Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Jean-Pierre Renault Architecte a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier de Bayeux à lui verser une somme de
1 074 519,52 euros TTC (898 427,79 euros HT) au titre des prestations supplémentaires de maîtrise d'oeuvre réalisées dans le cadre du marché de restructuration du centre hospitalier et qui ne lui ont pas été payées, sous déduction de la provision obtenue en référé, augmentée des intérêts moratoires à compter du 10 octobre 2012.
Par un jugement n° 1401789 du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de Caen a condamné le centre hospitalier de Bayeux à verser à la société Jean-Pierre Renault Architecte la somme de 101 153,50 euros TTC, sous déduction de la provision de 54 027,26 euros accordée par le jugement n° 1300277 du 15 juillet 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2012, et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 mars 2016 et 15 mars 2017, la société Jean-Pierre Renault Architecte, représentée par la cabinet Coudray, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 31 décembre 2015 en tant qu'il a limité le montant de la condamnation à la somme de 101 153,50 euros ;
2°) de porter la condamnation du centre hospitalier de Bayeux à la somme de 1 074 519,52 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 10 octobre 2012 ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bayeux le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché de contradiction des motifs, il reconnaît l'augmentation du volume des travaux mais en refuse l'indemnisation, et d'un défaut de motivation, dès lors que les modifications du programme sont établies par les avenants, déclarations de travaux et les commandes expresses du maître d'ouvrage ;
- les modifications du programme : démolition du bâtiment d'hébergement des internes, restructuration des abords et création d'un parking, aménagement dans un bâtiment classé monuments historiques de logements pour les internes et d'un vestiaire pour le personnel, construction d'un bâtiment technique (énergies), restructuration globale du service de restauration, reconfiguration de l'administration dans un autre bâtiment existant et réalisation d'un bloc obstétrical provisoire, ayant nécessité la surélévation du bâtiment principal, sont étrangères aux avenants n°3, signé en 2003 et antérieur à la décision et à la réalisation des modifications, et n°5, qui a pour objet de supprimer la phase 4 ; dès lors et compte tenu de ce que le montant des travaux a été ainsi porté de 7 165 108,81 euros HT à 12 424 530,09 euros HT, la requérante a droit à une somme de 329 931,15 euros HT plus 40 150,79 euros HT au titre de la révision contractuelle, soit un total de 370 081,94 euros HT ;
- s'agissant des sommes dues au titre de la prolongation des délais, le maître d'ouvrage a admis devoir indemniser 13 mois courant jusqu'en décembre 2011 mais a refusé les 7 mois supplémentaires courant jusqu'en juillet 2012 ; la requérante a justifié l'imputabilité de ces délais supplémentaires aux travaux supplémentaires et aux modifications du programme des travaux ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, la rémunération de la phase 4, prestations APS réalisées à 100% et APD à 80%, n'a pas été prévue par l'avenant 5 ; une partie de la rémunération prévue pour la phase 4 a été utilisée pour le paiement de prestations supplémentaires des phases 1, 2 et 3 ; or le maître d'ouvrage n'a pas renoncé à cette phase 4, choisissant de la confier à un autre architecte à l'issue d'un nouvel appel à concurrence ; le coût des travaux de cette phase 4 s'élève à 9 279 045 euros HT pour 6 186m2, et la somme de 116 516 euros HT figurant dans l'avenant 5 correspond à la rémunération du groupement de maîtrise d'oeuvre, soit 98 865,76 euros pour l'architecte ; en réalité les prestations de MOE effectivement réalisées sur cette phase 4 s'élèvent à plus de 300 000 euros HT et la requérante est fondée à demander à ce titre une somme de 194 160,80 euros HT ;
- s'agissant de la mission complémentaire liée à la définition du nouveau programme de la phase 4 : compte tenu du coût estimé des travaux de 10 600 000 euros HT, les prestations de MOE (étude pré-organisationnelle, analyse de l'existant et pré-projet) ne peuvent être évaluées en-deçà de 30 000 euros HT, compte tenu de la rémunération reçue sur devis de 18 000 euros HT elle est fondée à demander une rémunération supplémentaire de 20 000 euros HT ;
- s'agissant enfin du second projet de bâtiment pour l'administration : le tribunal administratif a commis une erreur de fait en estimant qu'il n'avait pas donné lieu à une commande supplémentaire, non prévue par l'avenant 6 qui fixe un forfait de rémunération pour la phase 3 ni par l'avenant 3 de 2003, elle est évoquée lors de la réunion du 3 décembre 2007 qui annonce un projet d'avenant spécifique pour la rémunération de la MOE ; la requérante justifie de la réalisation de ces prestations (APS 100%, APD 100% et 80% du PRO) ; compte tenu du coût estimé de ce second projet (1 200 000 euros HT), elle peut prétendre à une somme de 58 033,50 euros HT et à son actualisation contractuelle, soit un total de 69 684,40 euros HT.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2016, le centre hospitalier de Bayeux, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la SARL Jean-Pierre Renault Architecte la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est régulier ;
- les autres moyens soulevés par la société Jean-Pierre Renault Architecte ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 5 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mai 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la société Jean-Pierre Renault Architecte, et de MeD..., représentant le centre hospitalier de Bayeux.
1. Considérant que, dans le cadre d'un projet de restructuration de ses locaux, le centre hospitalier de Bayeux a conclu, le 28 mai 1999, un marché de maîtrise d'oeuvre avec un groupement dont la société Jean-Pierre Renault Architecte était mandataire ; que les missions de ce groupement de maîtrise d'oeuvre ont été modifiées en cours d'exécution du marché et que six avenants successifs ont en conséquence modifié le coût prévisionnel des travaux et revalorisé corrélativement la rémunération de la maîtrise d'oeuvre ; que par un jugement du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de Caen a condamné le centre hospitalier de Bayeux à verser à la société Jean-Pierre Renault Architecte une somme de 101 153,50 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2012, sous déduction de la provision de 54 027,26 euros déjà accordée par un jugement du 15 juillet 2014, cette somme comprenant, d'une part, un montant de 57 422,82 euros HT correspondant à l'allongement des misions de maîtrise d'oeuvre jusqu'en décembre 2011, au titre des missions " OPC " et " DET ", d'autre part, la somme de 16 871,76 euros HT au titre de la révision de prix pour ces prestations, enfin, la somme de 10 000 euros HT pour l'aménagement d'une " voie pompiers " dans le jardin des Augustines ; que par la présente requête, la société Jean-Pierre Renault Architecte relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus de ses demandes et demande à la cour de porter la somme à laquelle doit être condamné le centre hospitalier de Bayeux au montant total de 1 074 519,52 euros, assorti des intérêts moratoires à compter du 10 octobre 2012 ;
Sur les rémunérations supplémentaires de la maîtrise d'oeuvre :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre : " La mission de maîtrise d'oeuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l'étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux " ; qu'aux termes de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé : " Le contrat de maîtrise d'oeuvre précise, d'une part, les modalités selon lesquelles est arrêté le coût prévisionnel assorti d'un seuil de tolérance, sur lesquels s'engage le maître d'oeuvre, et, d'autre part, les conséquences, pour celui-ci, des engagements souscrits. (...) En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l'ouvrage, le contrat de maîtrise d'oeuvre fait l'objet d'un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification, et adapte en conséquence la rémunération du maître d'oeuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'oeuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et que seules une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peuvent donner lieu, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération ; qu'en outre, le maître d'oeuvre qui effectue des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'oeuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage n'a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations que lorsque, soit elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, soit le maître d'oeuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat ;
4. Considérant que, dans l'hypothèse où une modification de programme ou de prestations a été décidée par le maître de l'ouvrage, le droit du maître d'oeuvre à l'augmentation de sa rémunération est uniquement subordonné à l'existence de prestations supplémentaires de maîtrise d'oeuvre utiles à l'exécution des modifications décidées par le maître de l'ouvrage ; qu'en revanche, ce droit n'est subordonné, ni à l'intervention de l'avenant qui doit normalement être signé en application des dispositions précitées de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993, ni même, à défaut d'avenant, à celle d'une décision par laquelle le maître d'ouvrage donnerait son accord sur un nouveau montant de rémunération du maître d'oeuvre ;
5. Considérant, en premier lieu, que la société Jean-Pierre Renault Architecte soutient que la démolition du bâtiment d'hébergement des internes, la restructuration des abords et la création d'un parking, l'aménagement dans un bâtiment classé monument historique de logements pour les internes et d'un vestiaire pour le personnel, la construction d'un bâtiment technique " énergies ", la restructuration globale du service de restauration, la reconfiguration de l'administration dans un autre bâtiment existant et la réalisation d'un bloc obstétrical provisoire constituent des modifications du programme et des prestations nouvelles décidées par le centre hospitalier de Bayeux, qui, compte tenu des dates auxquelles elles ont été décidées et réalisées, n'ont pu être prises en compte par les stipulations de l'avenant n°3 du 10 février 2003 ni par celles de l'avenant n° 5 qui a eu pour objet de supprimer la phase 4 des travaux ; que les modifications précitées ayant eu pour effet de porter le montant des travaux de 7 165 108,81 euros HT à 12 424 530,09 euros HT, la requérante demande un complément de sa rémunération d'un montant de 329 931,15 euros HT ainsi qu'une somme de 40 150,79 euros HT au titre de la révision contractuelle, soit la somme totale de 370 081,94 euros HT ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le marché initial de maîtrise d'oeuvre consistait en une mission de conception-réalisation définie aux articles 1.4 et 1.13.3 du CCAP, comprenant études APS et APD et élaboration du projet (PRO), d'assistance pour la passation des contrats de travaux (ACT), de visa des études d'exécution (EXE), de direction de l'exécution des travaux (DET), d'assistance à la réception et au cours de la période de garantie (AOR), ainsi que des missions de surveillance et sécurité incendie (SSI) et d'organisation pilotage et coordination (OPC) ; que le programme initial prévoyait seulement la réhabilitation des bâtiments existants, sans construction nouvelle, les travaux devant être réalisés en trois tranches et d'une durée d'exécution prévue de soixante mois ; que le prix global forfaitaire était fixé à 12,66% du coût prévisionnel provisoire des travaux, soit la somme de 1 010 035,17 euros ; que par un premier avenant, signé le 21 décembre 1999, le maître d'ouvrage a confié au maître d'oeuvre une mission complémentaire portant sur le réseau d'eau en contrepartie de laquelle il a prévu une rémunération complémentaire de 14 025,34 euros HT ; qu'un troisième avenant, conclu le 10 février 2003, a prévu que les travaux, décomposés en quatre tranches, auraient pour objet : 1° le désenfumage des bâtiments existants, pour un montant de 559 486,48 euros, 2° l'aménagement de la pharmacie, du vestiaire, de la maternité et du bloc obstétrique provisoire, pour un montant de 1 416 123,79 euros, 3° la construction d'un nouveau bâtiment abritant les services des urgences et de chirurgie, le bloc opératoire, le service de réanimation et le bloc obstétrique, des chambres de garde et l'aménagement de locaux administratifs, pour un montant de 5 561 835,93 euros, et enfin 4° la restructuration des bâtiments existants, pour un montant de 2 992 412,50 euros ; que pour tenir compte de l'augmentation du coût prévisible des travaux ainsi porté à la somme de 10 529 858,70 euros, valeur 1998, il a été décidé que la rémunération du groupement de maîtrise d'oeuvre serait portée à la somme de 1 440 121, 05 euros HT, représentant une augmentation de 40% ; que par un quatrième avenant, signé le 29 janvier 2008, le maître d'ouvrage a confié au maître d'oeuvre une mission complémentaire portant sur des études d'exécution (EXE) en contrepartie de laquelle il a prévu une rémunération complémentaire de 64 121 euros HT ; qu'un cinquième avenant, signé le 21 septembre 2008, décide la suppression de la 4ème phase de travaux prévue par l'avenant 3, mentionne que les travaux de restructuration des bâtiments existants donneront lieu à un autre marché après nouvelle mise en concurrence et décide que, bien que le montant global des travaux se trouve ainsi ramené à la somme de 9 813 818,70 euros, la rémunération de la maîtrise d'oeuvre restera fixée au montant prévu par l'avenant n°3 ; qu'un sixième avenant, conclu le 7 février 2011, prévoit, au titre de la prolongation de la mission OPC du fait de l'allongement des travaux, une rémunération complémentaire de 8 232,24 euros HT, le forfait de rémunération se trouvant ainsi porté à 15,41% du montant des travaux ; que le maître d'ouvrage projetait en outre la conclusion d'un septième avenant destiné à prendre en compte l'allongement de la durée des missions de maîtrise d'oeuvre, du fait des modifications du programme et de la défaillance d'une entreprise, par une rémunération complémentaire de 57 422,82 euros ; que la société Jean-Pierre Renault, seule concernée par ce dernier avenant, a refusé de le signer ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que la société Jean-Pierre Renault soutient, les modifications du programme et les prestations non prévues au programme initial qu'elle invoque ont été incluses dans le programme contractuel du marché de maîtrise d'oeuvre modifié par avenants, ainsi qu'il résulte en particulier des stipulations de l'avenant n°3 du 10 février 2003, et que la rémunération du groupement a été revalorisée pour tenir compte de l'ensemble de ces prestations contractuelles ; qu'ainsi, quelle qu'ait été la date de réalisation effective de ces travaux, la société n'est pas fondée à demander le complément de rémunération qu'elle sollicite à ce titre ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que la société Jean-Pierre Renault demande la condamnation du centre hospitalier de Bayeux à lui verser une somme de 52 627,43 euros HT au titre de la prolongation de sept mois de ses missions OPC et DET, postérieurement au 31 décembre 2011 ; qu'il résulte de l'instruction que l'allongement des délais d'exécution des travaux de réhabilitation et réaménagement des locaux de l'établissement a pour cause, d'une part, les modifications précitées apportées au programme contractuel des travaux et, d'autre part, la défaillance de la société AFM, titulaire des lots A2g " serrurerie " et A2f " menuiserie extérieure et intérieure alu ", placée en liquidation judiciaire, entraînant un allongement des missions DET et OPC de l'architecte jusqu'en juillet 2012 ;
9. Considérant que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics ;
10. Considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté que le centre hospitalier de Bayeux avait confié à la société Jean-Pierre Renault, par un marché signé le 15 septembre 1998, une mission de maîtrise d'oeuvre préalable à l'effet d'établir un diagnostic, une aide à la programmation et un relevé des bâtiments concernant la restructuration des services hospitaliers ; qu'il résulte de l'instruction, en particulier du compte rendu de la réunion de travail du 3 décembre 2007, que les travaux de désenfumage avaient été réclamés par la commission de sécurité, que la décision de " rapatriement " de la maternité résultait d'une décision " politique ", et qu'en conséquence de ces modifications du programme et de la demande du maître d'ouvrage d'intégrer le " self ", local de restauration, il convenait de réécrire totalement la phase 4 des travaux qui donnerait lieu à un nouveau concours ; qu'il était en outre convenu au cours de cette réunion que l'annulation de la phase 4 devait permettre de financer le " solde de tous comptes des phases 1 à 3 ", compte tenu des dérapages financiers constatés, d'une part, entre les montants d'appels d'offres établis par le maître d'oeuvre et la valeur des marchés signés pour l'exécution des travaux de la phase 2, d'autre part, entre la valeur des marchés conclus et les décomptes globaux définitifs s'agissant notamment de l'internat ou des modifications imposées par l'architecte des bâtiments de France, enfin, entre l'estimation des travaux de la phase 3 mentionnée dans l'avenant 3 et les montants estimés des appels d'offres ; que dans ces conditions, la société Jean-Pierre Renault ne peut être regardée comme établissant que l'allongement de la durée des travaux, et en particulier la prolongation de ses missions DET et OPC, résulterait d'une faute commise par le maître d'ouvrage dans la définition préalable de ses besoins ;
11. Considérant que s'il est constant que la défaillance de la société AFM a allongé de plusieurs mois la mission DET et OPC de la société Jean-Pierre Renault, il ne résulte pas de l'instruction que cette sujétion aura été de nature à bouleverser l'économie du contrat de maîtrise d'oeuvre, alors qu'en vertu de l'avenant n°5 du 21 septembre 2008 la rémunération du marché de maîtrise d'oeuvre prévue par l'avenant n°3 et déterminée sur la base d'un coût prévisible des travaux de 10 529 858,70 euros a été maintenue, malgré la suppression de la 4ème phase ramenant le coût prévisible des travaux à la somme de 9 813 818,70 euros ;
12. Considérant ainsi, en ce qui concerne la rémunération supplémentaire demandée au titre de la prolongation du délai, que si le centre hospitalier a reconnu l'allongement des missions de maîtrise d'oeuvre jusqu'en décembre 2011 et la nécessité d'une rémunération complémentaire à hauteur de 57 422,82 euros, qui a été admise par le tribunal assortie d'une somme complémentaire de 16 871,76 euros au titre de la révision de prix, pour le reste la requérante n'apporte pas plus en appel qu'en première instance la preuve que les autres sommes qu'elle demande correspondraient à des prestations supplémentaires utiles de maîtrise d'oeuvre résultant de décisions de modifications de programme ou de prestations prises par le maître d'ouvrage ;
13. Considérant, en troisième lieu, que la requérante demande une rémunération complémentaire de 194 160,80 euros au titre de sa mission de base pour la phase 4 des travaux, dont elle prétend avoir réalisé les prestations d'avant projet sommaire (APS) à 100% et d'avant projet détaillé (APD) à 80% ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'avenant n°5 a prévu que ces prestations APS et APD exécutées par la société Jean-Pierre Renault seraient rémunérées respectivement, en vertu de l'acte d'engagement, à 16 et 17% du coût prévisionnel provisoire des travaux, par une somme de 98 865,76 euros ; que la circonstance, évoquée tant par le compte rendu de la réunion précitée du 3 décembre 2007 que par le courriel du maître d'ouvrage du 8 janvier 2008, que l'abandon de la phase 4 des travaux devait permettre de financer les surcoûts des phases 1, 2 et 3 du marché, ne suffit pas à établir que cette somme de 98 865,76 euros n'aurait pas été effectivement versée à la société Jean-Pierre Renault ; que l'appelante n'établit pas davantage que cette somme, qui correspond à l'application du taux contractuel susmentionné, ne constituerait pas une rémunération suffisante de ses prestations ;
14. Considérant, en quatrième lieu, qu'en ce qui concerne la mission complémentaire d'assistance à la définition du nouveau programme de la phase 4 des travaux, la société Jean-Pierre Renault a reçu, sur la base du montant d'un devis qu'elle a soumis à l'acceptation du maître d'ouvrage, une somme de 18 000 euros HT ; qu'elle n'apporte aucune justification à l'appui de sa demande de rémunération complémentaire de 20 000 euros HT pour ses prestations d'étude pré-opérationnelle, d'analyse de l'existant et de pré-projet ;
15. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que la société Jean-Pierre Renault sollicite la rémunération de prestations nouvelles demandées par le maître d'ouvrage, non mentionnées dans l'avenant 3 mais évoquées dans le compte rendu de la réunion du 3 décembre 2007, relatives à un second projet de bâtiment pour l'administration, et réclame, en rémunération de ses prestations APS, APD et PRO relatives à ce second projet, compte tenu de son coût estimé de 1 200 000 euros HT, une somme de 58 033,50 euros HT ainsi que son actualisation contractuelle, à hauteur de 11 650,80 euros HT soit la somme totale de 69 684,40 euros HT ; que si le compte rendu de la réunion du 3 décembre 2007 mentionne : " Phase 2 administration (self) : une PA spécifique sera faite pour confier un marché de MOE à JPR + BET ", la seule comparaison entre les plans établis à l'appui de la déclaration de travaux du 25 juin 2007 afférents à un premier projet et ceux établis en janvier 2008 relatifs à la " restructuration générale de l'hôpital, aménagement de l'administration " ne permet pas d'appréhender l'ampleur des modifications qui auraient été demandées par le maître d'ouvrage, ni le coût différentiel des travaux résultant du projet modifié en conséquence ; qu'il n'est, dans ces conditions, pas possible d'évaluer les prestations supplémentaires de maîtrise d'oeuvre utiles à l'exécution des modifications décidées par le maître de l'ouvrage ; que la demande de rémunération complémentaire des prestations de maîtrise d'oeuvre présentée à ce titre doit dès lors être également rejetée ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Jean-Pierre Renault n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé et n'est entaché d'aucune contradiction de motifs, le tribunal administratif de Caen n'a fait droit à sa demande qu'à hauteur de la somme de 101 153,50 euros TTC ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Bayeux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Jean-Pierre Renault Architecte demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Jean-Pierre Renault Architecte, le versement au centre hospitalier de Bayeux d'une somme de 1 500 euros à ce même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Jean-Pierre Renault Architecte est rejetée.
Article 2 : La société Jean-Pierre Renault Architecte versera une somme de 1 500 euros au centre hospitalier de Bayeux en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Jean-Pierre Renault Architecte et au centre hospitalier de Bayeux.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juin 2017.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01008