Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique, formé contre la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 19 novembre 2012 rejetant sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 1305626 du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février 2016 et 9 mars 2017, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) de prescrire avant dire droit au ministre de l'intérieur de communiquer à la cour, d'une part, la note de la direction centrale des renseignements intérieurs qui figure dans le dossier du requérant et, d'autre part, le procès-verbal de l'entretien du 15 juillet 2011 de M. B...avec les services spéciaux de police, le cas échéant après occultation des informations protégées par la loi ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 décembre 2015 ;
3°) d'annuler la décision de rejet du ministre de l'intérieur ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande de naturalisation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sur les mesures d'instruction sollicitées, lorsque l'administration invoque le secret d'informations pertinentes pour refuser leur communication à la partie adverse, la jurisprudence récente impose à la juridiction administrative d'enjoindre la production devant elle des informations sollicitées afin de déterminer si leur communication, au moins partielle, devrait être ordonnée, le cas échéant après l'occultation de certains éléments ;
- au fond
. le refus litigieux du préfet est entaché d'incompétence de son auteur ;
. le refus du ministre de l'intérieur est entaché de défaut de motivation ;
. il est entaché d'erreur de fait, le seul reproche formulé à l'encontre du requérant, à savoir qu'il fréquentait une mosquée salafiste, étant inexact ;
. il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, ce reproche n'étant fondé que sur des allégations de l'administration qui ne sont pas précises, détaillées et circonstanciées, et ne correspondent à aucun comportement personnel correspondant à une pratique radicale de la religion.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient :
- que les conclusions tendant au prononcé de mesures d'instruction sont irrecevables compte tenu du caractère inquisitoriale de la procédure ;
- qu'aucun des moyens de la requête dirigés contre sa décision n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public.
1. Considérant que M. C...B..., ressortissant algérien né le 12 novembre 1974, entré en France en 1981, a déposé une demande de naturalisation le 24 mai 2011 auprès des services du préfet des Hauts-de-Seine ; que cette demande a été rejetée par décision préfectorale du 19 novembre 2012 ; que le ministre de l'intérieur, saisi sur recours hiérarchique le 21 janvier 2013, a implicitement confirmé la décision du 19 novembre 2012 et rejeté la demande de naturalisation de l'intéressé ; que M. B...relève appel du jugement en date du 15 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du rejet implicite, par le ministre de l'intérieur, de sa demande de naturalisation ;
Sur les conclusions avant dire droit :
2. Considérant, en premier lieu, que M. B...sollicite de la cour qu'elle ordonne, avant dire droit, la production par l'administration, aux fins de communication, d'une part de la note établie par la direction centrale des renseignements intérieurs à la suite de sa demande et, d'autre part, du procès-verbal de l'entretien qu'il a eu le 15 juillet 2011 avec les services spécialisés de la police ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le refus, opposé par le ministre de l'intérieur le 29 mars 2013, de communiquer ces documents, a fait l'objet d'un recours devant la commission d'accès aux documents administratifs, laquelle a rendu le 6 juin 2013 un avis négatif ; que le silence du ministre à la suite de cet avis, valant confirmation du refus initial de communication, a été attaqué devant le tribunal administratif de Nantes, lequel a rejeté cette demande par un jugement n°1306384 du 15 décembre 2015, dont M. B...n'a pas relevé appel, ni par requête distincte, ni aux termes de la présente requête, laquelle est expressément dirigée contre le seul jugement n°1305626 ; qu'ainsi ces conclusions, qui relèvent d'une voie de droit distincte, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions à fins d'annulation :
4. Considérant, en premier lieu, que M. B...ne peut utilement critiquer la compétence de l'auteur de la décision rendue le 19 novembre 2012 au nom du préfet des Hauts-de-Seine, dès lors que la décision du ministre, rendue à la suite d'un recours administratif préalable obligatoire s'est substituée au refus opposé par le préfet ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...s'est abstenu de solliciter la communication des motifs du refus implicitement opposé par le ministre de l'intérieur, comme les dispositions de l'article 5 de la loi susvisée du 11 juillet 1979, alors en vigueur, lui en laissaient la possibilité ; que le moyen tenant à l'insuffisante motivation de cette décision ne peut dès lors qu'être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que la demande de naturalisation de M. B...a été rejetée au motif que ce dernier fréquentait régulièrement la mosquée de la cité des Indes à Sartrouville (Yvelines), lieu de culte éloigné de son domicile connu pour être sous l'emprise du courant islamique intégriste salafiste ;
7. Considérant que si le requérant relativise sa présence à la mosquée de la cité des Indes en soutenant " il faudrait savoir quand M. B...a fréquenté cette mosquée, dans quelles circonstances et combien de fois ", ces questionnements, qui ne constituent pas des dénégations précises et circonstanciées, ne suffisent pas à écarter les termes de la note établie le 30 juillet 2012 par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques et versée aux débats en première instance, selon laquelle l'intéressé " appartient à la mouvance islamiste salafiste ", " fréquente régulièrement la mosquée de la Cité des Indes à Sartrouville, lieu de culte connu pour être sous l'emprise (...) salafiste " et que, " dans le cadre de l'instruction de son dossier de naturalisation ", l'intéressé portait une tenue en relation avec cette appartenance ; que par suite, et alors même que M. B...affirme pratiquer un islam modéré et invoque sa bonne intégration professionnelle en produisant de nombreuses attestations en ce sens, c'est sans erreur de fait ni erreur manifeste d'appréciation, compte tenu du doute subsistant quant à l'adhésion de M. B...aux valeurs de la République, que le ministre de l'intérieur a pu, dans l'exercice de son large pouvoir d'appréciation de l'opportunité d'accorder la naturalisation, rejeter la demande formée par M.B... ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande M. B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre d'État, ministre de l'Intérieur.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2017.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00558