (Ille et Vilaine), à proximité d'un établissement hospitalier lui permettant d'assurer les soins nécessaires à son état ; qu'il était précisé que cette nomination devait être effective à compter du 16 décembre 2013 ; que par un arrêté du 11 décembre 2013, la requérante a été nommée au grade d'attaché sur ledit poste ; que Mme Play ne s'est cependant pas présentée à son nouveau service et a sollicité une nouvelle affectation en indiquant sa préférence pour être nommée à Paris ; que l'administration lui a alors indiqué le 26 décembre 2013 qu'elle était affectée à la préfecture de police, en tant qu'adjointe au chef de section des reconduites à la frontière au 8ème bureau de la direction de la police générale ; que Mme Play a estimé que cette nouvelle proposition était incompatible avec sa pathologie ; que, constatant qu'elle n'avait pas rejoint ce dernier poste, l'administration a, par une décision du 12 février 2014, retiré à l'intéressée le bénéfice de sa réussite à l'examen professionnel et a en conséquence annulé la promotion au grade d'attaché prononcée par la décision précitée du 11 décembre 2013 ; que Mme Play relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 janvier 2016 par lequel celui-ci a rejeté ses conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 12 février 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a retiré l'arrêté du 11 décembre 2013 portant nomination dans le grade d'attaché d'administration, et d'autre part, à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des différents préjudices qu'elle estime avoir subi ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient Mme Play, le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas de la lecture du jugement attaqué, que, en dépit de la formulation utilisée, les premiers juges auraient fait preuve de partialité à l'égard de la requérante ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas non plus de la lecture dudit jugement que les premiers juges auraient dénaturé les conclusions de Mme Play ;
5. Considérant, par suite, que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué doivent être écartés ;
Sur la recevabilité des conclusions à fin d'indemnisation présentée par Mme Play :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de la lecture de la lettre en date du 3 novembre 2014 reçue au ministère de l'intérieur le 6 novembre 2014, que Mme Play a sollicité le versement d'une indemnité en réparation des différents préjudices subis du fait du refus de la nommer au grade d'attaché ; que le ministre n'a opposé une fin de non-recevoir à cette demande que dans son mémoire en défense présenté devant le tribunal administratif le 6 juillet 2015 ; qu'il n'est dès lors pas fondé à soutenir que les conclusions indemnitaires présentées par Mme Play seraient irrecevables, tant en première instance qu'en appel, faute pour cette dernière d'avoir saisi l'administration d'une demande de nature à lier le contentieux ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
S'agissant des décisions implicites :
7. Considérant que si Mme Play soutient que le ministre aurait, à deux reprises, rejeté implicitement ses demandes d'affectation et de promotion sur un poste d'attaché, il résulte de l'instruction que la seule nomination prononcée par l'administration concerne celle opérée au secrétariat général de l'administration de la police de Rennes par l'arrêté du 11 décembre 2013 mentionné au point 1, cette nomination faisant suite aux différents voeux émis par la requérante ; qu'en conséquence de cette proposition, l'administration ne saurait être regardée comme ayant refusé implicitement de faire droit aux autres demandes de Mme Play ; que, par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que ce serait à tort que le tribunal a rejeté ses demandes d'annulation de décisions implicites dont la réalité n'est pas avérée ;
S'agissant de la légalité de la décision du 12 février 2014 :
8. Considérant que, par la décision du 12 février 2014, l'administration a retiré à Mme Play le bénéfice de sa réussite à l'examen professionnel d'attaché et a prononcé le retrait de la décision du 11 décembre 2013 la nommant à ce grade ; que cette décision est de nature à faire grief à l'intéressée et à lui conférer un intérêt pour en demander l'annulation ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 : " (...) Nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire [...] 5° s'il ne remplit les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction compte tenu des possibilités de compensation du handicap " ; qu'aux termes de l'article 6 sexies de la même loi : " Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs visés à l'article 2 prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L.5212-13 du code du travail d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, sous réserve que les charges consécutives à la mise en oeuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur " ; qu'aux termes de l'article 27 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 : " Aucun candidat ayant fait l'objet d'une orientation en milieu ordinaire de travail par la commission prévue à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles ne peut être écarté, en raison de son handicap, d'un concours ou d'un emploi de la fonction publique, sauf si son handicap a été déclaré incompatible avec la fonction postulée à la suite de l'examen médical destiné à évaluer son aptitude à l'exercice de sa fonction, réalisé en application des dispositions du 5° de l'article 5 ou du 4° de l'article 5 bis du titre Ier du statut général des fonctionnaires " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 58 de la même loi : " (...) tout fonctionnaire bénéficiant d'un avancement de grade est tenu d'accepter l'emploi qui lui est assigné dans son nouveau grade. Sous réserve de l'application des dispositions de l'article 60, son refus peut entraîner la radiation du tableau d'avancement ou, à défaut, de la liste de classement. " ; qu'enfin, aux termes du 4ème alinéa de l'article 60 de la même loi : " Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée (...) aux fonctionnaires handicapés relevant de l'une des catégories mentionnées au 1° (...) de l'article L. 5212-13 du code du travail " ;
10. Considérant que les dispositions législatives précitées font obligation à l'autorité administrative d'adopter, au cas par cas, les mesures appropriées pour permettre l'accès de chaque personne handicapée à l'emploi auquel elle postule sous réserve, d'une part, que ce handicap n'ait pas été déclaré incompatible avec l'emploi en cause et, d'autre part, que ces mesures ne constituent pas une charge disproportionnée pour le service ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article 22 du décret du 30 septembre 2013 susvisé, dans sa rédaction applicable à la date du 2 octobre 2013 : " Les examens professionnels d'accès aux corps mentionnés à l'article 20, organisés en vertu de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, dont l'arrêté d'ouverture a été publié avant la date d'entrée en vigueur du présent décret se poursuivent jusqu'à leur terme et demeurent.... Ces examens donnent accès au corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat régi par le décret no 2011-1317 du 17 octobre 2011 susvisé ";
12. Considérant qu'en application des dispositions mentionnées au point 11, les candidats déclarés admis à l'issue de l'examen professionnel clos le 4 octobre 2013 étaient en droit de postuler sur des postes offerts à un attaché d'administration de l'Etat et non, comme l'a estimé à tort le ministre, sur des postes relevant du seul périmètre dit " Police National " quels qu'aient été, par ailleurs, les termes de la notice, dépourvue de valeur réglementaire, accompagnant le règlement de l'examen professionnel ; qu'ainsi, en se limitant à rechercher un emploi adapté à l'état de santé et au handicap de la requérante au sein de la seule liste des postes d'attachés à pourvoir dans les services de la police nationale, le ministre a méconnu l'obligation qui lui incombait, en application des dispositions précitées des articles 27 et 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, de rechercher un emploi approprié au salarié reconnu handicapé et a, en conséquence, commis une erreur de droit ;
13. Considérant, par ailleurs, qu'en retirant, le 12 février 2014, à Mme Play le bénéfice de sa réussite à l'examen professionnel mentionné au point 1, le ministre, qui n'avait, selon les termes de l'article 58 dernier alinéa de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 mentionné au point 9, pas l'obligation de procéder à une telle mesure, a, en ne prenant pas en compte la circonstance particulière que constituait l'état de santé de l'intéressée comme l'y invitait l'article 60 de la même loi, commis une erreur manifeste d'appréciation ;
14. Considérant, dès lors, que Mme Play est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 12 février 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a retiré l'arrêté du 11 décembre 2013 la nommant au grade d'attaché d'administration ;
Sur les conclusions à fin indemnitaires :
En ce qui concerne le préjudice résultant de l'illégalité fautive de la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a retiré l'arrêté du 11 décembre 2013 :
15. Considérant, d'une part, que le préjudice constitué de la somme représentative de la différence de traitement de base et primes auxquels elle pouvait prétendre avec intérêts légaux au taux en vigueur et des traitements et primes effectivement perçus dont se prévaut Mme Play, n'est pas établi compte tenu du caractère éventuel de celui-ci, dès lors qu'il n'est démontré par la requérante que l'administration aurait été en mesure de lui proposer un poste d'attaché compatible avec son handicap ;
16. Considérant, en revanche, que Mme Play est fondée à soutenir que la décision illégale dont elle a fait l'objet a été à l'origine d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence pour lesquels elle est en droit d'obtenir réparation ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces chefs de préjudice en lui allouant à ce titre une indemnité globale d'un montant de 4 000 euros ;
En ce qui concerne les autres fautes alléguées :
17. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ;
18. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
19. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ; que, cependant, les difficultés rencontrées par Mme Play pour l'obtention d'un poste compatible avec sa pathologie ne caractérisent pas, à eux seuls et en eux-mêmes, des faits de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 précité ; qu'ils ne sont, par suite, pas susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;
21. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation qui le fonde, le présent arrêt implique que le ministre propose à Mme Play d'être affectée sur un poste d'attaché relevant des services de l'Etat, de ses établissements publics ou d'autorités administratives dotées de la personnalité morale, qui serait adaptable à l'état de santé de la requérante ; qu'il y a lieu dès lors de prononcer une injonction en ce sens ;
Sur les intérêts :
22. Considérant que Mme Play a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 4 000 euros mentionnée au point 16 à compter du 6 novembre 2014, date de réception de sa demande préalable d'indemnisation présentée devant l'administration ;
Sur les intérêts des intérêts :
23. Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 24 mars 2016 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
24. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme Play, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 12 février 2014 du ministre de l'intérieur retirant l'arrêté du 11 décembre 2013 portant nomination de Mme Play dans le grade d'attaché d'administration est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, de proposer à Mme Play, dans les services de l'Etat, de ses établissements publics ou d'autorités administratives dotées de la personnalité morale, une nomination sur un poste d'attaché de l'Etat adaptable à son état de santé.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à Mme Play une indemnité de 4 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2014. Les intérêts échus à la date du 24 mars 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le jugement n°1401703 du 19 janvier 2016 du tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Il est mis à la charge de l'Etat le versement à Mme Play d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Play est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...épouse Play et au ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur.
Copie en sera communiquée pour information au défenseur des droits.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2017, où siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2017.
Le rapporteur,
T. GIRAUDLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01113