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10/11/2017 | FRANCE | N°16NT00021

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 10 novembre 2017, 16NT00021


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des préjudices qu'elle a subi à la suite de son hospitalisation au centre hospitalier de Morlaix, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2013 et capitalisation des intérêts ;

Par un jugement n° 1303859 du 5 novembre 2015 le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Offic

e national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des préjudices qu'elle a subi à la suite de son hospitalisation au centre hospitalier de Morlaix, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2013 et capitalisation des intérêts ;

Par un jugement n° 1303859 du 5 novembre 2015 le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à Mme A... la somme de 62 091,65 euros sous déduction de la provision déjà versée, cette somme produisant intérêts à compter du 10 septembre 2013 avec capitalisation des intérêts échus à la date du 10 septembre 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 4 janvier 2016, 26 avril 2017 et le 9 octobre 2017, Mme B...A..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement n°1303859 du 5 novembre 2015 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses demandes ;

2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser :

- au titre des dépenses de santé actuelle la somme de 105 euros ;

- au titre des frais divers la somme de 10 717 euros ;

- au titre des pertes de gains professionnels la somme de 886,61 euros ;

- au titre des dépenses de santé futures la somme de 1 534 euros ;

- au titre des pertes de gains futurs la somme de 9 709 euros ;

- au titre de l'incidence professionnelle la somme de 20 000 euros ;

- au titre de son déficit fonctionnel temporaire, la somme de 3 872 euros ;

- au titre des souffrances endurées la somme de 10 000 ;

- au titre du préjudice esthétique temporaire la somme de 5 000 euros ;

- après consolidation, au titre du déficit fonctionnel permanent, du préjudice esthétique permanent et du préjudice d'agrément les sommes respectives de 40 000 euros, 4 000 et 5 000 euros ;

- les sommes précitées mises à la charge de l'ONIAM portant intérêts à compter du 10 septembre 2013 et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il s'est prononcé sur le principe du droit à indemnisation ;

- le tribunal a fait une insuffisante appréciation de ses différents préjudices ;

- il résulte des pièces produites qu'il est resté à sa charge des frais de santé à hauteur de 105 euros dont elle est fondée à demander le remboursement ;

- au titre des frais divers, les experts ont retenu la nécessité d'une assistance par tierce personne une heure par jour entre la fin de l'hospitalisation et la reprise du travail, soit du 1er juin au 30 septembre 2006, soit durant 122 jours ; ce chef de préjudice sera indemnisé, sur la base du smic horaire de 15 euros, à hauteur de 1 830 euros ; il y a lieu, par ailleurs de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a fait droit à sa demande de remboursement des honoraires du médecin conseil à hauteur de 6 793 euros ;

- les frais de déplacement exposés non seulement dans le cadre de la prise en charge des conséquences de l'accident médical mais également à l'occasion des opérations d'expertise, lesquelles l'ont notamment contrainte à se déplacer à deux reprises en région parisienne, soit une distance au total de 3 110 kms, s'élèvent à la somme de 1 866 euros ; il y a lieu d'ajouter à cette somme un montant de 228 euros correspondant aux frais d'hébergement exposés lors de l'expertise organisée le 26 octobre 2010 ;

- elle est fondée à obtenir le remboursement d'une somme de 886,61 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels, les experts ayant retenu l'existence d'un arrêt de travail d'une durée de dix mois, période au cours de laquelle elle n'a pu percevoir qu'un demi-traitement ;

- elle est fondée à obtenir le remboursement des frais médicaux et paramédicaux restés à sa charge après consolidation correspondant à des séances de psychothérapie, de shiatsu et d'étiopathie pour des montants respectifs de 760 euros, 700 euros et 74 euros qui sont en lien avec l'accident médical dont elle a été victime, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ;

- elle n'a repris, alors qu'elle était enseignante en école primaire à temps plein, qu'une activité professionnelle à mi-temps ce qui génère pour elle des pertes de revenus qu'il convient d'évaluer sur l'ensemble de sa carrière ; l'exercice de ce mi-temps professionnel est, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, en lien avec les séquelles subies à la suite de l'accident médical ; d'une part, elle est fondée à demander une indemnisation à hauteur de 820,85 euros ; d'autre part, il faut tenir compte d'un revenu de référence de l'année 2009, dernier année de travail à temps plein et des revenus perçus en 2011, année complète ; la perte de revenus annuelle s'élève à la somme de 9 709 euros ; entre le mois de septembre 2010 et la date de l'arrêt à intervenir, elle peut prétendre à obtenir les arrérages d'une rente annuelle de cette somme ; il y aura lieu, ensuite, de capitaliser la rente annuelle sur la base d'un barème de capitalisation publié à la Gazette su Palais 2013 ;

- l'incidence professionnelle de l'accident médical litigieux sera indemnisée à hauteur de 20 000 euros, la perte de ses droits à la retraite étant réservée ;

- son déficit fonctionnel temporaire pour les différentes périodes en cause s'élève à la somme de 3 872 euros ;

- les souffrances endurées évaluées par l'expert à 3 sur une échelle de 7 et le préjudice esthétique temporaire seront indemnisés respectivement à hauteur de 10 000 euros et 5 000 euros ;

- la somme de 40 000 euros accordée par les premiers juges au titre du déficit fonctionnel permanent devra être confirmée ;

- le préjudice esthétique permanent évalué par l'expert à 1,5 sur une échelle de 7 et le préjudice d'agrément subi devront être indemnisés à hauteur de 4 000 et 5 000 euros ;

Par des mémoires enregistrés le 9 novembre 2016 et le 11 octobre 2017, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que les condamnations prononcées par les premiers juges soient réduites à de plus justes proportions, en particulier s'agissant des frais de médecin conseil, des frais de déplacement, de l'indemnisation accordée au titre du déficit fonctionnel permanent qui doit être ramenée à 30 520 euros, de l'indemnisation allouée au titre de l'assistance tierce personne qui peut être fixée à la somme de 1 586 euros ;

Il fait valoir que les moyens présentés par Mme A...doivent être rejetés ;

Une mise en demeure a été adressée le 10 octobre 2016 à la Mutuelle Générale de l'Education Nationale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de Me E... représentant MmeA... ;

1. Considérant que Mme A..., née le 26 mai 1975, a présenté au mois de mai 2005 des troubles intestinaux ayant donné lieu, à compter de cette date, à plusieurs consultations et examens médicaux ; que le 17 août 2005 l'intéressée a été hospitalisée en urgence au centre hospitalier de Morlaix où elle a subi le jour même une opération chirurgicale pour résection recto-sigmoïdienne en raison d'une endométriose responsable d'une occlusion intestinale aigüe ; que, dans les suites de son extubation le 18 août, l'intéressée a présenté une pneumopathie bilatérale avec syndrome de détresse respiratoire aigüe assortie d'un choc sceptique ; que le 2 septembre 2005 une paralysie de la corde vocale gauche a conduit à la réalisation d'une trachéotomie ; que, lors de l'ablation d'un cathéter sous-clavier gauche le 9 septembre suivant, Mme A... a présenté un arrêt cardiaque ayant donné lieu à une réanimation pendant trente minutes ; que les 13 et 15 septembre des épisodes fébriles ont conduit à la constatation d'un nouvel épisode infectieux ; que Mme A... est restée hospitalisée jusqu'au 16 février 2006, d'abord à temps plein jusqu'au 9 décembre 2005 puis en hôpital de jour à compter du 12 décembre 2005 ; que, saisie le 14 septembre 2009 par la requérante, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) de Bretagne, a ordonné le 7 juillet 2010 une première expertise ; que s'estimant insuffisamment éclairée sur les causes du dommage, la CRCI a alors, le 5 juillet 2011, ordonné une seconde expertise en vue notamment de préciser quelle était l'origine exacte de l'arrêt cardiaque et de dire s'il avait eu des conséquences dommageables ; que les experts ont estimé que Mme A...a été victime de deux accidents médicaux non fautifs successifs, soit une pneumopathie par inhalation de liquide gastrique survenue le lendemain de colectomie puis un arrêt cardiaque survenu au cours de l'ablation du cathéter sous clavier ; qu'au terme d'un avis rendu le 26 janvier 2012, la CRCI a retenu que l'indemnisation des préjudices subis par Mme A...devait être mise à la charge de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ; que l'offre indemnitaire présentée le 11 juin 2012 par cet organisme n'a pas été acceptée par Mme A... qui a saisi le 10 septembre 2013 le tribunal administratif de Rennes d'une demande indemnitaire ;

2. Considérant que, par un jugement du 5 novembre 2015, les premiers juges ont estimé que la survenance de la pneumopathie ne revêtait pas la condition d'anormalité exigée par l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique permettant d'engager la solidarité nationale mais que Mme A...était, en revanche, fondée à obtenir sur le fondement des mêmes dispositions la réparation des préjudices résultant de manière directe et certaine de l'arrêt cardiaque dont elle a été victime le 9 septembre 2005 ; que cette juridiction a alors estimé qu'il y avait lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 62 091,65 euros, sous déduction de la provision déjà versée, cette somme produisant intérêts à compter du 10 septembre 2013 et capitalisation des intérêts échus à la date du 10 septembre 2014, puis à chaque date anniversaire pour produire eux-mêmes intérêts ; que Mme A... qui n'entend pas remettre en cause l'analyse des premiers juges sur l'engagement de la solidarité nationale demande la réformation du jugement du 5 novembre 2015 en tant que le tribunal administratif de Rennes n'a pas fait entièrement droit à ses demandes indemnitaires ; que l'ONIAM conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que les condamnations prononcées par les premiers juges soient réduites à de plus justes proportions, en particulier s'agissant des frais de médecin conseil, des frais de déplacement, de l'indemnisation accordée au titre du déficit fonctionnel permanent, l'indemnisation allouée au titre de l'assistance tierce personne pouvant, quant à elle, être fixée à la somme de 1586 euros ;

Sur l'indemnisation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé :

3. Considérant, en premier lieu, que si Mme A... sollicite de nouveau en appel le versement d'une somme de 150 euros au titre de frais de santé restés à sa charge, les décomptes établis par la MGEN qu'elle verse au soutien de sa demande ne sont pas détaillés et ne permettent pas d'identifier la nature des prestations concernées ni de rattacher en conséquence les soins dont le remboursement est demandé à l'accident médical dont a été victime Mme A... ; que sa demande ne peut dès lors qu'être rejetée ;

4. Considérant, en second lieu, que Mme A...demande de nouveau le versement d'une somme totale de 1534 euros au titre des frais médicaux et paramédicaux restés à sa charge après consolidation de son état de santé correspondant à des séances de psychothérapie, de shiatsu et d'étiopathie pour des montants respectifs de 760 euros, 700 euros et 74 euros ; qu'il résulte de l'instruction que l'expert a retenu seulement au titre des dépenses de santé futures la nécessité de quelques séances d'orthophonie et de psychothérapie ; qu'il ne résulte pas davantage en appel qu'en première instance de l'instruction que les séances de shiatsu et les consultations d'un étiopathe présenteraient un lien direct et certain avec l'accident médical dont Mme A... a été victime ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à sa demande sur ce point ; qu'en revanche, Mme A...peut prétendre au remboursement de la somme de 760 euros relative aux frais justifiés de consultations d'un psychologue de mars à octobre 2009 ; que le jugement attaqué doit dès lors être réformé sur ce point ;

S'agissant des frais divers :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, en particulier des justificatifs produits par Mme A... en première instance, que la requérante a versé au docteur Donnou, qui était son médecin conseil et l'a assistée à cinq reprises de juin 2009 à janvier 2012 pour les besoins de la procédure, la somme totale de 6 793 euros ; qu'elle a droit, contrairement à ce que fait valoir l'ONIAM au remboursement du montant total de ces honoraires ainsi que l'ont estimé les premiers juges ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et en particulier des justificatifs versés aux débats que Mme A..., contrairement à ce que fait valoir l'intimé, a exposé des frais de déplacements, d'une part, les 9 juin 2011 et 26 janvier 2012 pour se rendre de Guimaëc, lieu de son domicile, à Rennes distant de 189 kilomètres, afin de comparaître devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Bretagne, et d'autre part, les 24 septembre 2010, 26 octobre 2010 et 7 octobre 2011 pour se rendre aux opérations d'expertise et au rendez-vous de son médecin conseil soit : un aller-retour entre Guimaëc et Lechesnay distants de 524 kilomètres, un aller-retour entre Guimaëc et Le Kremlin Bicêtre distants de 530 kilomètres, et un aller-retour entre Guimaëc et Brest distants de 72,3 kilomètres ; qu'elle peut prétendre au paiement des frais de déplacements ainsi engagés ; que les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ces frais en les fixant, sur la base d'un barème kilométrique de l'administration fiscale applicable au cours des années en cause, d'un montant de 0,536 euros pour un véhicule de 5 CV, à la somme totale de 1 612,59 euros qu'il y a lieu de confirmer ; que Mme A...n'est par suite pas fondée à solliciter la réévaluation de ce chef de préjudice à hauteur de 1 866 euros ;

7. Considérant, en dernier lieu, que Mme A... renouvelle en appel sa demande tendant à ce que soient indemnisés des frais d'hébergement exposés à l'occasion de l'expertise organisée au Kremlin Bicêtre le 26 octobre 2010 pour un montant de 228 euros en produisant pour en justifier une facture d'hôtel correspondant à la réservation de deux chambres pour quatre personnes du 26 au 28 octobre 2010 ; que toutefois, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il y avait lieu de ne retenir que la somme de 57 euros, correspondant aux seuls frais exposés pour l'hébergement d'une seule personne et pour une nuit ;

S'agissant de l'assistance par tierce personne :

8. Considérant que les experts ont évalué à une heure par jour les besoins d'assistance par tierce personne de Mme A... entre le 1er juin et le 30 septembre 2006, date de reprise de son activité professionnelle ; que c'est par une exacte appréciation des besoins à indemniser, soit 122 heures d'assistance, que les premiers juges ont pris en considération pour la période en cause le montant du SMIC horaire brut qui s'élevait alors à 8,27 euros, référence seule pertinente, majoré des charges patronales et retenu la base de 390 jours par an pour tenir compte des congés payés ; qu'il y a lieu, par suite, de confirmer la somme de 1 208,21 euros allouée à Mme A...en réparation de ce chef de préjudice ;

S'agissant de la perte de gains professionnels :

9. Considérant, en premier lieu, que s'agissant de la perte de revenus actuels, soit avant consolidation, il résulte de l'instruction que Mme A... a subi un arrêt de travail du 15 août 2005 au 30 septembre 2006, période dont il convient de déduire deux mois, correspondant selon les experts à la période d'hospitalisation qui aurait été nécessaire dans les suite normales de la colectomie réalisée le 17 août 2005 ; que la période à indemniser s'étend ainsi, comme l'ont retenu les premiers juges, du 15 octobre 2005 au 30 septembre 2006 ; qu'en se bornant de nouveau en appel à indiquer qu'elle a perçu un demi-traitement au cours de cette période, lequel aurait généré un trop-perçu d'un montant de 886,61 euros prélevé sur ses salaires de novembre et décembre 2006, et en versant uniquement aux débats son bulletin de paie de novembre 2006 qui fait apparaitre un précompte pour trop perçu de 624,60 euros sans davantage d'explications, Mme A...ne justifie pas plus de la réalité de la perte de revenus qu'elle allègue ; qu'il résulte au contraire de ses bulletins de salaire qu'elle a perçu du 15 octobre 2005 au 30 septembre 2006 la somme totale de 21 544,57 euros, outre 654,48 euros correspondant au montant des indemnités journalières versées entre le 23 août et le 27 septembre 2006, soit des revenus d'un montant supérieur au revenu annuel de 22 180 euros perçu par l'intéressée en 2004, année précédent l'accident ; que, la demande de Mme A... tendant à ce qu'une somme de 886,61 euros lui soit accordée au titre de la perte de revenus actuels ne peut ainsi qu'être rejetée ;

10. Considérant, en second lieu, que, s'agissant de la perte de gains futurs à compter, du 30 septembre 2006, soit après consolidation de son état de santé, d'une part, Mme A... justifie de la récupération par son employeur d'un trop-perçu d'un montant de 820,85 euros en lien avec sa rémunération à mi-traitement aux cours des congés de maladie pris aux mois de mai, juin, octobre et décembre 2009 ; que la comparaison des revenus perçus par Mme A... en 2009, soit 20 953 euros, avec ceux perçus en 2004, soit 22 180 euros, confirme l'existence d'une perte de salaire ; que, par suite, il y a lieu de confirmer la condamnation mise à la charge de l'ONIAM par les premiers juges à hauteur de la somme de 820,85 euros ;

11. Considérant que, d'autre part, la requérante sollicite également l'indemnisation d'une perte de revenus liée à la nécessité de ne pouvoir reprendre un poste de travail que sous la forme d'un mi-temps thérapeutique à compter du mois de septembre 2010 ; qu'il est constant que Mme A...a repris ses fonctions de professeur des écoles à mi-temps thérapeutique pour l'année scolaire 2006/2007 avant de retravailler à temps plein pour l'année scolaire 2007/2008 ; qu'à la rentrée scolaire 2008, elle a été nommée sur des remplacements au bout de deux mois ; qu'elle a été ensuite placée de février à juin 2009 en arrêt de maladie ; que par une décision du comité médical du Finistère en date 21 avril 2009, elle a été déclarée inapte à l'enseignement présentiel ; que Mme A...a alors repris ses fonctions à mi-temps à compter de septembre 2010 ; qu'il résulte de l'instruction, en particulier des observations des deux experts désignés par la CRCI le 5 juillet 2011, les docteurs Vaislic, spécialisé en chirurgie cardio-vasculaire et thoracique et le docteur Limousin Champfailly, spécialisé en neurologie, que Mme A...a conservé à la suite de l'accident médical dont elle a été victime de nombreuses séquelles sur le plan physique - boîterie au niveau du membre inférieur droit, appui monopodale uniquement sur ce membre avec de l'aide, marche sur les pointes et sur les talons impossible, déficit moteur du muscle triceps, jambier postérieur et péroniers latéraux du membre inférieur droit, atteinte proprioceptive du membre supérieur droit - et d'ordre neuropsychologique, notamment des problèmes de mémoire de travail et une diminution de la fluence verbale ; que l'importance des difficultés rencontrées par Mme A...lors de la reprise de son activité professionnelle a été constatée tant par son médecin traitant que par le médecin inspecteur sollicité par l'Académie ; que la CRCI, quant à elle, a dans son avis émis le 26 janvier 2012 retenu l'imputabilité d'un emploi à mi-temps à l'accident médical en cause ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le mi-temps thérapeutique de Mme A... à partir de septembre 2010 doit être regardé comme étant en lien direct les séquelles subies à la suite de l'accident médical dont elle a été victime ; qu'elle peut ainsi prétendre à être indemnisée de la perte de gains professionnels en résultant ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, notamment des avis d'imposition portant sur les revenus perçus au titre des années 2011 à 2016 et des bulletins de salaire versés aux débats par Mme A...devant la cour, notamment pour l'année 2010, que les revenus perçus par Mme A...du mois de septembre 2010 au mois de décembre 2016, soit sur 76 mois où elle a exercé à mi-temps, s'élèvent à la somme totale de 75 969 euros, soit 11 995 euros par an ; que ses revenus pour l'année 2009 qui est la dernière année où elle a exercé à temps plein se sont élevés à 20 953 euros ; que sur la base de ces différents éléments, la perte de revenus annuelle de Mme A...peut être évaluée à la somme de 8 958 euros ; que l'indemnité à laquelle elle peut prétendre pour la période courant du mois de septembre 2010 à la date de lecture du présent arrêt peut ainsi être évaluée à la somme totale de 64 199 euros mise à la charge de l'ONIAM ; que le jugement attaqué doit être réformé sur ce point ; que, d'autre part, Mme A...a également droit à l'indemnisation capitalisée des pertes de gains professionnels qu'elle subira postérieurement au présent arrêt jusqu'à la date de sa retraite à l'âge de 62 ans ; que Mme A...qui est née le 26 mai 1975 subit une perte de gains annuelle de 8 958 euros, montant auquel il y a lieu d'appliquer le coefficient de 17,589 établi pour une femme de 42 ans selon un barème de capitalisation sur la base d'un taux de 1,04%, soit la somme 157 562 euros ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les pertes de gains professionnels futurs subis par Mme A...s'élèvent à la somme globale de 221 761 euros ; que le jugement attaqué doit, dès lors, être réformé sur ce point ;

S'agissant de l'incidence professionnelle :

13. Considérant, qu'ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, Mme A... a été déclarée inapte à l'enseignement présentiel par une décision de l'Académie du 21 avril 2009 ; que les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce chef de préjudice, distinct de la perte de revenus subies par l'intéressée tenue, comme il a été indiqué au point 11, d'exercer à mi-temps compte tenu des séquelles liées à l'accident médical dont elle a été victime, en lui allouant la somme de 4 000 euros ; que la demande de Mme A...tendant à la réévaluation de ce chef de préjudice à hauteur de 20 000 euros ne peut par suite qu'être rejetée ;

En ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le déficit fonctionnel temporaire subi par Mme A... a été total du 17 août 2005 au 9 décembre 2005 puis de 50 % du 10 décembre 2005 au 24 février 2006 et enfin de 25 % du 24 février 2006 au 1er juin 2006, date à laquelle son état de santé a été déclaré consolidé ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il y a lieu de déduire de la période à indemniser une période de deux mois d'hospitalisation qui aurait été nécessitée par la réalisation d'une colectomie sans complication ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient insuffisamment apprécié ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 3 600 euros ; que la demande de Mme A...tendant à l'allocation d'une somme de 3 872 euros à ce titre ne peut qu'être rejetée ;

S'agissant des souffrances endurées :

15. Considérant qu'elles ont été évaluées à 3 sur 7 par les experts, compte tenu de la prolongation de l'hospitalisation, de la survenue de deux infections nosocomiales, de l'arrêt de travail et de la rééducation ; que les premiers juges, qui n'ont retenu que les seules souffrances endurées résultant de l'arrêt cardiaque et de ses conséquences, n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 3 000 euros ;

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

16. Considérant que le déficit fonctionnel permanent de Mme A...a été évalué à 18 % par l'expert compte tenu des séquelles neurologiques-psychologiques et physiologiques présentées par l'intéressée, associant des troubles de l'état cognitif, un déficit moteur du membre inférieur droit par atteinte du nerf sciatique poplité interne et des troubles proprioceptifs du membre supérieur ; que compte tenu de l'âge de la victime à la date de consolidation, soit 31 ans, les premiers juges ont pu, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, par une exacte appréciation de ce chef de préjudice l'évaluer à la somme de 40 000 euros;

S'agissant du préjudice esthétique :

17. Considérant, d'une part, que l'expert a retenu un préjudice esthétique temporaire évalué à 2 sur 7 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que ce préjudice est en rapport avec la seule présence chez une femme jeune, d'une cicatrice de trachéotomie, laquelle a été réalisée avant la survenue de l'accident médical lors du séjour en réanimation de la patiente et ne résulte pas de cet accident médical non fautif dont il est seulement accordé réparation ; que, par suite, c'est par une juste appréciation des circonstances de l'espèce que les premiers juges ont, contrairement à ce que soutient MmeA..., rejeté la demande présentée à ce titre ; que, d'autre part, l'expert a retenu un préjudice esthétique permanent évalué à 1,5 sur 7 compte tenu de la cicatrice de trachéotomie et d'une prise de poids de 20 kilos chez une femme jeune ; qu'en allouant la somme de 1 000 euros, le tribunal qui n'a pas, à bon droit, pris en compte pour les raisons ci-dessus indiquées la cicatrice de trachéotomie, n'a pas fait une insuffisante évaluation de ce chef de préjudice ;

S'agissant du préjudice d'agrément :

18. Considérant que si l'expert a retenu l'existence d'un tel préjudice en raison des troubles de la concentration de Mme A... et de son incapacité de pratiquer désormais la guitare, la requérante ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance d'un préjudice particulier lié à l'impossibilité de se livrer à une pratique instrumentale qu'elle aurait exercé autrefois avec une intensité particulière et qui ne serait pas inclus dans les déficits fonctionnels temporaire et permanent déjà indemnisés ; que, par ailleurs, et ainsi que l'ont justement apprécié les premiers juges, les troubles de la concentration ont été inclus dans l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent ; que la demande de Mme A... ne peut par suite qu'être rejetée ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, en particulier de ce qui a été dit aux points 4, 11 et 12, qu'il y a lieu de porter de 62 091,65 euros à 284 612,65 euros la somme mise à la charge de l'ONIAM à verser à Mme A... en réparation des préjudices qu'elle a subis, sous déduction de la provision déjà versée ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à demander, dans la mesure précisée aux points 4, 11 et 12, la réformation du jugement attaqué du 5 novembre 2015 du tribunal administratif de Rennes ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

21. Considérant que l'indemnité accordée à Mme A...portera intérêts à compter du 10 septembre 2013 et capitalisation des intérêts à compter du 10 septembre 2014, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à Mme A...d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité mise à la charge de l'ONIAM au titre des préjudices subis par Mme A... est portée à 284 612,65 euros, somme qui lui sera accordée sous déduction de la provision déjà versée. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2009. Les intérêts seront capitalisés à compter du 20 septembre 2010 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Le jugement n°1303859 du 5 novembre 2015 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de la requête de Mme A...et les conclusions d'appel incident présentées par l'ONIAM sont rejetés.

Article 4: L'ONIAM versera à Mme A...la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la mutuelle générale de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 novembre 2017.

Le président-rapporteur,

O. Coiffet L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

E. Berthon

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

16NT00021 2

1


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SOCIETE AVOCATS CARTRON-LHOSTIS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 10/11/2017
Date de l'import : 21/11/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16NT00021
Numéro NOR : CETATEXT000036039973 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-11-10;16nt00021 ?
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