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29/09/2017 | FRANCE | N°15NT03895

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 29 septembre 2017, 15NT03895


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public

- et les observations de MeB..., substituant MeC..., représentant la SAS Les Toques régionales.

1. Considérant que la SAS Les Toques régionales, qui exerce une activité de restauration collective et de vente de plats cuisin

és, et qui emploie de manière habituelle 90 salariés, a embauché le 23 mai 2005, par un contrat de travail à duré...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public

- et les observations de MeB..., substituant MeC..., représentant la SAS Les Toques régionales.

1. Considérant que la SAS Les Toques régionales, qui exerce une activité de restauration collective et de vente de plats cuisinés, et qui emploie de manière habituelle 90 salariés, a embauché le 23 mai 2005, par un contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein, Mme D...en qualité de second de cuisine puis en qualité d'employée qualifiée de restauration, niveau IV ; que dans le cadre d'un contrat conclu à compter du 1er janvier 2008, elle avait notamment en charge la livraison de repas auprès de personnes inscrites sur une liste fournie par le centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune de Saint-Cyr-sur-Loire ; que le CCAS a décidé, après appel d'offres, d'attribuer ce marché à la société Ansamble à compter du 1er janvier 2014 ; que compte tenu de la qualité de salarié protégé de Mme D..., qui détient les mandats de membre titulaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et de membre suppléant de la délégation unique du personnel, la SAS Les Toques Régionales a sollicité de l'inspecteur du travail, le 4 décembre 2013, l'autorisation de procéder au transfert de son contrat de travail au profit de la société Ansamble ; que cette autorisation a été refusée par une décision du 26 décembre 2013 de l'inspecteur du travail ; que la société a formé un recours hiérarchique contre cette décision ; qu'une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le ministre du travail, confirmée par une décision expresse du 30 juillet 2014 qui s'y est substituée ; que la SAS Les Toques régionales relève appelle du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 20 octobre 2015 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que celui-ci énonce les considérations de droit et de fait sur lesquels les premiers juges se sont fondés ; qu'il indique, en particulier, pour écarter le moyen tiré de la violation de la procédure contradictoire, qu'il ne résulte pas, contrairement à ce que soutenait la société requérante, compte tenu de la décision particulièrement motivée de l'inspecteur du travail, que celui-ci n'aurait pas pris en considération les observations qu'elle avait formulées dans son courrier du 23 décembre 2013 adressé à la suite de l'enquête contradictoire, quant à l'activité de la société et sur la nature du marché conclu avec le CCAS ; que ce jugement précise, en outre, que la décision explicite du ministre s'est substituée à sa décision implicite et que la décision explicite ayant rejeté le recours hiérarchique n'a pas eu pour effet de se substituer à celle de l'inspecteur du travail, de sorte que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du ministre est inopérant ; que le moyen tiré d'une insuffisante motivation du jugement attaqué doit, dès lors, être rejeté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L.1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. " ; qu'aux termes de l'article L.2414-1 du même code : " Le transfert d'un salarié compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement par application de l'article L. 1224-1 ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail lorsqu'il est investi de l'un des mandats suivants : (...) " ; qu'aux termes de l'article L.2421-9 de ce code : " Lorsque l'inspecteur du travail est saisi d'une demande d'autorisation de transfert, en application de l'article L. 2414-1, à l'occasion d'un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, il s'assure que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire./ Si l'autorisation de transfert est refusée, l'employeur propose au salarié un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente dans un autre établissement ou une autre partie de l'entreprise. " ;

5. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés protégés bénéficient d'une protection exceptionnelle instituée dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, afin d'éviter que ces salariés ne fassent l'objet de mesures discriminatoires dans le cadre d'une procédure de licenciement ou d'un transfert partiel d'entreprise ; que, dans ce dernier cas, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de transfert sur le fondement de l'article L. 2414-1 du code du travail, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier, d'une part, que sont remplies les conditions prévues à l'article L. 1224-1 du code du travail ; que cette dernière disposition ne s'applique qu'en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise par le nouvel employeur ; que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif économique propre ; que le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant ; qu'il incombe, d'autre part, à l'autorité administrative de s'assurer que le transfert envisagé est dépourvu de lien avec le mandat ou l'appartenance syndicale du salarié transféré et que, ce faisant, celui-ci ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire ;

6. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier, notamment de l'article 1er du cahier des clauses particulières, que l'objet du marché attribué à la société Ansamble consiste en " la fourniture et la livraison de repas en liaison froide pour des personnes adultes vivant à leur domicile et connaissant des difficultés d'autonomie permanentes ou occasionnelles. Celles-ci sont majoritairement des personnes âgées de plus de 60 ans " ; que selon l'article 3 de ce cahier, le prestataire a pour mission d'assurer la fabrication et la livraison de repas en liaison froide à ces personnes, de sorte que " ce service, au-delà de sa vocation nutritionnelle, joue un vrai rôle social. Grâce à la visite du livreur, il offre une ouverture sur l'extérieur à des personnes souvent isolées " ; que l'article 4, relatif à l'organisation et au fonctionnement du service, prévoit en particulier que le prestataire devra, d'une part, disposer d'une cuisine centrale pour fabriquer les repas à livrer en affectant, en nombre et en qualification, le personnel qui lui est nécessaire pour remplir sa mission et, d'autre part, assurer la livraison au domicile des personnes aux moyens de véhicules réfrigérés, que les livreurs devront vérifier la bonne réception du repas par son bénéficiaire ou la personne habilitée et, en cas de constatation d'une situation anormale au domicile de la personne livrée, alerter les services concernés (pompiers, police ...) et le CCAS et qu'ils devront, aussi, être vigilants au bon fonctionnement des appareils de stockage pour les produits fournis et à la consommation des repas précédemment livrés ;

7. Considérant qu'il résulte du constat effectué, après enquête contradictoire, par l'inspecteur du travail, que si la confection de ces repas a été réalisée au sein d'une des cuisines centrales dont dispose la SAS Les Toques régionales, aucun moyen ou organisation spécifiques n'a été mis en oeuvre pour constituer une entité distincte et détachable des activités de production et de service qu'elle effectue auprès d'autres clients ; que, de plus, la SAS Les Toques régionales n'a sollicité le transfert des contrats de travail, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 1224-1 du code du travail, que pour les deux seuls salariés, dont MmeD..., affectés à la livraison des repas ; qu'il est constant que Mme D..., qui a été embauché à temps plein, sur un contrat à durée indéterminé, ne consacrait pour la livraison des clients du CCAS que trois heures de travail environ sur les sept heures quotidiennes et qu'aucun moyen matériel d'exploitation, en particulier les camions frigorifiques, n'a été transféré au profit de la société Ansamble alors qu'au surplus, la seule affectation de salariés à l'exécution d'un marché ne suffit pas à caractériser une entité économique autonome ; que, alors même que cette mission comporte nécessairement un aspect social du fait des contacts quotidiens que les livreurs ont avec des personnes isolées, cette circonstance ne suffit pas à caractériser le transfert d'une entité économique autonome, alors, au demeurant, que les prix unitaires prévus ne comprennent aucune rémunération spécifique pour assistance auprès des clients livrés et que la société requérante n'établit pas que ses salariés auraient reçu une formation particulière pour cette tâche ; que les services de prestation et de livraison étant assurés par la société requérante auprès des seules personnes inscrites sur la liste que lui fournit la collectivité dans le cadre de l'exécution d'un contrat présentant un caractère temporaire, la SAS Les Toques régionales ne saurait prétendre avoir cédé une clientèle constituant un élément significatif de son fonds de commerce emportant transfert d'une entité économique ; qu'il suit de là, que faute de produire des éléments de nature à établir que les activités de production et de service mises en oeuvres pour exécuter le marché conclu avec le CCAS de Saint-Cyr-sur-Loire relevaient d'une entité économique autonome, la SAS Les Toques régionales n'est pas fondée à soutenir que la société qui lui a succédé était tenue de poursuivre les contrats de travail ; que l'administration n'a dès lors commis aucune erreur d'appréciation en refusant l'autorisation demandée par l'employeur ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par MmeD..., que la SAS Les Toques régionales n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Les Toques régionales demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SAS Les Toques régionales une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Les Toques régionales est rejetée.

Article 2 : La SAS Les Toques régionales versera à Mme D...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Les Toques régionales, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à MmeD....

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2017.

Le rapporteur,

M. E...Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne ministre du travail en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°15NT03895


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03895
Date de la décision : 29/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : RABILIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-09-29;15nt03895 ?
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