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14/11/2017 | FRANCE | N°16NT01026

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 14 novembre 2017, 16NT01026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeF... E... et M. A...C...ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune d'Equeurdreville-Hainneville à leur verser la somme de 114 090,79 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis à raison de l'illégalité du certificat d'urbanisme négatif du 9 mars 2009.

Par un jugement n° 1500427 du 27 janvier 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 23 m

ars et 8 juillet 2016, Mme E... et M.C..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeF... E... et M. A...C...ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune d'Equeurdreville-Hainneville à leur verser la somme de 114 090,79 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis à raison de l'illégalité du certificat d'urbanisme négatif du 9 mars 2009.

Par un jugement n° 1500427 du 27 janvier 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 23 mars et 8 juillet 2016, Mme E... et M.C..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 27 janvier 2016 ;

2°) de condamner la commune d'Equeurdreville-Hainneville à leur verser la somme de 114 090,79 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Equeurdreville-Hainneville le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité dès lors qu'à la date à laquelle le certificat d'urbanisme litigieux leur a été délivré leur terrain se situait en zone rouge du plan de prévention des risques d'inondations et non en zone bleue comme indiqué ;

- le lien de causalité entre cette faute et les préjudices qu'ils invoquent est établi dans la mesure où ils ont acquis leur maison avec la certitude de pouvoir procéder à son extension alors que son classement en zone rouge réduit très fortement cette possibilité ;

- la clause ajoutée au contrat d'acquisition de leur maison signifiait seulement qu'ils ne souhaitaient pas réaliser de travaux dans un " avenir prévisible " ; il ne peut leur être reproché de ne pas avoir prévu une clause suspensive liée à l'obtention d'une autorisation d'urbanisme pour la construction d'une véranda dès lors qu'ils ne sont pas des professionnels de l'immobilier et qu'ils n'avaient aucune raison de remettre en cause la teneur du certificat d'urbanisme qui leur avait été délivré ; ils n'avaient en tout état de cause pas les moyens financiers de réaliser ces travaux au moment de l'acquisition de leur maison ;

- ils sont fondés à solliciter le remboursement des frais d'acquisition du terrain comprenant les frais d'agence, les honoraires du notaire, les frais d'enregistrement et les frais d'emprunt, le tout s'élevant à la somme globale de 69 090,79 euros ;

- la perte de chance de réaliser une plus-value doit également être indemnisée à hauteur de 40 000 euros ;

- ils ont enfin subi un préjudice moral dont le montant peut être fixé à 5 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2016, la commune de Cherbourg-en-Cotentin, qui vient aux droits de la commune d'Equeurdreville-Hainneville, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme E... et M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme E... et M. C...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public.

1. Considérant que le 6 mai 2009, M. C...et Mme E...ont acquis une maison d'habitation située 60 rue Pasteur à Equeurdreville-Hainneville sur les parcelles cadastrées section BV n° 0449, 0463 et 0465 d'une superficie totale de 440 m² ; que le certificat d'urbanisme d'information délivré le 9 mars 2009, à la demande du notaire chargé de la vente, précisait notamment que les parcelles étaient situées en zone bleue B2 du plan de prévention des risques d'inondations (PPRI) de la Divette et du Trottebec approuvé par l'arrêté préfectoral du 29 juin 2007 ; que souhaitant construire une véranda de 32 m², M. C...et Mme E...ont déposé une demande de certificat d'urbanisme opérationnel le 6 septembre 2013 ; qu'un certificat d'urbanisme négatif leur a été délivré le 23 septembre 2013 ; qu'ils ont déposé une nouvelle demande pour une véranda de 28 m², laquelle a également fait l'objet d'un certificat d'urbanisme négatif le 12 décembre 2013, qui indiquait que le terrain était situé en zone rouge du PPRI dans laquelle l'extension des constructions n'était possible que si elle n'entraînait pas d'aggravation du risque, que le projet, inclus dans la zone d'expansion du ruisseau risquait d'empêcher l'écoulement des eaux, qu'il devait être réalisé à 1,20 m au-dessus du terrain naturel et qu'en raison de cette contrainte, il ne s'intégrerait pas dans le bâti environnant ; que les intéressés ont présenté une réclamation préalable le 13 janvier 2015 aux fins de se voir indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de " l'illégalité " du certificat d'urbanisme du 9 mars 2009 ; qu'ils relèvent appel du jugement du 27 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande indemnitaire dirigée contre la commune d'Equeurdreville-Hainneville, laquelle est devenue la commune nouvelle de Cherbourg-en-Cotentin à compter du 1er janvier 2016 ;

Sur la responsabilité de la commune :

2. Considérant qu'il n'est pas contesté que le certificat d'urbanisme délivré le 9 mars 2009 par le maire d'Equeurdreville-Hainneville indiquait par erreur que les parcelles litigieuses que Mme E... et M. C...envisageaient d'acheter, et dont l'une d'elles comprenait déjà une construction, se situaient en zone bleue B2 du plan de prévention des risques d'inondations (PPRI) de la Divette et du Trottebec approuvé le 29 juin 2007, alors qu'en réalité elles étaient répertoriées dans la zone rouge, dans laquelle les possibilités de construire sont plus restrictives ; que par suite, en délivrant une information erronée au notaire chargé de la vente et, par voie de conséquence, à Mme E... et M.C..., la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur les préjudices invoqués :

3. Considérant, en premier lieu, que selon le règlement du plan de prévention des risques d'inondations, la zone rouge correspond aux secteurs fortement exposés aux inondations, quels que soient les enjeux présents, et la zone bleue, aux secteurs à enjeux forts, exposés aux aléas les plus faibles ; que même dans la zone bleue, les aménagements des constructions existantes sont particulièrement encadrés ; que les deux certificats d'urbanisme négatifs délivrés à Mme E... et M. C...précisent à cet égard que " le projet en raison de sa situation dans la zone d'expansion du ruisseau et perpendiculairement au sens d'écoulement de l'eau est de nature à entraîner une aggravation du risque, et une augmentation importante de ses effets en créant directement un obstacle supplémentaire à l'écoulement des eaux " et que même en zone bleue " l'axe principal des bâtiments devra rester parallèle au flux du plus grand écoulement. En aucun cas le libre écoulement de la crue ne devra être entravé par les aménagements " ; qu'il est constant par ailleurs que les terrains achetés par les requérants sont soumis à d'autres servitudes d'utilité publique limitant les extensions ou aménagements, telle que la servitude AC1 liée à la protection d'un monument historique et la servitude PT1 relative à la protection des centres radio-électriques d'émission exploités par l'Etat contre les perturbations électro-magnétiques du Fort des Coulets, et qu'ils se situent dans les espaces proches du rivage au sens de la loi littoral ; que dans ces conditions, il n'est pas établi que, même si les parcelles litigieuses avaient effectivement été classées en zone bleue du plan de prévention des risques d'inondations, ainsi que l'a mentionné à tort la commune, le projet de véranda de Mme E... et M. C...aurait pu être autorisé ; qu'en outre, lors de la vente, les intéressés ont précisé " ne pas vouloir faire de la possibilité d'effectuer dans un avenir prévisible des travaux nécessitant la délivrance d'un permis de construire, une condition suspensive du présent acte. " ; que par suite, Mme E... et M. C...ne démontrent pas que s'ils avaient eu connaissance du classement de leur parcelle en zone rouge du plan de prévention des risques d'inondations ils n'auraient pas procédé à cette acquisition ; que dès lors, ils ne sont pas fondés à solliciter la réparation du préjudice qu'ils évaluent à 69 090,79 euros correspondant aux frais divers qu'ils ont engagés à l'occasion de l'acquisition de cette propriété, lequel ne présente pas un lien de causalité direct et certain avec la faute commise par la commune ;

4. Considérant, en deuxième lieu, et eu égard à ce qui a été dit-ci-dessus, que si les requérants produisent un rapport rédigé en décembre 2014 par un expert immobilier et commercial près des tribunaux et de la cour d'appel de Caen indiquant que si les travaux d'extension de leur propriété avaient pu être réalisés, la valeur vénale de celle-ci aurait pu être comprise entre 245 000 euros et 255 000 euros, soit une plus-value de 40 000 euros par rapport à son estimation sans ses aménagements, ce préjudice ne présente toutefois qu'un caractère purement éventuel et ne saurait être réparé ;

5. Considérant, enfin, que dans ces conditions et, en l'absence d'éléments précis suffisamment probants, Mme E... et M. C...ne peuvent être regardés comme ayant subi un préjudice moral résultant de l'erreur commise par la commune d'Equeurdreville-Hainneville lors de la délivrance du certificat d'urbanisme du 9 mars 2009 ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que Mme E... et M. C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Cherbourg-en-Cotentin, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme E... et M. C...de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme E... et M. C...le versement à la commune de Cherbourg-en-Cotentin de la somme qu'elle demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... et M. C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Cherbourg-en-Cotentin tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MmeF... E... et M. A... C...et à la commune de Cherbourg-en-Cotentin.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Degommier, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 novembre 2017.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01026
Date de la décision : 14/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-11-14;16nt01026 ?
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