La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2017 | FRANCE | N°15NT01855

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 28 septembre 2017, 15NT01855


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...D...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 pour une somme totale de 142 222 euros.

Par un jugement n° 1300590 du 21 avril 2015, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence, en droits et pénalités, de la somme totale de 29 301 euros et a reje

té le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...D...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 pour une somme totale de 142 222 euros.

Par un jugement n° 1300590 du 21 avril 2015, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence, en droits et pénalités, de la somme totale de 29 301 euros et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juin et 9 décembre 2015, M. et MmeD..., représentés par MeE..., demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure de taxation d'office est irrégulière dès lors qu'ils ont été induits en erreur lors de la demande de justification du 10 janvier 2011 et que l'administration a méconnu le principe du contradictoire ;

- d'une part la somme de 8 000 euros correspond à un chèque émis par M. D...et débité de son compte professionnel à la Banque Populaire Val de France ; d'autre part la somme de 800 euros correspond au remboursement d'un prêt accordé à MmeC..., employée de maison ; enfin, la somme de 150 000 euros correspond à un chèque émis par M. ou MmeA..., encaissé le 3 novembre 2009, pour l'achat du véhicule de M.D..., dont la vente a été annulée, et cette somme constitue un prêt en leur faveur garanti par l'établissement d'un certificat de cession du véhicule personnel de M. D...au profit de M. ou MmeA..., la somme ayant été remboursée en plusieurs paiements à hauteur de 116 958, 20 euros ; .

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D...ne sont pas fondés.

Le ministre a également déposé un mémoire, enregistré le 14 janvier 2016, par lequel il signale n'avoir aucune observation complémentaire à formuler.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que M. et MmeD..., qui ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2007 à 2009, relèvent appel du jugement du 21 avril 2015 en tant que le tribunal administratif d'Orléans, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'une somme totale de 29 301 euros, soit la somme de 22 960 euros au titre de l'impôt sur le revenu et la somme de 6 341 euros au titre des contributions sociales, a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, à hauteur de 85 524 euros, et des contributions sociales, à hauteur de 27 397 euros, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et portant sur la taxation d'office en application des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales de crédits bancaires d'un montant de 158 800 euros ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur. " ; qu'aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. " ;

3. Considérant, en premier lieu, que pour contester la régularité de la procédure de taxation d'office dont ils ont fait l'objet sur le fondement de ces dispositions, M. et Mme D...soutiennent que l'administration, en indiquant, dans la demande d'éclaircissements et de justifications qu'elle leur a adressée le 10 janvier 2011, qu'il conviendrait, dans l'hypothèse où ils expliqueraient que certains des crédits sont des remboursements de prêts qu'ils ont consentis à des membres de leur famille, à des amis ou à des tiers ou sont des emprunts dont ils ont bénéficié de ces mêmes personnes, qu'il produisent les pièces suivantes, à savoir " contrats de prêts dûment enregistrés permettant de donner date certaine aux actes en cause, échéanciers, pièces bancaires justifiant des débits initiaux aussi bien que des remboursements (obligation d'enregistrer les prêts en application des dispositions de l'article 242-ter 3 du code général des impôts - déclaration modèle n° 2062) ", a irrégulièrement restreint les modalités d'administration de la preuve de la réalité d'un prêt et qu'en les privant ainsi de la possibilité d'apporter d'autres éléments de preuve, elle les a indûment dissuadés de répondre à la demande de justifications ; que, s'il est vrai que la formulation de la demande de l'administration eût été à elle seule trop restrictive, elle était précédée de l'indication selon laquelle il appartenait à l'intéressé de produire " d'une manière générale (...) les justifications des sommes (....) par tout moyen compatible avec les règles de la preuve par écrit " ; que, dans ces conditions, M. et Mme D...ne peuvent être regardés comme ayant été indûment dissuadés de faire valoir les autres éléments de preuve en leur possession ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

4. Considérant, en second lieu, que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui, selon l'article L. 48 de ce livre, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir ; qu'en outre, dans sa version applicable au litige, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l'administration par l'article L.10 du même livre prévoit que, dans le cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, le dialogue joue un rôle très important tout au long de la procédure ; qu'il ne résulte toutefois pas de ces dispositions que le vérificateur serait tenu, avant d'avoir recours à la procédure prévue par les dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, d'engager avec le contribuable un dialogue sur les discordances relevées par lui ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'envoi, dans le cadre d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2007 à 2009, de l'avis de vérification du 1er juillet 2010, M. D...s'est entretenu avec le vérificateur les 30 août et 19 novembre 2010 ; qu'au cours de ces deux entretiens, le contribuable a évoqué avec le vérificateur les sommes créditées sur ses comptes bancaires et n'a pu expliquer la discordance importante entre le total des revenus déclarés pour l'année 2009 et le total des crédits bancaires de la même année ; que M. et Mme D...ont répondu de manière incomplète à la demande d'éclaircissements et de justifications du 10 janvier 2011 et ont complété cette réponse le 3 mai 2011 ; qu'alors même qu'aucune disposition législative ou réglementaire ou de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié n'impose à l'administration de proposer un entretien au contribuable après la demande d'éclaircissements et de justifications, M. D...a rencontré une dernière fois le vérificateur le 27 mai 2011 pour une réunion de synthèse ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le vérificateur se serait soustrait à un dialogue avec les requérants au cours de ces trois réunions ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de débat oral et contradictoire doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales :

" (...) / la charge de la preuve incombe (...) / au contribuable (...) en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 " ; que si l'administration ne peut régulièrement taxer d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont elle n'ignore pas qu'elles relèvent d'une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d'office si, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la nature des sommes en cause, et donc la catégorie de revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher, demeure inconnue ; qu'il est toutefois loisible au contribuable régulièrement taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus ;

7. Considérant que M. et MmeD..., qui ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, ont été taxés d'office à raison de revenus d'origine indéterminée au titre des années 2008 et 2009 en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, il appartient aux requérants d'apporter la preuve soit que les sommes en cause ne constituent pas des revenus imposables, soit que les revenus ainsi taxés proviennent d'une source de profit ou d'activité ; que les crédits en litige, après admission de crédits et dégrèvements en première instance, s'élèvent à un montant total de 158 800 euros ;

8. Considérant, en premier lieu, que les requérants soutiennent que la somme de 8 000 euros créditée le 8 avril 2009 sur le compte bancaire de la Caisse d'Epargne correspond à un chèque émis par M. D...lui-même et débité de son compte professionnel ouvert à la Banque Populaire Val de France ; que, toutefois, par les éléments qu'ils produisent, les requérants ne justifient pas de la nature de cette somme et par suite, ni de son caractère non imposable ni de la catégorie de revenu à laquelle cette somme se rattacherait ; que l'administration a pu ainsi à bon droit imposer cette somme en tant que revenu d'origine indéterminée ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants soutiennent que la somme de 800 euros créditée par le dépôt d'un chèque émis par MmeC..., leur employée de maison, sur le compte bancaire de la Caisse d'Epargne le 23 octobre 2009, correspond au remboursement par cette dernière d'un prêt qu'ils lui ont accordé sous la forme d'un versement de quatre chèques de 200 euros ; que s'ils produisent une attestation sur l'honneur de Mme C...du 23 octobre 2010, celle-ci ne permet pas d'identifier les parties au prêt avec certitude, dès lors que les requérants ne produisent pas la copie des quatre chèques de 200 euros qu'ils auraient émis ou la copie de relevés bancaires de Mme C...attestant de l'encaissement de ceux-ci ; qu'ainsi, les requérants, à défaut de contrat de prêt dûment enregistré en application des dispositions du 3 de l'article 242 ter du code général des impôts ou de tout échéancier de remboursement, ne justifient pas, par des documents probants, de la réalité d'un prêt accordé à MmeC... et de la nature non imposable de la somme de 800 euros ; que l'administration a pu donc à bon droit imposer cette somme en tant que revenu d'origine indéterminée ;

10. Considérant, en troisième lieu, que les requérants soutiennent que la somme de

150 000 euros, correspondant à un chèque émis par M. ou MmeA..., encaissé le 3 novembre 2009, constitue un prêt en leur faveur garanti par l'établissement d'un certificat de cession d'un véhicule personnel de M. D...au profit de M. ou MmeA..., qui n'a cependant pas été enregistré par la préfecture, dès lors que le remboursement du prêt a été effectué par cinq paiements entre août 2010 et décembre 2012 ; que, toutefois, si les éléments produits au dossier, et notamment les copies de relevés bancaires, attestent de mouvements financiers entre le cabinet d'assurance D...et M. et MmeA..., ces flux financiers ne sauraient constituer la preuve du remboursement d'un prêt à caractère personnel contracté au profit de M. D...; qu'à défaut de contrat de prêt dûment enregistré en application des dispositions du 3 de l'article 242 ter du code général des impôts ou de tout échéancier de remboursement, les requérants ne justifient pas non plus de la réalité de ce prêt de manière suffisamment probante en produisant trois attestations sur l'honneur de M. et Mme A...des 19 juillet 2012, 15 janvier 2013 et 4 septembre 2014, postérieures aux opérations de contrôle ; que, par suite, à défaut d'établir la nature non imposable de la somme de 150 000 euros, le moyen tiré de ce que cette somme ne serait pas imposable en tant que revenu d'origine indéterminée doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande ; que leur requête doit être rejetée, y compris, l'Etat n'étant pas partie perdante, leurs conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...D...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 septembre 2017.

Le rapporteur,

L. CholletLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N°15NT01855


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01855
Date de la décision : 28/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CABINET FIDAL (BLOIS)

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-09-28;15nt01855 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award