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07/06/2017 | FRANCE | N°16NT03034

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 juin 2017, 16NT03034


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 9 août 2016 par lesquels le préfet de la Mayenne, d'une part, a décidé sa remise aux autorités espagnoles, et d'autre part l'a assignée à résidence dans le département de la Mayenne.

Par un jugement n°1606846 du 12 août 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2016, MmeA..., représen

tée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 9 août 2016 par lesquels le préfet de la Mayenne, d'une part, a décidé sa remise aux autorités espagnoles, et d'autre part l'a assignée à résidence dans le département de la Mayenne.

Par un jugement n°1606846 du 12 août 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2016, MmeA..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 12 août 2016 ;

2°) d'annuler ces arrêtés du 9 août 2016 décidant sa remise aux autotités espagnoles et l'assignant à résidence, ou subsidiairement l'article 3 de l'arrêté d'assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sous astreinte de 50 euros de retard à compter de l'arrêt à inetrvenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros, à condition que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de remise aux autorités espagnoles méconnaît le droit à l'information préalable garanti par l'article 4 du règlement n° 604/2013 et par l'article 29 du règlement n° 603/2013 ;

- elle n'est pas suffisamment motivée en droit et en fait ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 ;

- la décision d'assignation à résidence n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de quitter le département de la Mayenne porte atteinte au droit à un procès équitable car elle l'empêche de se rendre devant le tribunal et devant la cour à Nantes.

Par un mémoire en défense, enregistré 16 novembre 2016, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11décembre 2000 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Rimeu a été entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2017.

1. Considérant que MmeA..., ressortissante camerounaise, relève appel du jugement du 12 août 2016, par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Mayenne du 9 août 2016 décidant sa remise aux autorités espagnoles et l'assignant à résidence dans le département de la Mayenne ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de remise aux autorités espagnoles :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et le règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003, ainsi que les différentes dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de la requérante ; qu'après avoir rappelé les éléments propres à la situation personnelle de MmeA..., l'arrêté litigieux relève notamment que l'Espagne, responsable de la demande d'asile de l'intéressée, a accepté le 21 avril 2016 de reprendre celle-ci en charge, en application de l'article 13.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que Mme A...n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour vers l'Espagne et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'une telle motivation, qui comporte les motifs de droit et de fait permettant à l'intéressée de connaître à la lecture de la décision la concernant, les raisons pour lesquelles elle fait l'objet d'une réadmission en Espagne, est suffisante, nonobstant le fait que le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac ne soit pas visé ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend: a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives; c) des destinataires des données; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. 2. (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...)" ;

4. Considérant que si Mme A...soutient qu'elle ne sait pas lire le français, il ne ressort pas du compte rendu de l'entretien réalisé le 11 avril 2016 en français, langue qu'elle ne conteste pas comprendre, qu'elle aurait fait état de difficultés pour comprendre les documents écrits ; que par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que Mme A...a reçu lors du dépôt de sa demande d'asile et de la prise d'empreintes, le guide du demandeur d'asile, une brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure Dublin rédigée par la Commission (guide B) et une brochure d'information sur le règlement Dublin contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes, rédigée par la Commission (guide A) ; que par suite, le moyen de la méconnaissance du droit à l'information due au demandeur d'asile doit être écarté ;

5. Considérant, enfin, qu'aux termes du 2 de l'article 3 du règlement européen n° 604/2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable " ;

6. Considérant que, si Mme A...fait état de la situation de l'Espagne, confrontée à un afflux de réfugiés, et de sa particulière vulnérabilité, elle n'établit pas que ces circonstances l'exposeraient à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités espagnoles dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de façon aussi avantageuse que si sa demande était examinée par les autorités françaises ; qu'elle ne démontre pas davantage qu'elle serait personnellement exposée à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Espagne, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision d'assignation à résidence :

7. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle la situation administrative de l'intéressée ; qu'il énonce également que les autorités espagnoles ont accepté leur responsabilité dans l'examen de la demande d'asile de MmeA..., que celle-ci justifie d'une adresse à Laval, que l'exécution de la décision de réadmission dont elle fait l'objet demeure une perspective raisonnable, que Mme A...présente des garanties propres à prévenir le risque qu'elle se soustraie à l'obligation de réadmission et précise l'adresse à laquelle elle est assignée à résidence, ainsi que la durée de cette mesure ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :" Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de 45 jours, renouvelable une fois. " ; qu'il résulte des dispositions précitées que le préfet peut prendre à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision d'éloignement et qui présente des garanties propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement, une mesure d'assignation à résidence ; que Mme A...se borne à soutenir qu'elle s'est toujours présentée aux convocations, alors justement que la mesure d'assignation à résidence est justifiée par le fait qu'elle présente des garanties propres à prévenir ce risque de fuite ; que par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;

9. Considérant, enfin, que l'arrêté contesté se borne à interdire à Mme A...de sortir du département de la Mayenne sans autorisation ; que par suite, si Mme A...souhaite se rendre à Nantes au tribunal administratif pour solliciter l'aide juridictionnelle ou assister aux audiences auxquelles elle est convoquée devant cette juridiction ou la présente cour, il lui appartient de solliciter une autorisation de sortie du département de la Mayenne ; que Mme A...ne soutient pas qu'elle aurait sollicité une autorisation qui lui aurait été refusée ; que par suite, le moyen tiré de ce que le droit de Mme A...à un procès équitable aurait été méconnu ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 9 août 2016 par lesquels le préfet de la Mayenne a décidé sa remise aux autorités espagnoles et son assignation à résidence ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par MmeA..., ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Loirat, président,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juin 2017.

Le rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

C. LOIRAT

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°16NT030342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03034
Date de la décision : 07/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LOIRAT
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : GUINEL-JOHNSON

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-07;16nt03034 ?
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