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29/06/2017 | FRANCE | N°15NT03778

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 29 juin 2017, 15NT03778


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Système Ingénierie Télécom a demandé au tribunal administratif d'Orléans la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1402907 du 20 octobre 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 décembre 2015 e

t 12 juillet 2016, la SA Système Ingénierie Télécom, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Système Ingénierie Télécom a demandé au tribunal administratif d'Orléans la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1402907 du 20 octobre 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 décembre 2015 et 12 juillet 2016, la SA Système Ingénierie Télécom, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 20 octobre 2015 ;

2°) de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle pouvait déduire de son résultat des provisions pour dépréciation de créances douteuses correspondant à la prise en charge du paiement des dettes de sa société mère et d'une autre filiale ;

- la majoration pour manquement délibéré de 40 % n'est pas justifiée.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 30 mai 2016 et 7 avril 2017, le ministre chargé des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la SA Système Ingénierie Télécom ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que la société anonyme (SA) Système Ingénierie Télécom, qui exerce une activité de fabrication de mâts télescopiques et de maintenance dans le domaine des télécommunications, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a notamment rapporté à son résultat imposable les sommes de 292 483 euros pour l'exercice clos en 2008, de 365 499 euros pour l'exercice clos en 2009 et de 31 311 euros pour l'exercice clos en 2010, correspondant à des provisions inscrites en comptabilité pour faire face au caractère irrécouvrable d'avances consenties à sa société mère, la société FICO, qui détient 99,97 % de son capital et une société soeur, la société Americasit, qui est détenue à 95 % par la société FICO, au motif que ces avances constituaient un acte anormal de gestion ; que la SA Système Ingénierie Télécom relève appel du jugement du 20 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ces trois exercices ;

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Considérant qu'il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; qu'une provision ne peut être constituée en application du 5° du 1 de l'article 39 du même code qu'en vue de faire face à des pertes ou à des charges encourues dans le cadre d'une gestion commerciale normale ;

3. Considérant, en premier lieu, que le fait, pour une filiale, de consentir une avance de trésorerie à la société mère en difficulté, qui la contrôle et avec laquelle elle n'entretient aucune relation commerciale, ne relève pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, dès lors que cette avance, même assortie du versement d'intérêts, est d'un montant manifestement hors de proportion avec la solvabilité du bénéficiaire ; qu'il n'en va autrement que si la société établit qu'en consentant cette avance, elle a agi dans son propre intérêt ; que tel serait le cas si la filiale justifiait que cette avance était nécessaire pour éviter la liquidation de la société mère dans des conditions telles qu'elle entraînerait elle-même sa liquidation ; qu'à défaut, l'administration est réputée apporter la preuve des faits dont elle se prévaut pour estimer que cette opération constitue un acte anormal de gestion et est fondée à réintégrer dans le bénéfice imposable les provisions constituées par la filiale, et destinées à couvrir le risque de perte des sommes correspondant à cette avance ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA Système Ingénierie Télécom a, au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, sous la forme de paiement de dettes à divers créanciers, avancé au bénéfice de sa société mère, la société FICO, les sommes respectives de 212 923 euros, 252 210 euros et 21 311 euros ; qu'il n'est pas contesté que la société mère connaissait alors une situation financière difficile proche de l'insolvabilité en l'absence de trésorerie et de chiffre d'affaires, et se trouvait de surcroît en situation d'interdit bancaire ; qu'ainsi, l'opération d'avances revêtait un caractère en principe anormal ; que si une convention de trésorerie passée le 20 février 1995 entre les entreprises du groupe prévoyait " la possibilité de pratiquer entre elles des opérations de trésorerie " et de " consentir des avances parfois réciproques en compte courant ", cette convention ne peut être interprétée comme permettant à la société mère d'exiger que ses filiales effectuent à son profit des avances constituant des créances douteuses ; qu'eu égard à l'absence de relations commerciales entre les sociétés FICO et SA Système Ingénierie Télécom comme à la disproportion entre le montant des avances consenties et celui des besoins en trésorerie avérés de la société mère, la société requérante n'établit pas l'existence de contreparties à cette opération en se bornant à faire valoir que son intérêt serait indissolublement lié à celui de sa société mère et que sa survie l'était à celle du groupe contrôlé par celle-ci ; qu'en particulier, en produisant des extraits de dossiers d'appel d'offres, documents au demeurant postérieurs aux exercices clos en litige, qui font état de ce que les capacités financières du candidat à l'appel d'offres entrent dans les critères principaux d'attribution du marché et demandent des informations telles que l'identité des actionnaires et les données financières de l'ensemble des sociétés du groupe, l'intéressée ne justifie pas que les difficultés financières de sa société mère mettait en péril sa propre activité et sa pérennité ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que ces avances et les provisions constituées en conséquence ne correspondent pas à une gestion commerciale normale ;

5. Considérant, en second lieu, que les prêts sans intérêts ou l'abandon de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers, ainsi que, comme en l'espèce, les avances consenties sans intérêts dont l'entreprise admet dès l'origine le caractère irrécouvrable en les provisionnant, ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages consentis par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ; que, dans l'hypothèse où l'entreprise apporte une telle justification, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que cette contrepartie est dépourvue d'intérêt pour l'entreprise ou que sa rémunération est excessive ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA Système Ingénierie Télécom a, au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, sous la forme de paiement de dettes à divers créanciers, avancé au bénéfice d'une société soeur, la société Americasit, pour remédier à l'incapacité de la société mère à apporter une aide financière à cette autre filiale, les sommes respectives de 58 000 euros, 113 289 euros et 10 000 euros ; qu'il est constant que cette société soeur, basée en Amérique du Sud, connaissait depuis 2008 d'importantes difficultés financières et n'avait aucune activité ; qu'ainsi, l'opération d'avances revêtait un caractère en principe anormal ; que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt, la SA Système Ingénierie Télécom n'est pas fondée à se prévaloir de la convention de trésorerie passée le 20 février 1995 entre les entreprises du groupe, eu égard à l'absence de relations commerciales entre elle et la société Americasit, comme à la disproportion entre le montant des avances consenties et celui des besoins en trésorerie avérés de la société soeur ; que la société requérante n'établit pas l'existence de contreparties à cette opération en faisant valoir que sa survie était liée à celle du groupe ; qu'en particulier, en produisant un extrait d'offre commerciale préalable à la commande présentée à un client, non daté, et en invoquant la possibilité d'avoir des clients communs ou d'intervenir sur des projets communs avec la société Americasit, elle ne justifie pas qu'une mise en liquidation judiciaire de sa société soeur aurait pu compromettre son image et ses perspectives d'évolution ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que ces avances et les provisions constituées en conséquence pour faire face au caractère douteux des créances qu'elle détenait sur sa société soeur ne correspondent pas à une gestion commerciale normale et ne sont pas déductibles de son bénéfice imposable ;

Sur les pénalités :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ;

8. Considérant que la majoration pour manquement délibéré a été appliquée aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010 à la suite de la réintégration dans les résultats imposables d'un passif injustifié de 292 254,19 euros correspondant à une dette de taxe sur la valeur ajoutée prescrite le 1er janvier 2010 ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'application de la majoration ne sanctionne pas le non paiement de cette dette mais l'existence d'un passif injustifié ; qu'en faisant valoir l'absence de déclaration de cette dette et de régularisation, pendant plusieurs années, de sa situation alors que la somme était inscrite en comptabilité avec la mention " TVA due à régulariser ", ainsi que la circonstance que la société ne pouvait pas ignorer le montant de cette dette, sa nature et son caractère imprescriptible, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'existence d'un manquement délibéré justifiant la pénalité au taux de 40 % infligée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ; que, dès lors, la SA Système Ingénierie Télécom n'est pas fondée à demander la décharge de cette pénalité ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Système Ingénierie Télécom n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA Système Ingénierie Télécom est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme (SA) Système Ingénierie Télécom et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,

- Mme Chollet, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juin 2017.

Le rapporteur,

L. CholletLe président,

S. Aubert

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT03778


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03778
Date de la décision : 29/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme AUBERT
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-29;15nt03778 ?
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