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24/11/2017 | FRANCE | N°16NT01776

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 24 novembre 2017, 16NT01776


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier de Vierzon a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la société Baron-Bonivin à lui verser la somme de 935 642,09 euros en réparation de ses préjudices à la suite des désordres affectant son installation de chauffage.

Par un jugement n° 1502663 du 31 mars 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande et mis à sa charge les frais et honoraires d'expertise.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistr

és les 31 mai 2016, 13 juillet 2017 et 10 octobre 2017, le centre hospitalier de Vierzon, représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier de Vierzon a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la société Baron-Bonivin à lui verser la somme de 935 642,09 euros en réparation de ses préjudices à la suite des désordres affectant son installation de chauffage.

Par un jugement n° 1502663 du 31 mars 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande et mis à sa charge les frais et honoraires d'expertise.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 mai 2016, 13 juillet 2017 et 10 octobre 2017, le centre hospitalier de Vierzon, représenté par MeF..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 31 mars 2016 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) de condamner la société Baron-Bonivin à lui verser la somme de

935 642,09 euros ;

3°) de condamner la société Baron-Bonivin à prendre en charge les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 43 607,58 euros ;

4°) de mettre à la charge de la société Baron-Bonivin le versement à son profit de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal :

• a retenu le procès-verbal de réception du 2 mars 2010 avec effet au 17 décembre 2009 comme étant susceptible de fonder la responsabilité contractuelle de la société Baron-Bonivin au titre des désordres énoncés ; la réception intervenue le 2 mars 2010 ne concerne pas le siège des désordres à partir du moment où elle ne vise que le réseau secondaire parcourant le bâtiment Leroux ;

• a refusé de retenir les effets attachés à la réception de l'ouvrage au motif que des réserves auraient été émises lors de la réception, notamment quant à l'application des garanties légales : les réserves portées sur le procès-verbal de réception du 4 juin 2008 concernaient uniquement le système de détection de fuite et la réalisation d'essais de conformité ; elles portaient donc intégralement sur le contrôle de l'installation et n'aboutissaient en aucun cas à la constatation de désordres ; l'apparition des désordres en cause et leur aggravation sont postérieures à la réception intervenue le 4 juin 2008 ; à cette date, ils n'étaient pas apparents ;

- le jugement est insuffisamment motivé car il ne répond pas à l'ensemble de ses moyens ; ainsi le tribunal n'a pas répondu à l'argumentation sur le moyen tiré de l'aggravation des désordres, postérieurement à la réception du 4 juin 2008 ;

- la responsabilité décennale de la société Baron-Bonivin est engagée en raison des désordres affectant les canalisations de chauffage ; selon l'expert judiciaire, les désordres rendent impropre à sa destination le réseau de canalisation d'eau du chauffage ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité de la société Baron-Bonivin sera engagée au titre de sa responsabilité contractuelle ;

- au regard des préjudices subis et non pris en charge par son assureur, il convient de condamner la société Baron-Bonivin à lui verser la somme de 935 642,09 euros ; en tout état de cause, de fixer cette créance au passif de la société ;

- la cause étrangère invoquée par la société MMA ne saurait exonérer la société Baron-Bonivin de sa responsabilité principale dans la survenance des désordres ; comme l'a constaté l'expert, la température de sortie excessive de la chaudière bois ne constitue qu'un facteur aggravant de nature à engendrer un vieillissement prématuré de l'installation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2016, la société MMA, représentée par MeE..., conclut :

à titre principal au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Vierzon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

à titre subsidiaire, à ce qu'il soit jugé que la société Baron-Bonivin ne saurait être tenue intégralement responsable, au regard de l'existence d'une cause étrangère que constitue pour le réseau l'adjonction, postérieurement aux travaux qu'elle a réalisés, d'une chaudière bois par des constructeurs tiers ;

à titre infiniment subsidiaire, de rejeter les prétentions du centre hospitalier de Vierzon au titre des frais divers, notamment de surconsommation d'énergie.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2016, la société Baron-Bonivin, représentée par MeG..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Vierzon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- à défaut, à ce que la cour constate que sa responsabilité ne peut être engagée que pour un montant maximum de 554 323,80 euros.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La procédure a été communiquée à Me A...C..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Baron-Bonivin, lequel n'a pas produit de mémoire.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions du centre hospitalier de Vierzon dirigées contre la société Baron-Bonivin au titre de sa responsabilité contractuelle, présentées pour la première fois en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouchardon ;

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public ;

- et les observations de Me Woloch, avocat du centre hospitalier de Vierzon et de Me Tchameni, avocat de la société MMA.

1. Considérant que, dans le cadre de travaux de construction de deux bâtiments, " Leroux " et " Mykonos ", et de remplacement des conduites enterrées de chauffage depuis les chaudières à gaz et à fuel vers les bâtiments existants, le centre hospitalier de Vierzon (Cher) a confié, par acte d'engagement signé le 19 avril 2006, le lot 22 " chauffage-ventilation " à la société Baron-Bonivin ; qu'un second marché a porté sur l'installation d'une chaudière à bois destinée à assurer la desserte en chauffage et en eau chaude de l'ensemble du site ; qu'après avoir obtenu la désignation d'un expert en raison de l'existence de fuites apparues en 2008 sur le réseau d'eau des canalisations du système de chauffage, le centre hospitalier a demandé au tribunal administratif d'Orléans la condamnation de la société Baron-Bonivin, au titre de la responsabilité décennale, à l'indemniser à hauteur de 935 642,09 euros, des dommages qu'il estime avoir subis du fait des désordres que constituent les fuites affectant les canalisations primaires du réseau extérieur de l'installation de chauffage ; qu'alors que la société Baron-Bonivin a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bourges du 4 juillet 2017, le centre hospitalier relève appel du jugement du 31 mars 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande, au motif que ses relations contractuelles avec cette société s'étaient poursuivies s'agissant des ouvrages objets du litige ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, contrairement à ce que prétend le requérant, le tribunal n'avait pas à répondre à l'argumentation tirée de l'aggravation des désordres postérieurement à la réception du 4 juin 2008, dès lors qu'il a jugé que le centre hospitalier de Vierzon n'était pas fondé à rechercher la responsabilité de la société Baron-Bonivin sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ; qu'il suit de là que le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, n'est entaché d'aucune irrégularité ;

Sur la responsabilité de la société Baron-Bonivin :

En ce qui concerne la responsabilité décennale :

3. Considérant que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et qu'elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; qu'en l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves ; qu'en ce qui concerne les ouvrages ou parties d'ouvrages ayant fait l'objet d'une réception sans réserve ou de réserves finalement levées, des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;

4. Considérant que si l'expert désigné en référé a relevé, dans son rapport du 14 février 2014, que " la société Baron-Bonivin est totalement responsable de la réalisation des soudures défectueuses à l'origine du sinistre ", il résulte de l'instruction que les réserves mentionnées dans le procès-verbal de réception du réseau enterré des canalisations du système de chauffage sur le site dit de la Noue, dénommé " Le Mail ", établi le 4 juin 2008, relatives à " la mise en place des manchons thermo soudables au droit des chambres à vannes ", à la " vérification des brides d'assemblage des vannes sur le réseau dans les chambres à vannes ", à la nécessité de " faire une recherche de la coupure du fil de détection d'humidité ", de " vérifier le fonctionnement du système de détection ", de " faire une recherche de fuite par résonnance acoustique sur tout le réseau y compris le réseau alimentant le bâtiment Leroux ", et de " fournir les PV d'essais et de conformité du réseau rédigé par INPAL ", non levées postérieurement, sont en lien direct avec les désordres litigieux en tant qu'elles impliquaient la vérification de l'étanchéité de l'ensemble du réseau des canalisations primaires destinées à relier les chaudières à la dizaine de bâtiments existants et qu'ainsi les relations contractuelles entre l'entreprise et l'établissement maître d'ouvrage se sont poursuivies au titre des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet de ces réserves ; qu'eu égard à l'absence de levée des réserves susmentionnées et dans la mesure où elles ont été formulées au titre des canalisations en cause, parties d'ouvrage atteintes par les désordres, le centre hospitalier de Vierzon ne peut utilement invoquer l'aggravation des désordres après la réception ; que, dès lors, la poursuite des relations contractuelles en ce qui concerne les canalisations atteintes par les désordres s'opposait à ce que le centre hospitalier de Vierzon puisse invoquer la responsabilité décennale du constructeur en cause ;

5. Considérant que si le centre hospitalier de Vierzon est fondé à soutenir que le tribunal a mentionné de manière erronée dans le jugement attaqué le procès-verbal de réception du 2 mars 2010 avec effet au 17 décembre 2009, qui ne concerne que le réseau de canalisations secondaires parcourant le bâtiment Leroux, alors que les désordres ne touchent que le réseau de canalisations primaires enterrées, cette circonstance est sans influence sur la nature de la responsabilité susceptible d'être engagée au titre des désordres effectivement invoqués ;

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

6. Considérant que le centre hospitalier de Vierzon, qui avait devant le tribunal administratif d'Orléans fondé son action uniquement sur la responsabilité décennale des constructeurs, n'est pas recevable à invoquer pour la première fois en appel la responsabilité contractuelle de la société Baron-Bonivin au titre des désordres affectant le réseau des canalisations primaires de l'ouvrage ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Vierzon n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les dépens :

8. Considérant qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif d'Orléans, il y a lieu de laisser à la charge définitive du centre hospitalier de Vierzon les frais et honoraires de l'expert liquidés et taxés par une ordonnance du président de ce tribunal du 3 avril 2014 à la somme de 43 607,58 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elles ont exposés en raison de la présente instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Vierzon est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Baron-Bonivin et la société MMA au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Vierzon, à la société MMA et à Me A...C..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Baron-Bonivin.

Copie en sera adressée pour information à M. D...B..., expert.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 novembre 2017.

Le rapporteur,

L. BOUCHARDONLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS La République mande et ordonne au préfet du Cher en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01776


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01776
Date de la décision : 24/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent BOUCHARDON
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SILVESTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-11-24;16nt01776 ?
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