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07/06/2017 | FRANCE | N°16NT00868

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 juin 2017, 16NT00868


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. M. D...A...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de la décision du 22 juillet 2015 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de l'admettre au séjour provisoire au titre de l'asile.

Par un jugement no°1505612 du 1er avril 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

II. M. D...A...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant sa remise aux autorités

néerlandaises en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement no°1506004 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. M. D...A...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de la décision du 22 juillet 2015 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de l'admettre au séjour provisoire au titre de l'asile.

Par un jugement no°1505612 du 1er avril 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

II. M. D...A...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant sa remise aux autorités néerlandaises en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement no°1506004 du 11 janvier 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 mars 2016, le 27 juin 2016 et le 5 janvier 2017 sous le n°16NT00868, M. A...C..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 janvier 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant sa remise aux autorités néerlandaises en vue de l'examen de sa demande d'asile ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°)°de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le premier juge a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 2 de l'article 6 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

- en ne prenant pas en considération le fait qu'il est mineur, le préfet a commis une erreur de fait et méconnu les dispositions du 3 de l'article 6 et celles du 4 de l'article 8 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en n'ayant pas examiné la possibilité de déroger aux règles de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 25 de la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013 ;

- le préfet a méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Une mise en demeure a été adressée le 2 mai 2016 au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire.

M. A...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er mars 2016.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juin 2016 et le 5 janvier 2017 sous le n° 16NT01989, M. A...C..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°)°d'annuler le jugement du 1er avril 2016 du tribunal administratif de Rennes ;

2°)°d'annuler la décision du 22 juillet 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine refusant de l'admettre au séjour provisoire au titre de l'asile ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°)°de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 2 de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- en ne prenant pas en considération le fait qu'il est mineur, le préfet a commis une erreur de fait et méconnu les dispositions du 3 de l'article 6 et celles du 4 de l'article 8 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en n'ayant pas examiné la possibilité de déroger aux règles de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile ;

- le préfet a méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Une mise en demeure a été adressée le 16 août 2016 au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire.

M. A...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juin 2016.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau ;

- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.

1. Considérant que les requêtes nos°16NT00868 et 16NT01989 concernent la situation du même requérant et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que M. A...C..., ressortissant guinéen, relève appel de deux jugements en date des 11 janvier 2016 et 1er avril 2016 par lesquels, d'une part, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant sa remise aux autorités néerlandaises en vue de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 juillet 2015 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " (...) l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, lequel s'est substitué au règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 : " 4. En l'absence de membres de la famille, de frères ou soeurs ou de proches visés aux paragraphes 1 et 2, l'État membre responsable est celui dans lequel le mineur non accompagné a introduit sa demande de protection internationale, à condition que ce soit dans l'intérêt supérieur du mineur. " ;

4. Considérant que lorsqu'un mineur non accompagné, dont aucun membre de la famille ne se trouve légalement sur le territoire d'un Etat membre, a déposé des demandes d'asile dans plus d'un Etat membre, les dispositions du 4 de l'article 8 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 doivent être interprétées en ce sens que l'Etat membre responsable est celui dans lequel se trouve ce mineur après y avoir déposé une demande d'asile à condition que ce soit dans son intérêt supérieur ;

5. Considérant M. A...C...est entré irrégulièrement en France le 1er avril 2013 ; que le 8 juillet 2015 il a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture d'Ille-et-Vilaine ; que le relevé de ses empreintes digitales faisant apparaître qu'il avait déposé le 17 mars 2009 une demande d'asile aux Pays-Bas, le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a notifié le 22 juillet 2015 une décision portant refus d'admission au séjour provisoire au titre de l'asile puis, à la suite de l'accord des Pays-Bas, un arrêté du 16 décembre 2015 décidant de sa remise aux autorités de ce pays ;

6. Considérant, d'une part, que, lors du dépôt de sa demande d'asile en France, M. A...C...a déclaré être né le 15 avril 1998 à Conakry ; qu'il produit, en appel, la copie de son passeport guinéen et un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance établi le 24 mars 2016 par les autorités compétentes guinéennes, dont l'authenticité n'est pas contestée et dont les mentions concordent avec ses déclarations aux autorités françaises ; que, dans ces conditions, et alors même qu'il aurait effectué de fausses déclarations lors du dépôt de sa demande d'asile auprès des autorités néerlandaises, M. A...C...justifie qu'il était mineur lorsque le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a refusé, par la décision du 22 juillet 2015, son admission provisoire au séjour au titre de l'asile et décidé, par l'arrêté du 16 décembre 2015, sa remise aux autorités néerlandaises ; que, d'autre part, M. A...C..., entré en France le 1er avril 2013, a été placé auprès du service de l'aide sociale à l'enfance par une ordonnance du 13 décembre 2013 du tribunal de grande instance de Rennes ; qu'il a été scolarisé depuis ; qu'ainsi, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que, compte tenu de l'absence de membre de la famille de M. A...C...sur le territoire d'un autre Etat membre et de son intérêt supérieur, c'est à tort que le préfet a estimé que l'examen de la demande d'asile de l'intéressé relevait de la compétence des autorités néerlandaises, lui a refusé l'admission provisoire au séjour et décidé sa remise à ces autorités ; que, dès lors, la décision du 22 juillet 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine ainsi que l'arrêté du 16 décembre 2015 décidant la remise de M. A...C...aux autorités néerlandaises doivent être annulés ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que M. A...C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A...C...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'est pas nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de MeE..., à condition que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : Les jugements n° 1505612 du 1er avril 2016 et n° 1506004 du 11 janvier 2016 du tribunal administratif de Rennes, la décision du 22 juillet 2015 et l'arrêté du 16 décembre 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A...C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me E...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de cet avocat à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes nos°16NT00868 et 16NT01989 de M. A...C...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...C...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Loirat, président,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juin 2017.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

C. LoiratLe greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 16NT00868, 16NT019892


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00868
Date de la décision : 07/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LOIRAT
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : LE VERGER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-07;16nt00868 ?
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