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24/11/2017 | FRANCE | N°16NT00009

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 24 novembre 2017, 16NT00009


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...qui, par un précédent jugement du même tribunal du 30 septembre 2010, avait obtenu la condamnation du département du Morbihan à réparer les conséquences dommageables des fautes commises par ce dernier dans le traitement des suites de l'agression dont elle avait fait l'objet le 28 février 2000 dans l'exercice de ses fonctions d'éducatrice spécialisée, a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner cette collectivité à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis postérieurem

ent au 30 septembre 2010 à raison des mêmes faits.

Par un jugement n° 1302692...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...qui, par un précédent jugement du même tribunal du 30 septembre 2010, avait obtenu la condamnation du département du Morbihan à réparer les conséquences dommageables des fautes commises par ce dernier dans le traitement des suites de l'agression dont elle avait fait l'objet le 28 février 2000 dans l'exercice de ses fonctions d'éducatrice spécialisée, a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner cette collectivité à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis postérieurement au 30 septembre 2010 à raison des mêmes faits.

Par un jugement n° 1302692 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 janvier et 13 décembre 2016 et le 22 juin 2017 Mme A...D..., représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 novembre 2015 ;

2°) de condamner, le cas échéant après avoir ordonné une mesure d'expertise relative à l'évolution de son état de santé, le département du Morbihan à lui verser la somme de 57 785,70 euros au titre de sa perte de revenus pour la période du 1er octobre 2010 au 31 décembre 2015, augmentée de 920 euros par mois du 1er janvier 2016 à la date de lecture de l'arrêt à intervenir, la somme de 24 858 euros au titre de la privation de chance d'avancement pour la période du 1er octobre 2010 au 31 décembre 2015, augmentée de 454 euros par mois du 1er janvier 2016 à la date de lecture de l'arrêt à intervenir, et la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2013 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au département du Morbihan de lui verser une indemnité correspondant à la différence entre les traitements nets qu'elle aurait perçus, depuis le 1er octobre 2010 et jusqu'à lecture de l'arrêt à intervenir, si elle avait conservé son emploi, en prenant en compte l'avancement d'échelon à l'ancienneté minimale, et les sommes qu'elle a effectivement perçues au titre de sa pension de retraite et de sa pension d'invalidité ;

4°) de mettre à la charge du département du Morbihan les éventuels dépens et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont excédé leur office car ils ont rejeté sa demande en se fondant sur un motif tiré de l'absence d'aggravation de son état de santé, qui n'avait pas été soumis au contradictoire ;

- elle n'avait pas à justifier de l'aggravation de son état de santé car elle demande l'indemnisation d'un préjudice financier de nature continue, qui s'est poursuivi postérieurement au jugement rendu le 30 septembre 2010 ;

- son état de santé a effectivement connu une aggravation puisqu'il ressort de plusieurs certificats médicaux que, postérieurement à septembre 2010, elle a été déclarée inapte à l'exercice de toute activité professionnelle et pas seulement à celle d'éducatrice spécialisée ;

- les fautes commises par son employeur à son encontre, ainsi que le lien de causalité avec sa perte de revenus, qui ont été constatés par le jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 septembre 2010, ne sont pas contestables ;

- elle établit qu'elle n'a pas été en mesure de retrouver un emploi malgré les recherches actives et sérieuses qu'elle a menées ; elle est inscrite de manière continue sur la liste des demandeurs d'emploi depuis 2011, se rend aux entretiens avec son conseiller et participe aux ateliers qui lui sont prescrits ;

- l'aggravation de son état de santé est la conséquence de la situation de précarité dans laquelle elle se trouve du fait de sa mise à la retraite pour invalidité ;

- il n'y a pas lieu de prendre en compte, pour évaluer sa perte de revenu, les aides sociales dont elle bénéficie ;

- compte tenu de son implication et de ses compétences professionnelles, il est raisonnable de penser que, si elle avait conservé son emploi, elle aurait bénéficié de l'avancement d'échelon à la durée minimale, comme cela avait été le cas depuis sa titularisation en 2000 ; elle peut donc prétendre à l'indemnisation du préjudice résultant de sa perte de chance d'avancement ;

- l'impossibilité dans laquelle elle se trouve désormais de trouver un emploi est à l'origine d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence qui justifient le versement d'une indemnité de 10 000 euros.

Par des mémoires enregistrés le 30 juin 2016 et les 7 juin et 5 juillet 2017, le département du Morbihan, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme D...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Bris,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de MeE..., substituant MeB..., représentant le département du Morbihan.

1. Considérant que MmeD..., qui avait obtenu en 1997 un diplôme d'éducatrice spécialisée, a été recrutée par le service de l'aide sociale à l'enfance du département du Morbihan en décembre 1998 ; qu'elle a été victime le 28 février 2000 d'une agression verbale et physique par les parents d'un mineur dont elle assurait le suivi, à l'occasion d'une audience devant le juge des enfants ; que, du fait d'un syndrome de stress post-traumatique, elle a été placée par la suite à plusieurs reprises en congé de maladie, et a été finalement mise à la retraite pour invalidité et radiée des cadres à compter du 1er avril 2006 pour inaptitude à exercer les fonctions d'éducatrice spécialisée ; que, par un jugement du 30 septembre 2010 devenu définitif, le tribunal administratif de Rennes, après avoir relevé les fautes commises par le département du Morbihan en refusant de répondre favorablement aux demandes de mutation de Mme D...ou d'aménager son poste conformément aux prescriptions du médecin de prévention, et en s'abstenant de rechercher des possibilités de reclassement après que l'intéressée eut été déclarée inapte par la commission de réforme, a condamné cette collectivité à indemniser son agent des troubles subis dans ses conditions d'existence ainsi que de ses préjudices moral et financier ; que Mme D...relève appel du jugement du 19 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département du Morbihan à l'indemniser à nouveau des mêmes préjudices à compter du 30 septembre 2010 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'en se bornant à relever que Mme D...ne soutenait pas dans ses écritures que son état de santé s'était aggravé et qu'une telle aggravation n'était pas établie par les pièces versées au dossier, les premiers juges n'ont pas excédé leur office ni méconnu le principe du contradictoire ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 novembre 2015 serait entaché d'irrégularité ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

3. Considérant, en premier lieu, que, pour prétendre à l'indemnisation de la perte financière qu'elle estime avoir subie de l'automne 2010 à l'automne 2017, soit de 4 à 11 ans après sa radiation des cadres, MmeD..., d'une part, produit des éléments de nature à établir qu'elle serait inapte à toute activité professionnelle et, d'autre part, soutient que, durant cette période, elle a cherché activement un emploi mais que ses efforts n'ont pas abouti du fait de la persistance de son syndrome post-traumatique et de l'impossibilité d'exercer un métier en rapport avec sa qualification ; que cependant ces éléments de la situation de l'intéressé, s'ils sont consécutifs au traumatisme subi par elle lors de l'accident de service dont elle a été victime, sont dépourvus de lien avec les fautes dans la gestion du dossier de l'intéressée qui ont été commises par le département du Morbihan et dont les conséquences ont déjà été indemnisées par le jugement rappelé ci-dessus du 30 septembre 2010 ; qu'il ressort, par ailleurs, des attestations établies par un conseiller Pôle emploi qu'outre la fragilité psychologique de l'intéressée, ses recherches ont été rendues difficiles par sa formation très spécialisée et par la situation de l'emploi, qui n'est pas favorable dans le bassin local ; que ces deux dernières causes sont également sans lien avec les fautes relevées à l'encontre du département par le jugement du 30 septembre 2010 ; que si Mme D...a acquis en 2012 une propriété à rénover afin d'y vivre et d'y installer un gîte touristique lui procurant des revenus, ce choix de reconversion professionnelle et les difficultés qu'elle y a rencontrées sont également sans lien avec le comportement de son ancien employeur à son égard ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le comportement fautif du département du Morbihan ait engendré, postérieurement au 30 septembre 2010, des préjudices financiers dont Mme D...serait fondée à demander la réparation ;

4. Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, Mme D...soutient que le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence dont elle a obtenu réparation en vertu du jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 septembre 2010 se sont aggravés du fait de l'aggravation de son état de santé, il ne résulte, en tout état de cause, pas de l'instruction, en particulier de la comparaison entre le rapport médical établi le 6 juillet 2005 en vue du passage de l'agent en commission de réforme et les certificats médicaux en date de juin 2012 et octobre 2016 qui sont produits, que les conséquences du syndrome post-traumatique dont l'intéressée continue à souffrir auraient évolué dans un sens défavorable ; que, par suite, les demandes indemnitaires présentées par la requérante au titre de ces deux chefs de préjudice ne peuvent qu'être rejetées ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Morbihan, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à Mme D...de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de cette dernière la somme demandée par le département du Morbihan au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Morbihan au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au département du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 novembre 2017.

Le rapporteur,

I. Le BrisLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°16NT00009


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00009
Date de la décision : 24/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL CARADEUX CONSULTANTS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-11-24;16nt00009 ?
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