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20/10/2017 | FRANCE | N°16NT03877

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 20 octobre 2017, 16NT03877


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 28 juillet 2015 de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin lui infligeant une sanction de placement en quartier disciplinaire pour une durée de quatre jours.

Par une ordonnance n° 1505379 du 26 septembre 2016, le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par transmission du 28 novembre 2016, enregistr

e le 2 décembre 2016 au greffe de la cour, le président du tribunal administratif de Renn...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 28 juillet 2015 de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin lui infligeant une sanction de placement en quartier disciplinaire pour une durée de quatre jours.

Par une ordonnance n° 1505379 du 26 septembre 2016, le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par transmission du 28 novembre 2016, enregistrée le 2 décembre 2016 au greffe de la cour, le président du tribunal administratif de Rennes a adressé à la cour la requête présentée par M.B....

Par une requête enregistrée le 2 décembre 2016, M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 26 septembre 2016 par laquelle le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 septembre 2015 du directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand Ouest ;

2°) d'annuler la décision du 18 septembre 2015 du directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand Ouest ;

Il soutient que :

- sa demande de première instance était dirigée contre la décision du 18 septembre 2015 du directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand Ouest et était recevable, contrairement à ce qu'a estimé le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Rennes ;

- la sanction qui lui a été infligée est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- la décision de la commission de discipline du 28 juillet 2015 n'est pas suffisamment motivée et n'a pas respecté le principe de présomption d'innocence ;

- le directeur interrégional a retenu à tort qu'il avait déjà été sanctionné en 2015 pour des faits semblables ;

- il a été victime d'une sanction collective prohibée par les dispositions du code de procédure pénale ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2017, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthon,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

1. Considérant que M. B...relève appel de l'ordonnance du 26 septembre 2016 par laquelle le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la sanction de placement en quartier disciplinaire pour une durée de quatre jours qui lui a été infligée le 28 juillet 2015 par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin pour avoir irrégulièrement détenu dans sa cellule un téléphone portable et divers matériels de téléphonie mobile ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 4° rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale : " La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline doit, dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision, la déférer au directeur interrégional des services pénitentiaires préalablement à tout recours contentieux. Le directeur interrégional dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception du recours pour répondre par décision motivée. L'absence de réponse dans ce délai vaut décision de rejet. " ; que l'institution par ces dispositions d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration ; que, par suite, les conclusions à fin d'annulation dirigées, non contre la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires, mais contre la décision initiale de refus prise par la commission de discipline, sont irrecevables ; que, toutefois, s'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation d'une décision qui ne peut donner lieu à un recours devant le juge de l'excès de pouvoir qu'après l'exercice d'un recours administratif préalable et si le requérant indique, de sa propre initiative ou le cas échéant à la demande du juge, avoir exercé ce recours et, le cas échéant après que le juge l'y ait invité, produit la preuve de l'exercice de ce recours ainsi que, s'il en a été pris une, la décision à laquelle il a donné lieu, le juge de l'excès de pouvoir doit regarder les conclusions dirigées formellement contre la décision initiale comme tendant à l'annulation de la décision, née de l'exercice du recours, qui s'y est substituée ;

4. Considérant que le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté, sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande de M.B..., au motif qu'elle était uniquement dirigée contre la décision du 28 juillet 2015 de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que M. B...a saisi, le 3 août 2015, le directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand Ouest d'un recours contre la décision de la commission de discipline, comme il en avait l'obligation ; que le directeur interrégional a rejeté ce recours le 18 septembre 2015 par une décision qui s'est substituée à celle de la commission de discipline, avant que le requérant n'introduise un recours contentieux devant le tribunal administratif ; que la décision du 18 septembre 2015 du directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand Ouest a été produite par le requérant en première instance ; que dès lors, les conclusions de M. B...devaient être regardées comme dirigées contre cette décision ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi ; que l'ordonnance attaquée du 26 septembre 2016 doit, dès lors, être annulée ;

5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. Considérant que, comme il a été dit au point 3 du présent arrêt, un détenu n'est recevable à déférer au juge administratif que la seule décision, expresse ou implicite, du directeur régional des services pénitentiaires, qui arrête définitivement la position de l'administration et qui se substitue ainsi à la sanction initiale prononcée par la commission de discipline ; que, par suite, le requérant ne peut utilement invoquer les moyens tirés de ce que la décision de la commission de discipline serait insuffisamment motivée et qu'elle aurait méconnu le principe de la présomption d'innocence ;

7. Considérant que, en revanche, eu égard aux caractéristiques de la procédure suivie devant la commission de discipline, cette substitution ne saurait faire obstacle ce que soient invoquées, à l'appui d'un recours dirigé contre la décision du directeur interrégional, les éventuelles irrégularités de la procédure suivie devant la commission de discipline préalablement à la décision initiale ; qu'aux termes de l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale : " En cas de manquement à la discipline de nature à justifier une sanction disciplinaire, un compte rendu est établi dans les plus brefs délais par l'agent présent lors de l'incident ou informé de ce dernier. L'auteur de ce compte rendu ne peut siéger en commission de discipline. " ; que s'il ressort des pièces du dossier que le compte rendu d'incident n'a été établi que quatre jours après les faits en raison de la mise en place d'un nouveau logiciel au sein du centre pénitentiaire, le délai prévu par l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale n'est pas prescrit à peine de nullité ;

8. Considérant que les sanctions disciplinaires pouvant être infligées aux détenus ne constituent pas des accusations en matière pénale au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elles sont des mesures de sûreté et non des peines relevant d'incriminations pénales d'interprétation stricte ; que si elles peuvent être regardées comme portant sur des contestations sur des droits à caractère civil au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6, la nature administrative de l'autorité prononçant les sanctions disciplinaires fait obstacle à ce que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soient applicables à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires ;

9. Considérant que si M. B...soutient, sans l'établir au demeurant, que le directeur interrégional a retenu de manière erronée qu'il avait déjà été sanctionné en 2015 pour la possession d'un téléphone portable, le directeur interrégional n'a pas fondé la décision litigieuse sur cette circonstance ; que le moyen ne peut par suite qu'être écarté ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 57-7-49 du code de procédure pénale : " Le président de la commission de discipline prononce celles des sanctions qui lui paraissent proportionnées à la gravité des faits et adaptées à la personnalité de leur auteur (...) Les sanctions collectives sont prohibées. " ; que M. B...soutient qu'il a été victime d'une sanction collective, au motif que son co-détenu a fait l'objet d'une sanction disciplinaire identique à la sienne, prononcée à raison des mêmes faits ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration a fait une appréciation erronée des faits en estimant que M. B...et son co-détenu avaient commis des fautes identiques qui justifiaient l'application de sanctions identiques ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le directeur interrégional aurait méconnu l'article précité du code de procédure pénale ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la sanction de placement en quartier disciplinaire pour une durée de quatre jours qui lui a été infligée le 28 juillet 2015 ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1505379 du 26 septembre 2016 du président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Rennes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président de chambre,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Massiou, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2017.

Le rapporteur,

E. BerthonLe président,

O. Coiffet

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT03877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03877
Date de la décision : 20/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL BIDNIC ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-10-20;16nt03877 ?
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