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07/06/2017 | FRANCE | N°17NT00898

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 juin 2017, 17NT00898


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet d'Eure-et-Loir a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, de suspendre les effets de la délibération du 12 décembre 2016 par laquelle le conseil départemental d'Eure-et-Loir a procédé à des " ajustements de la sectorisation de l'agglomération chartraine consécutive à la fermeture avant transfert du collège Jean Moulin de Chartres le 31 août 2017 ".

Par une ordonnance n° 1700435 du 2

mars 2017, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a suspendu les effe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet d'Eure-et-Loir a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, de suspendre les effets de la délibération du 12 décembre 2016 par laquelle le conseil départemental d'Eure-et-Loir a procédé à des " ajustements de la sectorisation de l'agglomération chartraine consécutive à la fermeture avant transfert du collège Jean Moulin de Chartres le 31 août 2017 ".

Par une ordonnance n° 1700435 du 2 mars 2017, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a suspendu les effets de la délibération du 12 décembre 2016 du conseil départemental d'Eure-et-Loir.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2017, le département d'Eure-et-Loir, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans du 2 mars 2017 ;

2°) de rejeter la demande de suspension présentée par le préfet d'Eure-et-Loir devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- le préfet a fondé sa demande de suspension sur l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de sorte que la condition d'urgence était requise ;

- elle a démontré devant le tribunal l'absence d'urgence à suspendre les effets de la délibération du 12 décembre 2016 ;

- il n'existe pas de doute sérieux sur la légalité de la délibération dans la mesure où la mixité sociale est seulement un objectif, complexe, qui doit être combiné avec d'autres critères et où le contrôle du juge sur les mesures de sectorisation se limite à l'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 7 avril 2017, la préfète d'Eure-et-Loir conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- l'ordonnance du juge des référés est suffisamment motivée ;

- après avoir invoqué l'article L. 521-1 du code de justice administrative, elle a invoqué dans un mémoire complémentaires les dispositions de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, qui prévoient un régime de suspension particulier aux préfets, de sorte que la condition d'urgence ne s'appliquait pas ;

- la délibération du 12 décembre 2016, qui conduit à une fermeture du collège Jean Moulin sans que le préfet n'ait pris un arrêté en ce sens, est entachée de détournement de procédure et de détournement de pouvoir ;

- la réorganisation de la carte scolaire qu'elle prévoit aggrave manifestement les inégalités économiques et sociales et est ainsi contraire à l'objectif de mixité sociale fixée par l'article L. 111-1 du code de l'éducation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport Mme Rimeu,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour le département d'Eure-et-Loir et celles de M. D...et MmeA..., représentant le préfet d'Eure-et-Loir.

1. Considérant que le département d'Eure-et-Loir relève appel de l'ordonnance du 2 mars 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a, à la demande du préfet d'Eure-et-Loir, suspendu les effets de la délibération du conseil départemental du 12 décembre 2016 procédant à des " ajustements de la sectorisation de l'agglomération chartraine consécutive à la fermeture avant transfert du collège Jean Moulin de Chartres le 31 août 2017 " ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Considérant que l'ordonnance du 2 mars 2017, qui analyse les moyens soulevés et précise clairement quel est le moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération contestée est suffisamment motivée ;

Sur le bien fondé de l'ordonnance :

3. Considérant, en premier lieu qu'il ressort des pièces du dossier que si, dans son mémoire introductif d'instance, le préfet d'Eure-et-Loir s'est fondé à tort sur l'article L. 521-1 du code de justice administrative, dans son mémoire enregistré devant le tribunal le 27 février 2017, il a invoqué les dispositions particulières qui s'appliquent aux demandes de suspension qui accompagnent les déférés préfectoraux, prévues par l'article L. 554-1 du même code et, pour les actes des départements, par l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales ; que ces dispositions prévoient que lorsque le préfet assortit son déféré d'une demande de suspension, il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que l'ordonnance attaquée a jugé que l'urgence n'était pas requise ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 213-1 du code de l'éducation : " Le conseil départemental établit, (...) le programme prévisionnel des investissements relatifs aux collèges qui résulte du schéma prévisionnel des formations mentionné à l'article L. 214-1 du présent code. / A ce titre, le conseil départemental arrête après avis du conseil départemental de l'éducation nationale, en tenant compte de critères d'équilibre démographique, économique et social, la localisation des établissements, leur capacité d'accueil, leur secteur de recrutement et le mode d'hébergement des élèves. Lorsque cela favorise la mixité sociale, un même secteur de recrutement peut être partagé par plusieurs collèges publics situés dans le ressort territorial de l'autorité organisatrice de la mobilité. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Chaque année, les autorités compétentes de l'Etat arrêtent la structure pédagogique générale des établissements d'enseignement du second degré en tenant compte du schéma prévisionnel des formations mentionné à l'article L. 214-1 (...) " et qu'aux termes de l'article L. 421-1 du même code : " Les collèges, les lycées et les établissements d'éducation spéciale sont des établissements publics locaux d'enseignement. (...) / Ces établissements sont créés par arrêté du représentant de l'Etat sur proposition, selon le cas, du département, de la région ou, dans le cas prévu aux articles L. 216-5 et L. 216-6 du présent code, de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale intéressé. " ; qu'enfin, ces dispositions doivent être interprétées dans le cadre des objectifs généraux du service public de l'éducation qui notamment, aux termes de l'article L. 111-1 du code, " veille également à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d'enseignement " ;

5. Considérant qu'il n'est pas contesté par le département d'Eure-et-Loir que la délibération litigieuse se borne à une répartition sur la base du seul critère géographique des élèves du collège Jean Moulin dans trois autres collèges de l'agglomération chartraine, Hélène Boucher, Mathurin Régnier et Victor Hugo, sans tenir compte de critères démographique, économique et social ; que le préfet d'Eure-et-Loir établit que cette modification de sectorisation a pour effet d'augmenter la part d'élèves issus de familles défavorisées des deux collèges qui en comptent déjà le plus et de diminuer la part des élèves issus de ces même familles dans le collège où elle est déjà la plus faible ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le juge des référés a estimé que le moyen tiré de ce que la délibération litigieuse ne respectait pas les critères fixés à l'article L. 213-1 du code de l'éducation était propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette délibération ;

6. Considérant enfin, au surplus, qu'il résulte des dispositions précitées du code de l'éducation qu'il appartient à l'Etat de décider, avec l'accord du département, de la fermeture d'un collège ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que si le département d'Eure-et-Loir a approuvé la fermeture du collège Jean Moulin au 31 août 2017, l'Etat n'a pas pris la décision de fermeture ; qu'il suit de là que la délibération litigieuse, qui ajuste la sectorisation à la fermeture de ce collège, ne produira d'effets que si la décision de fermeture est effectivement prise dans des délais compatibles avec sa mise en oeuvre ; qu'il suit de là que les effets de la délibération litigieuse sont en tout état de cause suspendus tant que la décision de fermeture du collège Jean Moulin n'est pas prise par l'Etat ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le département d'Eure-et-Loir n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée du 2 mars 2017, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a suspendu les effets de la délibération du conseil départemental du 12 décembre 2016 procédant à des " ajustements de la sectorisation de l'agglomération chartraine consécutive à la fermeture avant transfert du collège Jean Moulin de Chartres le 31 août 2017 " ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le département d'Eure-et-Loir, partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du département d'Eure-et-Loir est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au département d'Eure-et-Loir et au préfet d'Eure-et-Loir.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juin 2017.

Le rapporteur,

S. RIMEULe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au préfet de la région Centre-Val de Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00898


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00898
Date de la décision : 07/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET BARDON et DE FAY- Avocats Associés - BF2A

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-07;17nt00898 ?
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