Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2016 par lequel le préfet du Finistère a décidé sa remise aux autorités espagnoles en vue de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n°1603606 du 24 août 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 6, 7 et 8 septembre 2016 et le 30 mai 2017, M.D..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 24 août 2016 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 27 juillet 2016 décidant sa remise aux autorités espagnoles ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer son droit au séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au profit de son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son avocat renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;
- son droit à l'information garanti par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 a été méconnu ;
- il n'a pas bénéficié d'un entretien conforme à l'article 5 du même règlement ;
- la notification de l'arrêté contesté est intervenue en méconnaissance du paragraphe 2 de l'article 26 du même règlement et de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 32 du même règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 et l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés le 14 novembre 2016 et le 7 septembre 2016, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. D...été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Rimeu a été entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 2017.
1. Considérant que M.D..., ressortissant géorgien, relève appel du jugement du 24 août 2016, par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Finistère du 27 juillet 2016 décidant sa remise aux autorités espagnoles ;
2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté vise les textes applicables, précise la situation familiale de l'intéressé, rappelle qu'il a déposé une demande d'asile, que la prise d'empreintes a révélé qu'il détenait un passeport géorgien muni d'un visa Schengen de court séjour qui lui avait été délivré pour l'Espagne par le Bénélux, que les autorités espagnoles, saisies d'une demande de prise en charge du requérant, ont fait connaître leur accord le 11 mars 2016 et que la France n'est pas l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que par suite, l'arrêté contesté, même s'il ne mentionne pas l'état de santé du fils du requérant, dont il n'est pas établi qu'il serait incompatible avec un voyage jusqu'en Espagne, est suffisamment motivé en droit et en fait ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...)" ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du formulaire de demande d'admission au titre de l'asile signé par l'intéressé, que celui-ci a reçu le 20 janvier 2016 le guide du demandeur d'asile, une brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure Dublin rédigée par la Commission (guide B) et une brochure d'information sur le règlement Dublin contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes, rédigée par la Commission (guide A); que ces documents ont été traduits par un interprète en géorgien, langue que M. D...parle et comprend ; que par suite, le moyen de la méconnaissance du droit à l'information due au demandeur d'asile doit être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que M. D...a bénéficié d'un entretien, assuré par un agent de la préfecture, au cours duquel l'intéressé a pu faire valoir ses observations et poser des questions, et que cet entretien a été mené avec un interprète en géorgien ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604/2013 ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. Les États membres veillent à ce que des informations sur les personnes ou entités susceptibles de fournir une assistance juridique à la personne concernée soient communiquées à la personne concernée avec la décision visée au paragraphe 1, si ces informations ne lui ont pas encore été communiquées (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend " ;
8. Considérant qu'il ressort du dossier que la décision contestée, dont M. D...a reçu notification après lecture faite en langue géorgienne par un interprète, comporte la mention des voies et délais de recours ouverts à son encontre, ainsi que les informations selon lesquelles, d'une part, le recours en annulation susceptible d'être formé contre cette décision présente un caractère suspensif, et d'autre part, l'intéressé peut être assisté d'un conseil ou demander au président du tribunal ou au magistrat désigné par lui qu'il en soit désigné un d'office, et solliciter le concours d'un interprète ; que M. D...s'est vu également remettre un exemplaire de la décision des autorités espagnoles acceptant sa reprise en charge ; que la circonstance que la notification de la décision de transfert ne mentionne pas les informations relatives au lieu et à la date auxquels l'intéressé doit se présenter dans la mesure où il ne peut se rendre en Espagne par ses propres moyens est sans influence sur la légalité de la décision de transfert en litige, dès lors qu'en tout état de cause les dispositions ci-dessus énoncées ne prévoient pas qu'une telle information ait à figurer sur cette notification ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;
9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 32 du règlement (UE) n°604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 : " Échange de données concernant la santé avant l'exécution d'un transfert 1. Aux seules fins de l'administration de soins ou de traitements médicaux, (...), l'Etat membre procédant au transfert transmet à l'Etat membre responsable des informations relatives aux besoins particuliers de la personne à transférer, dans la mesure où l'autorité compétente conformément au droit national dispose de ces informations, lesquelles peuvent dans certains cas porter sur l'état de santé physique ou mental de cette personne. Ces informations sont transmises dans un certificat de santé commun accompagné des documents nécessaires. L'État membre responsable s'assure de la prise en compte adéquate de ces besoins particuliers, notamment lorsque des soins médicaux essentiels sont requis. (...)" ;
10. Considérant que M. D...n'établit pas avoir informé l'autorité préfectorale des problèmes médicaux de son fils Mate ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 32 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
11. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; (...) " ;
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...n'est arrivé en France, avec son épouse et leurs deux enfants mineurs, qu'en janvier 2016 et que son épouse fait également l'objet d'une décision de remise aux autorités espagnoles ; que par suite et dès lors qu'il n'est pas établi que l'Espagne ne pourrait pas prendre médicalement en charge son fils malade, rien ne fait obstacle à ce que la vie familiale du requérant se poursuive en Espagne ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
13. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n°604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 : " 1. L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour les États membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement ", et qu'aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
14. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé du fils du requérant l'empêcherait de voyager jusqu'en Espagne ou que sa pathologie ne pourrait pas être prise en charge dans ce pays ; que par suite, la décision contestée n'entraîne ni un risque pour la santé de l'enfant Mate ni une séparation de celui-ci d'avec son père, sa mère ou sa soeur ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article 6 du règlement (UE) n°604/2013 et les stipulations de l'article 3-1 précité de la convention des droits de l'enfant doit être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 24 août 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2016 par lequel le préfet du Finistère a décidé sa remise aux autorités espagnoles ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M.D..., ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Loirat, président,
- Mme Rimeu, premier conseiller,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juillet 2017.
Le rapporteur,
S. RIMEU
Le président,
C. LOIRAT
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°16NT030692