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12/07/2017 | FRANCE | N°16NT00893

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 12 juillet 2017, 16NT00893


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 décembre 2013 par laquelle le préfet de Police a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 146152 du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2016, Mme C...B..., repr

ésentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 décembre 2013 par laquelle le préfet de Police a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 146152 du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2016, Mme C...B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 janvier 2016 ;

2°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée n'est pas motivée en méconnaissance des dispositions de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

- en l'absence d'une décision motivée, les premiers juges ne pouvaient pas faire droit à la demande de substitution de motif demandée par le ministre ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que ne pouvaient lui être opposés les motifs tirés de l'aide au séjour irrégulier, ni de son comportement fiscal, qui est au demeurant irréprochable, alors qu'elle est parfaitement intégrée dans la société française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés et s'en rapporte, à titre subsidiaire, pour le surplus, à ses écritures déposées en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme C...B..., ressortissante camerounaise, relève appel du jugement du 12 janvier 2016 en tant que le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur portant rejet de sa demande de naturalisation ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret (...) doit être motivée " ; qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...ait, dans les délais du recours contentieux, demandé que lui soient communiqués les motifs de la décision implicite de rejet qui lui a été opposée par le ministre ; que le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit, par suite, être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre avait expressément indiqué devant les premiers juges, avoir abandonné le motif retenu initialement par le préfet de police pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation de MmeB... ; que, par suite, la requérante ne saurait faire valoir qu'en retenant ce motif le ministre aurait entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

4. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; que l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé dispose que " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

5. Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision, dont l'annulation est demandée, est justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement retenu, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

6. Considérant que le tribunal administratif, à la demande du ministre, a substitué au motif initial tiré de l'aide au séjour irrégulier, un autre motif, communiqué à l'intéressée, tiré du comportement fiscal défaillant de la postulante ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier du bordereau de situation établi par l'administration fiscale, que Mme B...s'est acquittée avec retard de son imposition relative à la taxe d'habitation due au titre des années 2011, 2012 et 2013, ces paiements tardifs ayant donné lieu à une majoration de 10 % ; que, dès lors, le ministre, eu égard au large pouvoir dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder ou non la nationalité française, pouvait régulièrement, sans entacher sa décision d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation, opposer à Mme B...son comportement fiscal défaillant pour ajourner à deux ans sa demande de naturalisation ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont procédé à la substitution de motif sollicitée, dès lors que le ministre aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder dès l'origine sur ce seul motif, la requérante n'ayant été , par ailleurs, privée d'aucune garantie ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2017.

Le rapporteur,

M. E...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16NT00893


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00893
Date de la décision : 12/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : WOUMENI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-07-12;16nt00893 ?
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