Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Sarl Ambulances Guyet a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 12 février 2014 du directeur de l'agence régionale de santé de Basse-Normandie refusant le transfert de l'autorisation de mise en service d'un véhicule sanitaire léger au profit d'une ambulance.
Par un jugement n° 1400494 du 8 octobre 2015 le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 novembre 2015 et 9 juin 2016 la Sarl Ambulances Guyet, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 octobre 2015 du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler la décision du 12 février 2014 du directeur de l'agence régionale de santé de Basse-Normandie ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête, suffisamment motivée, est recevable ;
- le jugement attaqué est entaché de contradiction dans les motifs ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- le sous-comité des transports sanitaires n'a pas été saisi de sa demande en bonne et due forme ainsi que le directeur de l'ARS était tenu de le faire en vue d'obtenir un avis conforme ;
- en outre, dans sa séance du 19 avril 2012 sa composition n'atteignait pas le quorum requis ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions du code de la santé publique relatives au nombre théorique de véhicules ; le directeur de l'ARS a omis de prendre en compte les taxis conventionnés ;
- cette décision est entachée d'erreur de fait dès lors que l'autorisation sollicitée n'aurait entraîné aucune distorsion de concurrence et qu'il manquait des ambulances dans le département du Calvados ;
- le critère de la maîtrise des dépenses de santé retenu dans la décision contestée est inadapté ;
- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 8 avril 2016 l'agence régionale de santé de Basse-Normandie, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la Sarl Ambulances Guyet une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable en l'absence de moyens d'appel ;
- les moyens invoqués par la Sarl Ambulances Guyet ne sont pas fondés.
Par un courrier du 28 février 2017 le ministre des affaires sociales et de la santé a été mis en demeure de produire ses observations en défense dans le délai d'un mois, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Par une décision du 12 juin 2017, la présidente de la cour a désigné M. D...Lemoine en qualité de rapporteur public pour l'audience du 6 juillet 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le décret n° 2014-1584 du 23 décembre 2014 relatif aux expérimentations portant sur les modalités d'organisation et de financement des transports sanitaires urgents prévues à l'article 66 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gauthier,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
1. Considérant que, par un courrier du 21 novembre 2012, la Sarl Ambulances Guyet a sollicité du directeur de l'agence régionale de santé (ARS) de Basse-Normandie le transfert de l'autorisation de mise en service d'un véhicule sanitaire léger (VSL) au profit d'une ambulance ; que la délégation territoriale du Calvados de l'agence régionale de santé a opposé à cette demande, le 27 novembre 2012, un refus qui a été annulé, par jugement du 23 janvier 2014 du tribunal administratif de Caen, en raison de l'incompétence de son auteur ; que le directeur général de l'agence régionale de santé de Basse-Normandie, statuant sur la même demande, a pris une décision de rejet le 12 février 2014 ; que la Sarl Ambulances Guyet relève appel du jugement du 8 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6312-2 du code de la santé publique : " Toute personne effectuant un transport sanitaire doit avoir été préalablement agréée par le directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 6312-4 de ce code : " Dans chaque département, la mise en service par les personnes mentionnées à l'article L. 6312-2 de véhicules affectés aux transports sanitaires terrestres est soumise à l'autorisation du directeur général de l'agence régionale de santé. Aucune autorisation n'est délivrée si le nombre de véhicules déjà en service égale ou excède un nombre fixé en fonction des besoins sanitaires de la population (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 6312-5 de ce code : " Sont déterminées par décret en Conseil d'Etat : (...) - les conditions dans lesquelles le nombre théorique de véhicules mentionné à l'article L. 6312-4 est fixé, ainsi que les conditions de délivrance, de transfert et de retrait des autorisations de mise en service, notamment au regard de l'agrément ; -les catégories de moyens de transport affectés aux transports sanitaires (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 6312-8 du même code : " Les véhicules spécialement adaptés au transport sanitaire ressortissent aux catégories suivantes : 1° Véhicules spécialement aménagés : ( c) Catégorie C : ambulance ; 2° Autres véhicules affectés au transport sanitaire terrestre : - catégorie D : véhicule sanitaire léger. / Les normes minimales de chacune de ces catégories de véhicules sont déterminées par arrêté du ministre chargé de la santé en ce qui concerne les catégories A, C et D et du ministre de l'intérieur en ce qui concerne la catégorie B. " ; qu'aux termes de l'article R. 6312-37 de ce code : " II.-1° Le transfert de l'autorisation initiale de mise en service d'un véhicule sanitaire est soumis à l'accord préalable du directeur général de l'agence régionale de santé en cas de : -modification de la catégorie du véhicule (...)2° Le transfert ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants, appréciés à la date de la décision : -la satisfaction des besoins sanitaires locaux de la population ; -la situation locale de la concurrence ; -le respect du nombre théorique de véhicules affectés aux transports sanitaires mentionné à l'article R. 6312-30 ; -la maîtrise des dépenses de transports de patients. " ; qu'enfin aux termes de l'article
R. 6312-43 : " Le sous-comité des transports sanitaires est tenu régulièrement informé des décisions de délivrance de transfert et de retrait des autorisations de mise en service. " ;
3. Considérant, en premier lieu, que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que si la décision du 12 février 2014 mentionne un avis du sous-comité des transports sanitaires et si le sous-comité réuni le 19 avril 2012 dans une formation n'atteignant pas le quorum n'a pas émis d'avis régulier, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces circonstances aient été de nature à avoir une influence sur la décision contestée ni que les conditions de cette consultation, qui n'est d'ailleurs imposée par aucune disposition légale ou réglementaire, aient privé l'intéressée d'une garantie ; qu'ainsi le moyen ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la Sarl Ambulances Guyet, le directeur général de l'agence régionale de santé a procédé, conformément aux dispositions des articles L. 6312-4 et R. 6312-30 du code de la santé publique, à la détermination pour le département du Calvados du nombre théorique de véhicules affectés aux transports sanitaires terrestres, soit 290 véhicules, par un arrêté du 15 avril 2013 ; qu'au titre de l'année 2012, 292 véhicules étaient autorisés pour le département ; qu'ainsi, la requérante, qui ne démontre pas que le plafond de 290 véhicules serait inadapté aux besoins de la population, n'est pas fondée à soutenir qu'en arrêtant ce nombre de véhicules le directeur de l'ARS aurait méconnu les dispositions précitées du code de la santé publique ;
5. Considérant, en troisième lieu, que si la Sarl Ambulances Guyet soutient que la décision contestée est entachée d'erreur de fait dès lors que l'autorisation sollicitée par elle n'aurait entraîné aucune distorsion de concurrence, il n'est toutefois pas contesté que la requérante dispose sur le département de quatre ambulances, soit 33 % du parc d'ambulances du secteur de Lisieux, et que le transfert de l'autorisation de mise en service d'un véhicule sanitaire léger au profit d'une ambulance porterait sa part de marché à 38 %, proportion qui est de nature à modifier, dans la zone concernée, les conditions de la concurrence ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que, pour refuser le transfert sollicité d'autorisation de mise en service d'un véhicule sanitaire léger au profit d'une ambulance, le directeur de l'agence régionale de santé de Basse-Normandie s'est fondé sur les motifs relatifs à la satisfaction des besoins sanitaires locaux de la population, à la situation locale de la concurrence ainsi qu'à la maîtrise des dépenses de transports de patients ; que la circonstance qu'il n'a pas tenu compte, pour apprécier les besoins de la population, de l'offre de taxis susceptible de compenser la baisse du nombre de véhicules sanitaires légers est, à cet égard, sans incidence dès lors qu'aucune des dispositions du code de la santé publique relatives aux décisions concernant les véhicules de transport de patients ne fait référence aux taxis conventionnés, qui ne sont règlementés que par les dispositions du code de la sécurité sociale ; qu'en particulier le véhicule sanitaire léger doit, conformément à l'article R. 6312-8 du code de la santé publique, répondre à des normes auxquelles ne répondent pas les taxis ; que si la requérante se prévaut, par ailleurs, d'un rapport de la Cour des Comptes de septembre 2011 selon lequel le département du Calvados serait sous-équipé dans la catégorie des ambulances, il ressort des pièces du dossier que ce département est sous-équipé tant en ambulances qu'en VSL ; que contrairement à ce que soutient la requérante, le directeur de l'ARS a pu à bon droit retenir que " la réduction du nombre de véhicules sanitaires légers sur le département du Calvados conduirait à réduire cette offre, alors que les besoins relatifs au transport assis sont en augmentation du fait de l'accroissement des taux de chirurgie ambulatoire, d'hospitalisation à domicile et de la diminution des durées moyennes de séjour en établissements hospitaliers ", dès lors que ce motif se rapporte à la satisfaction des besoins sanitaires de la population locale telle que mentionnée par les dispositions de l'article R. 6312-37 du code de la santé publique ; que la circonstance qu'une ambulance pourrait remplacer un VSL et non l'inverse, à la supposer établie, est inopérante, alors au surplus que, le coût d'utilisation d'une ambulance étant bien supérieur à celui d'un véhicule sanitaire léger, l'objectif de maîtrise des dépenses de transports de patients serait également impacté ; qu'enfin si le décret du 23 décembre 2014, relatif aux expérimentations portant sur les modalités d'organisation et de financement des transports sanitaires urgents prévues à l'article 66 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, prévoit la possibilité de projets d'expérimentation, d'organisation et de financement des transports sanitaires urgents, cette circonstance demeure sans incidence sur la légalité de la décision contestée qui est légalement fondée sur les motifs de refus énoncés à l'article R. 6312-37 du code de la santé publique ; que, par suite, la décision contestée n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Sarl Ambulances Guyet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché de contradiction dans les motifs, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Sarl Ambulances Guyet demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la Sarl Ambulances Guyet le versement à l'agence régionale de santé de Basse-Normandie d'une somme au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Sarl Ambulances Guyet est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'agence régionale de santé de Basse-Normandie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Ambulances Guyet et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé de Basse-Normandie
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. Gauthier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 juillet 2017.
Le rapporteur,
E. GauthierLe président,
I. Perrot Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 15NT03517