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12/07/2017 | FRANCE | N°16NT00019

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 12 juillet 2017, 16NT00019


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 mars 2013 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours à l'encontre de la décision implicite de l'autorité consulaire française à Agadir (Maroc) refusant de délivrer un visa d'établissement en France à son épouse et à ses deux enfants mineurs.

Par un jugement n° 1304150 du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa r

equête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2016, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 mars 2013 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours à l'encontre de la décision implicite de l'autorité consulaire française à Agadir (Maroc) refusant de délivrer un visa d'établissement en France à son épouse et à ses deux enfants mineurs.

Par un jugement n° 1304150 du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2016, M. G...D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 novembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 22 mars 2013 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'annuler la décision de l'autorité consulaire française à Agadir ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à son épouse et à ses deux enfants mineurs, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le motif tiré de la fraude pour refuser la délivrance des visas est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que, contrairement à ce qui a été soutenu, son second mariage avec Mme H..., n'a pas été contracté dans des buts étrangers à l'intention matrimoniale ;

- la décision contestée porte atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur des enfants ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. D...n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. G...D...relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 novembre 2015 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 mars 2013 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer un visa d'établissement à son épouse, MmeE..., et à ses deux enfants mineurs, F...D..., née le 3 septembre 2000 et AdamD..., né le 25 novembre 2004 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision des autorités consulaires françaises à Agadir :

2. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les décisions par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejette les recours introduits devant elle, se substituent à celles des autorités diplomatiques et consulaires qui lui sont déférées ; que, par suite, la décision de rejet de la commission s'étant substituée à la décision implicite de l'autorité consulaire française à Agadir, les conclusions présentées par le requérant contre cette dernière décision ne sont, en tout état de cause, pas recevables;

En ce qui concerne la décision de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

3. Considérant qu'aux termes du 4ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " (...) le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public " ; qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale ; que pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa ; que la seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle à ce qu'une telle fraude soit établie ;

4. Considérant, par ailleurs, que l'intérêt d'un enfant est, en principe, de vivre auprès de la personne qui est titulaire à son égard de l'autorité parentale ; qu'ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille ; qu'en revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, ainsi que sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt ;

5. Considérant que, pour refuser de délivrer le visa sollicité par Mme C...E...et ses enfants, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que le centre de leur vie privée et familiale se trouve dans leur pays d'origine où ils ont toujours vécu et que M. D...n'établissait pas contribuer ou avoir contribué à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, ni régulièrement communiquer avec eux ; que, compte tenu de ce qui a été dit aux points ci-avant, un tel motif est entaché d'erreur de droit et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

6. Considérant, toutefois, que, pour rejeter la requête de M.D..., le tribunal administratif a jugé, après avoir accueilli la demande de substitution de motif sollicitée par le ministre, que la demande de visas était entachée d'une fraude à la législation française relative à l'entrée et au séjour des ressortissants étrangers au motif que le divorce et le remariage de M. D... avec Mme E... n'avaient que pour seul but de permettre à M. D... d'acquérir la nationalité française et de s'installer en France avec sa famille ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.D..., alors de nationalité marocaine, a épousé, en 1988, à Agadir MmeE..., également de nationalité marocaine ; qu'après la naissance d'un premier enfant, Salma, le 3 septembre 2000, le divorce a été prononcé le 3 juin 2004 ; que M. D...a alors épousé, le 4 septembre 2004, en secondes noces, MmeH..., de nationalité française ; que le 25 novembre 2004, est né un second enfant, Adam, issu de l'union de M. D...avec Mme E...; que le 10 novembre 2008, M. D...a acquis la nationalité française par déclaration suite à son mariage avec MmeH... ; que le 3 novembre 2011, il a divorcé de cette dernière et a épousé à nouveau, le 28 mai 2012 à Agadir, MmeE... ; que le 2 novembre 2012, Mme E...a sollicité des visas d'établissement en France, pour elle et les deux enfants qu'elle a eus de M. D... ;

8. Considérant, selon les explications du requérant et l'attestation de MmeH..., qui ne sont pas utilement contestées, que cette dernière a rencontré M. D...lors de vacances au cours de l'été 2003 et que le divorce entre M. D...et Mme E...a eu pour cause leurs relations extraconjugales ; qu'après sept années de mariage, Mme H...indique avoir été à l'origine de leur divorce alors que M. D...y était initialement hostile, au motif qu'elle ne souhaitait pas vivre en région parisienne où il avait cherché, en vain, pour eux un logement et où il exerçait son activité professionnelle, à défaut d'avoir pu trouver un emploi dans la région de domiciliation du couple et qu'elle ne supportait plus les incessants voyages entre leur domicile et le lieu de travail auxquels était contraint son mari ; que par ailleurs, le divorce entre M. D...et Mme H...a été prononcé trois ans après l'acquisition de la nationalité française par le requérant ; que, dans ces conditions, et alors même que le second enfant de M. D...et de Mme E...est né cinq mois après leur divorce, l'administration n'établit la réalité de l'intention frauduleuse ni du mariage de M. D...avec sa seconde épouse de nationalité française, ni du remariage avec sa première épouse ; que par suite, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour rejeter sa demande ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M.D..., que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant qu'eu égard aux motifs qui le fondent, le présent jugement implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Mme E...et aux jeunes Salma et Adam ; que, par suite, sous réserve de l'absence d'un changement dans les circonstances de fait et de droit, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme C...E...et aux enfants Salma D...et Adam D...un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 novembre 2015 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 22 mars 2013 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme E...et aux enfants Salma D...et Adam D...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve de l'absence d'un changement dans les circonstances de fait et de droit.

Article 3 : L'Etat versera à M. D...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 juillet 2017.

Le rapporteur,

M. I...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16NT00019


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00019
Date de la décision : 12/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : DOSÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-07-12;16nt00019 ?
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