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21/06/2017 | FRANCE | N°16NT03221

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 juin 2017, 16NT03221


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part sous le n°1607090, d'annuler l'arrêté de la préfète de Maine-et-Loire du 19 août 2016 ordonnant sa remise aux autorités italiennes, et d'autre part, sous le n°1607091, d'annuler son arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de 45 jours et d'enjoindre à l'administration de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 1607090 et n

°1607091 du 25 août 2016 le président du tribunal administratif de Nantes, statuant en ap...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part sous le n°1607090, d'annuler l'arrêté de la préfète de Maine-et-Loire du 19 août 2016 ordonnant sa remise aux autorités italiennes, et d'autre part, sous le n°1607091, d'annuler son arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de 45 jours et d'enjoindre à l'administration de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 1607090 et n°1607091 du 25 août 2016 le président du tribunal administratif de Nantes, statuant en application de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2016 sous le n°16NT03221, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 août 2016 en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 août 2016 ordonnant son transfert en Italie ;

2°) d'annuler cet arrêté du 19 août 2016 de la préfète de Maine-et-Loire.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ; la préfète de Maine-et-Loire a sous-estimé les risques qu'il encourt en Guinée du fait de son homosexualité ; sa seule volonté a toujours été de rejoindre la France, pays dont il maitrise la langue ; l'Italie n'est pas en capacité aujourd'hui d'examiner sa demande d'asile dans des conditions conformes au droit d'asile ;

- la décision contestée porte atteinte au droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2016, la préfète de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2016 sous le n°16NT03222, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 août 2016 en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 août 2016 par lequel la préfète de Maine-et-Loire l'a assigné à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de 45 jours, avec obligation de se présenter tous les jours à 14 heures au commissariat de police d'Angers sauf les samedis, dimanches et jours fériés ;

2°) d'annuler cet arrêté du 19 août 2016 de la préfète de Maine-et-Loire.

Il soutient que :

- la mesure d'assignation à résidence n'est pas justifiée dès lors qu'en raison de sa contestation de la décision de transfert aux autorités italiennes, et de l'appel relevé du jugement rejetant sa demande d'annulation de cette mesure, celle-ci ne présente pas de perspective raisonnable d'exécution ;

- l'obligation de pointage au commissariat est extrêmement lourde, d'autant qu'il n'a pas l'intention de quitter la France et qu'il a un domicile connu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2016, la préfète de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 28 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur.

1. Considérant que les requêtes n°16NT03221 et n°16NT03222 de M. B...sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

2. Considérant que M.B..., ressortissant guinéen, est entré irrégulièrement en France le 4 avril 2016 et a formé une demande d'asile en préfecture de Maine-et-Loire le 18 juillet suivant ; que la préfète, informée de ce que l'intéressé avait auparavant sollicité l'asile le 26 mars 2016 en Italie, a saisi les autorités de ce pays d'une demande de reprise en charge sur le fondement des articles 13 et 22-7 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que les autorités italiennes ont implicitement accepté le 3 août 2016 cette reprise en charge de M. B...; que par deux décisions du 19 août 2016, la préfète de Maine-et-Loire, d'une part, a ordonné la remise de M. B...aux autorités italiennes, et d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de quarante cinq jours ; que M. B...relève appel du jugement du 25 août 2016 par lequel le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du 19 août 2016 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités italiennes :

3. Considérant que le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le paragraphe 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre ; que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre; que selon le même règlement, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est écartée en cas de mise en oeuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article 17 du règlement ; que ce paragraphe prévoit en effet qu'un Etat membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères fixés par le règlement, rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées notamment sur des motifs familiaux ou culturels ;

4. Considérant, d'une part, que si l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie, tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que si le requérant soutient que les demandes d'asiles ne seraient pas traitées actuellement en Italie dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, il ne produit aucun élément susceptible d'étayer cette allégation ; qu'il est constant que l'intéressé ne sera pas concerné par les mesures de relocalisation prises en exécution de la décision du Conseil européen (UE) n°2015/1601 du 22 septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale, au profit notamment de l'Italie, destinées à faire face à une situation d'urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers sur leur territoire ; qu'ainsi la préfète de Maine-et-Loire n'a pas, en s'abstenant de faire usage de la dérogation prévue par les dispositions précitées du règlement (UE) du 26 juin 2013, commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

5. Considérant, d'autre part, que M. B...ne peut utilement se prévaloir des risques encourus dans son pays en raison de son orientation sexuelle, dès lors que la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de le renvoyer en Guinée ; que s'il déclare vouloir solliciter l'asile en France exclusivement, notamment pour des raisons linguistiques, il n'est présent que depuis peu sur le territoire français, où il n'a aucune attache familiale, et ne justifie ainsi d'aucun motif culturel ou familial au sens des dispositions précitées ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la préfète de Maine-et-Loire aurait, en le renvoyant en Italie pour le traitement de sa demande d'asile, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 .. " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : "Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois " ;

7. Considérant que l'assignation à résidence prévue par les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code, dès lors qu'une mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable et que l'étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à celle-ci ; que les circonstances que M. B...a contesté l'arrêté ordonnant sa remise aux autorités italiennes devant la juridiction compétente et que, par la présente requête, il relève appel du jugement rejetant sa demande d'annulation de cette décision, ne sont pas de nature à ôter toute perspective raisonnable d'exécution à l'arrêté ordonnant sa remise aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile ; que, par suite, la préfète de Maine-et-Loire n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant qu'en vertu de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie ; qu'aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) " ;

9. Considérant que l'arrêté assignant M. B...à résidence lui impose de se présenter chaque jour à 14 heures, à l'exclusion des samedis, dimanches et jours fériés, au commissariat de police d'Angers ; que le requérant, qui se borne à soutenir qu'il s'agit d'une " fréquence extrêmement lourde ", n'invoque toutefois aucune difficulté particulière ou l'existence d'une activité qui serait spécialement affectée par cette sujétion ; que, dans ces conditions, l'obligation de présentation mise à sa charge ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

10. Considérant, enfin, qu'il résulte des points 3 à 5 du présent arrêt que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes à l'encontre de la décision d'assignation à résidence ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. B...n'est pas fondé, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n°16NT03221 et n°16NT03222 de M. B...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...B...et au ministre d'Etat ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juin 2017.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N°16NT03221, N°16NT03222

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03221
Date de la décision : 21/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : ROULLEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-21;16nt03221 ?
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