Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...D...a demandé à la cour, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Nantes par une ordonnance du 9 janvier 2012 prise en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, de condamner la commune de Beaulieu-sur-Oudon à lui verser la somme de 2,3 millions d'euros en réparation du préjudice subi du fait de l'emprise irrégulière commise sur sa propriété de l'étang de la Guéhardière.
Par un jugement n° 1211483 du 9 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 23 juillet 2015 et le 7 août 2015, M. A...D...et Mme C...D..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 juin 2015 ;
2°) de condamner la commune de Beaulieu-sur-Oudon à leur verser la somme de 2,3 millions d'euros en réparation du préjudice subi du fait de l'emprise irrégulière sur sa propriété de l'étang de la Guéhardière ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Beaulieu-sur-Oudon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- dés lors que par un jugement du 22 août 2002, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté de péril imminent du 28 novembre 2000, l'emprise de la commune sur sa propriété est irrégulière ;
- il a en effet été dépossédé d'une partie de l'étang et de l'ensemble du système hydraulique du barrage ;
- les préjudices subis, à savoir la réfection des ouvrages, la perte en capital piscicole, la perte en revenu annuel piscicole, la perte en revenu annuel cynégétique, les troubles dans les conditions d'existence et le préjudice moral, s'élèvent à 2,3 millions d'euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2015, la commune de Beaulieu-sur-Oudon conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A...D...et Mme C...D...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- dés lors que les travaux étaient nécessaires pour assurer la sécurité publique, il ne saurait y avoir d'emprise irrégulière ;
- les requérants ne peuvent demander la réparation d'un préjudice qui résulte de leur propre carence.
Par ordonnance du 2 février 2017, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 21 février 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rimeu,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de Me Bouliou, avocat de la commune de Beaulieu-sur-Oudon.
1. Considérant que M. A...D...est propriétaire de l'étang de la Guéhardière, situé sur le territoire de la commune de Beaulieu-sur-Oudon, en Mayenne ; que le 28 novembre 2000, le maire de cette commune a pris, en application des dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, un arrêté de péril imminent sur le fondement de la police spéciale des immeubles menaçant ruine en raison de l'existence d'un risque de rupture de la chaussée de l'étang appartenant à M. D...; que cet arrêté enjoignait à ce dernier de procéder, dans un délai de 48 heures, au démontage de la totalité du dispositif des vannes de l'ouvrage d'évacuation principal de l'étang et à l'ouverture de la vanne de vidange à son maximum ; que M. D...n'ayant pas réalisé lesdits travaux dans le délai imparti, la commune a procédé d'office à leur exécution au début de l'année 2001 ; que par un jugement du 22 août 2002, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 28 novembre 2000 au motif que le péril constaté n'était pas imminent ; que cependant, saisi par M. D...d'une demande d'exécution de ce jugement, ce même tribunal a, dans un jugement du 2 décembre 2004, estimé que le jugement du 22 août 2002 s'était borné à censurer l'utilisation par le maire de la procédure de péril imminent et n'impliquait pas nécessairement la remise en état de l'ouvrage dans sa situation antérieure aux travaux exécutés d'office ; que par une décision du 17 octobre 2008, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi formé contre ce jugement par M.D... ; que, par un jugement du 9 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de ce dernier tendant à la condamnation de la commune de Beaulieu-sur-Oudon à lui verser la somme de 2,3 millions d'euros en réparation du préjudice subi du fait de l'emprise irrégulière sur sa propriété de l'étang de la Guéhardière ; que M. A...D...et Mme C...D...relèvent appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " ;
3. Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement du 9 juin 2015 attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ; que les dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative n'exigent pas que la copie du jugement notifiée aux parties comporte ces signatures ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier ;
Sur le bien fondé du jugement :
4. Considérant qu'en principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain ; que la responsabilité de l'administration ne saurait être engagée pour la réparation des dommages qui ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité mais découlent directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle la victime s'est elle-même placée, indépendamment des faits commis par la puissance publique, et à laquelle l'administration aurait pu légalement mettre fin à tout moment ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige : " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les cas prévus par l'article précédent, l'arrêté prescrivant la réparation ou la démolition du bâtiment menaçant ruine est notifié au propriétaire, avec sommation d'avoir à effectuer les travaux dans un délai déterminé et, s'il conteste le péril, de faire commettre un expert chargé de procéder, contradictoirement et au jour fixé par l'arrêté, à la constatation de l'état du bâtiment et de dresser rapport./ Si, au jour indiqué, le propriétaire n'a point fait cesser le péril et s'il n'a pas cru devoir désigner un expert, il sera passé outre et procédé à la visite par l'expert seul nommé par l'administration./ Le tribunal administratif, après avoir entendu les parties dûment convoquées conformément à la loi, statue sur le litige de l'expertise, fixe, s'il y a lieu, le délai pour l'exécution des travaux ou pour la démolition. Il peut autoriser le maire à y faire procéder d'office et aux frais du propriétaire si cette exécution n'a pas eu lieu à l'époque prescrite. (...) " ;
6. Considérant qu'il ressort du jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 août 2002, devenu définitif, et du jugement de ce même tribunal du 2 décembre 2004, également devenu définitif, que la digue de retenue de l'étang de la Guéhardière présentait, avant les travaux exécutés d'office par la commune de Beaulieu-sur-Oudon, un risque de rupture en raison notamment de la diminution de l'épaisseur du barrage, des fuites constatées dans celui-ci, de l'obturation d'un ancien canal de vanne meunière, ainsi que de l'insuffisance et de l'inadaptation des ouvrages destinés à évacuer et réguler les eaux de l'étang ; que l'ouvrage appartenant à M. D...présentait donc un danger pour la sécurité publique, qui aurait pu justifier l'intervention d'un arrêté de péril non imminent sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 511-1 et L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation ; que dès lors qu'il n'est pas contesté que M. D...a refusé de réaliser lui-même les travaux permettant de faire cesser le péril et que ceux exécutés au début de l'année 2001 par la commune de Beaulieu-sur-Oudon étaient nécessaires pour assurer la sécurité publique, ces travaux, même s'ils ont été irrégulièrement réalisés, du fait de l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2000, ne sont pas susceptibles d'engager la responsabilité de la commune de Beaulieu-sur-Oudon ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts D...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 9 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Beaulieu-sur-Oudon à leur verser une somme de 2,3 millions d'euros ;
Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Beaulieu-sur-Oudon, qui n'est pas la partie perdante, verse aux requérants la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Beaulieu-sur-Oudon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE
Article 1er : La requête de M. A...D...et Mme C...D...est rejetée.
Article 2 : La demande présentée par la commune de Beaulieu-sur-Oudon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., à Mme C...D...et à la commune de Beaulieu-sur-Oudon.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 juin 2017.
Le rapporteur,
S. RimeuLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet de la Mayenne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02281