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06/10/2017 | FRANCE | N°15NT02594

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 octobre 2017, 15NT02594


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme totale de 10 000 euros en réparation des préjudices personnels qu'elle aurait subis du fait de la pathologie développée par son fils à la suite de sa vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1).

Par une ordonnance n° 1405721 du 18 juin 2015, le président de la 4ème chambre du tr

ibunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme totale de 10 000 euros en réparation des préjudices personnels qu'elle aurait subis du fait de la pathologie développée par son fils à la suite de sa vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1).

Par une ordonnance n° 1405721 du 18 juin 2015, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 18 août 2015, 12 décembre 2016 et 24 août 2017, MmeA..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1405721 du 18 juin 2015 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 113 731,34 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la pathologie développée par son fils à la suite de sa vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1) ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son fils a développé une narcolepsie cataplexie à la suite d'une vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1) le 14 décembre 2009 ; les préjudices subis par son fils ont fait l'objet d'une indemnisation à la suite de l'acceptation d'un protocole d'indemnisation transactionnelle conclu le 18 novembre 2014 pour un montant de 310 513,54 euros ; les études scientifiques ont confirmé l'existence d'un risque très significatif de développer une narcolepsie cataplexie à la suite de cette vaccination ;

- par une décision du 31 octobre 2014, l'ONIAM a rejeté sa demande indemnitaire propre relative à son préjudice d'affection et à une perte de gains professionnels ;

- contrairement à ce qu'a estimé le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes, elle doit être regardée comme également victime de la vaccination en cause, l'article L. 3131-4 du code de la santé publique prévoyant expressément l'indemnisation des victimes des mesures sanitaires d'urgence comme la vaccination contre le virus H1N1 ;

- les victimes indirectes de cette vaccination, à l'instar de celles victimes d'une contamination par le VIH, le virus de l'hépatite C ou les victimes du benfluorex, peuvent obtenir l'indemnisation de leurs préjudices propres, que la victime directe soit décédée ou pas ; les victimes indirectes peuvent seulement obtenir la réparation de certains postes de préjudices ; c'est la position retenue par le Conseil d'État dans deux décisions n° 391149 du 27 mai 2016 et n° 397729 du 4 novembre 2016 ;

- elle subit un réel préjudice d'affection en raison du déficit fonctionnel permanent de 40 % dont son fils reste atteint, un préjudice d'anxiété quant à l'avenir de son fils, un préjudice psychologique du fait d'avoir incité son fils à se faire vacciner, et un bouleversement dans ses conditions d'existence ; elle a dû réduire sa quotité de temps de travail et s'absenter pour s'occuper de son fils, cette réduction d'activité lui causant une perte de gains professionnels qu'elle évalue à 23 427,53 euros ; elle a dû engager des frais de transport et d'hébergement pour accompagner son fils à Paris lors de consultations médicales pour un montant capitalisé de

30 303,81 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés les 5 mai 2016 et 15 janvier 2017, l'ONIAM, représenté par MeB..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, à ce que la somme accordée à Mme A...au titre de ses préjudices propres soit limitée à 5 000 euros en réparation de son préjudice d'affection et à ce que celle de 1 500 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens développés par Mme A...n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Massiou,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

1. Considérant que le 14 décembre 2009, RomainA..., alors âgé de 14 ans, a été vacciné contre le virus de la grippe A (H1N1) par le vaccin Pandemrix dans le cadre de la campagne de vaccination nationale prévue par un arrêté du ministre de la santé et des sports du 4 novembre 2009 ; que les premiers symptômes de narcolepsie avec cataplexie étant apparus dans les semaines qui ont suivi cette vaccination et le diagnostic de cette pathologie ayant été établi le 6 décembre 2010, les consorts A...ont saisi l'ONIAM le 3 septembre 2013 aux fins d'obtenir l'indemnisation des préjudices de Romain A...sur le fondement de l'article R. 3131-1 du code de la santé publique ; que le docteur Vercellatto, désigné en qualité d'expert par l'ONIAM a dans son rapport du 12 mai 2014 conclu, d'une part, à l'existence d'un lien de causalité entre la pathologie et la vaccination par Pandemrix, et a, d'autre part, évalué les préjudices subis par Romain A...; que l'ONIAM a ensuite formulé une offre d'indemnisation intégrale de ces préjudices pour un montant total de 310 513,54 euros, offre qui a été acceptée par l'intéressé le 18 novembre 2014 ;

2. Considérant que l'ONIAM a, par ailleurs, rejeté le 31 octobre 2014 la demande d'indemnisation formulée parallèlement par MmeA..., mère de Romain, aux fins obtenir l'indemnisation de ses préjudices propres ; que le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a, par une ordonnance du 18 juin 2015, rejeté la demande de Mme A...tendant à la condamnation de l'ONIAM à lui verser cette indemnisation au motif que les dispositions de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique excluaient l'indemnisation des préjudices propres des victimes indirectes ; que, par la voie de l'appel principal, Mme A...demande l'annulation de cette ordonnance et porte sa demande indemnitaire de 10 000 euros à 113 731,34 euros ; que l'ONIAM, qui ne conteste plus le principe du droit à indemnisation des préjudices propres de MmeA..., demande que la somme accordée à l'intéressée soit limitée à

5 000 euros ;

Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique : " En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population (...) " ; que selon l'article L. 3131-4 de ce même code : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3134-1 est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionné à l'article L. 1142-22. / L'offre d'indemnisation adressée par l'office à la victime ou, en cas de décès, à ses ayants droit indique l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, nonobstant l'absence de consolidation, ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime ou à ses ayants droit, déduction faite des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, et, plus généralement, des prestations et indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du même chef de préjudice. / L'acceptation de l'offre d'indemnisation de l'office par la victime vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. / L'office est subrogé, s'il y a lieu et à due concurrence des sommes qu'il a versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur. / Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. " ;

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique prévoient la réparation intégrale par l'ONIAM, en lieu et place de l'État, des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles

L. 3131-1 ou L. 3134-1, sans qu'il soit besoin d'établir l'existence d'une faute ni la gravité particulière des préjudices subis ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la réparation incombant à l'ONIAM bénéficie à toute victime, c'est-à-dire tant à la personne qui a subi un dommage corporel du fait de l'une de ces mesures qu'à ceux de ses proches qui en subissent directement les conséquences ; que Mme A...est, dès lors, fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Sur l'évaluation des préjudices :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme A...a choisi de travailler à temps partiel à hauteur de 80 % à compter de 2008, soit avant que son fils ne soit victime de la pathologie dont il souffre, du fait de l'état de santé de son mari ; que si elle indique ne pas avoir ensuite souhaité reprendre ses fonctions à plein temps lorsque Romain est tombé malade, l'ONIAM a indemnisé ce dernier des frais d'aide par une tierce personne à raison d'une heure trente par jour pour une période courant à compter du mois de février 2010 ; que, dans ces conditions, la demande de Mme A...tendant à obtenir l'indemnisation du même préjudice résultant de sa perte de revenus du fait d'une quotité de travail ramenée à 80 % à compter du

24 janvier 2010 due, selon elle, à l'état de santé de son fils, ne peut qu'être rejetée ;

6. Considérant, en second lieu, que par la seule production de notes de frais établies à partir des éléments théoriques de calcul du site Internet Mappy Mme A...ne justifie pas des sommes qu'elle demande au titre des frais de transport et d'hébergement pour accompagner son fils en consultation à l'hôpital Bichat à Paris ;

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

7. Considérant, en premier lieu, que Mme A...subit un préjudice moral du fait de voir son fils atteint d'une pathologie qui l'handicape quotidiennement et qui trouve son origine dans une vaccination qu'elle a elle-même choisi de faire pratiquer, ce handicap ayant des retentissements importants sur la vie personnelle et l'avenir professionnel de ce dernier ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection ainsi subi par Mme A...en l'évaluant à la somme de 10 000 euros ;

8. Considérant, en second lieu, que Mme A...ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice d'accompagnement du fait de l'état de son fils, dès lors que celui-ci n'est pas décédé, ce chef de préjudice visant à réparer les bouleversements subis par les proches de la victime durant la période courant jusqu'à son décès ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande indemnitaire et que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales doit être condamné à lui verser la somme de 10 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'en application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par l'ONIAM ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1405721 du 18 juin 2015 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes est annulée.

Article 2 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est condamné à verser à Mme A...la somme de 10 000 euros.

Article 3 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Massiou, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 octobre 2017.

Le rapporteur,

B. Massiou

Le président,

O. Coiffet

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT02594


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02594
Date de la décision : 06/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Barbara MASSIOU
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : DANTE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-10-06;15nt02594 ?
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