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18/05/2017 | FRANCE | N°17NT00261

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 18 mai 2017, 17NT00261


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2016 par lequel le préfet de la Vendée l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et l'a astreint à se présenter à la brigade de gendarmerie de Poiré-sur-Vie les lundi, mercredi et vendredi.

Par un jugement n° 1608188 du 3 octobre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes, statuant selon la procédure prévue au III de l'article L. 512-1 du

code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté sa demande. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2016 par lequel le préfet de la Vendée l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et l'a astreint à se présenter à la brigade de gendarmerie de Poiré-sur-Vie les lundi, mercredi et vendredi.

Par un jugement n° 1608188 du 3 octobre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes, statuant selon la procédure prévue au III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2017, M.A..., représenté par Me D...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 octobre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vendée du 30 septembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de la somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- en l'assignant à résidence, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu le principe de proportionnalité inscrit dans la " directive retour " dès lors qu'il ne présente aucun risque de fuite objectif, a remis son passeport aux autorités et communiqué l'adresse de son cousin qui l'héberge et que le périmètre dans lequel il pouvait circuler était limité à trois cantons du département ;

- il est fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision du 20 mai 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour qui résulte de l'incompétence de son signataire, de l'insuffisance de sa motivation en droit, de l'erreur de fait dont elle est entachée et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté l'assignant à résidence est illégal dès lors qu'il est fondé sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale du fait de l'illégalité dont est entachée la décision portant refus de titre de séjour.

Par un mémoire, enregistré le 9 mars 2017, le préfet de la Vendée conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la durée de l'assignation à résidence a expiré et aucune mesure d'éloignement n'a été exécutée au cours de cette période ; la décision contestée a donc perdu son objet ;

- les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative au séjour des personnes du 1er août 1995 ;

- l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoires du 26 septembre 2006 et son avenant du 25 février 2008 ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Bougrine.

1. Considérant que M.A..., ressortissant sénégalais né le 11 octobre 1980, est entré en France en 2015 et a demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ; que, par un arrêté du 20 mai 2016, le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours puis, par un arrêté du 30 septembre 2016, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et l'a astreint à se présenter à la brigade de gendarmerie de Poiré-sur-Vie les lundi, mercredi et vendredi ; que M. A... relève appel du jugement du 3 octobre 2016 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vendée du 30 septembre 2016 ;

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. Considérant que la double circonstance que la période durant laquelle M. A...était assigné à résidence est arrivée à échéance et que le préfet de la Vendée n'a pas exécuté l'obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre ne rend pas sans objet les conclusions du requérant dirigées contre l'arrêté du 30 septembre 2016, qui a produit des effets ; que l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet de la Vendée doit, dès lors, être écartée ;

Sur la légalité de l'arrêté du 30 septembre 2016 :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) " ; qu'aux termes l'article L. 561-2 du même code alors applicable : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ; qu'aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence (...) est autorisé à circuler (...) " ;

4. Considérant que, à la date à laquelle il a été assigné à résidence, l'éloignement effectif du territoire français de M.A..., que le préfet de la Vendée a tenté d'exécuter le 27 septembre 2016, constituait une perspective raisonnable ; que le requérant n'apporte aucune précision de nature à établir que le périmètre dans lequel il a été autorisé à circuler, constitué de trois cantons du département de la Vendée, ou la fréquence à laquelle il était tenu de se présenter devant les autorités aurait revêtu un caractère trop restrictif ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la décision l'assignant à résidence est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que, pour le même motif, elle ne méconnaît pas le principe de proportionnalité, rappelé au point 13 du préambule de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, au regard des objectifs poursuivis ;

5. Considérant, en second lieu, que M. A...invoque, par voie d'exception, l'illégalité des décisions du 20 mai 2016 par lesquelles le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ;

6. Considérant que l'arrêté du 20 mai 2016 a été signé par M. Niquet, secrétaire général de la préfecture de la Vendée, qui disposait d'une délégation consentie par un arrêté du préfet de ce département du 3 mars 2016 régulièrement publié le 4 mars 2016 au recueil des actes administratifs n° 11 de la préfecture, à l'effet notamment de signer " tous les arrêtés (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Vendée ", à l'exception de certains actes limitativement énumérés au nombre desquels ne figurent pas les décisions de refus de titre de séjour ; que dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

7. Considérant que la décision portant refus de titre de séjour vise notamment l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet a fait application ; qu'ainsi, alors même qu'elle mentionne le code des relations entre le public et l'administration sans préciser les articles de ce code dont le préfet a fait application, ainsi que " les accords bilatéraux avec certains Etats d'Afrique subsaharienne du 12 mars 2013 " sans viser précisément celui conclu entre la France et le Sénégal, M. A...a été mis en mesure de connaître les textes sur lesquels le préfet a fondé sa décision ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en droit de la décision contestée doit être écarté ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 13 de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes du 1er août 1995 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention. " ; que l'article 6 de la même convention stipule que : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre État une activité professionnelle (...) doivent être munis du visa de long séjour prévu à l'article 4 après avoir été autorisés à exercer cette activité par les autorités compétentes de l'Etat d'accueil. " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions et stipulations que la délivrance à un ressortissant sénégalais de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " est subordonnée, notamment, à la production d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ;

9. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 20 mai 2016 que le refus de titre de séjour en qualité de salarié opposé à M. A...est fondé sur la production d'un contrat de travail frauduleux et l'absence de visa de long séjour ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition du gérant de la société qui envisageait de recruter le requérant en qualité de couturier, que le contrat de travail qu'il a établi était un faux document ; que, toutefois, il n'est pas contesté que M. A...ne remplissait pas la condition tenant à la production d'un visa de long séjour ; que ce seul motif était suffisant pour fonder légalement la décision portant refus de titre de séjour ; que, dès lors, et alors même que le contrat de travail présenté par M. A...ne revêtait pas un caractère frauduleux, le préfet de la Vendée a pu légalement refuser au requérant la délivrance du titre de séjour demandé ;

10. Considérant que M.A..., qui est célibataire et sans enfant, séjournait en France depuis moins d'un an à la date de la décision contestée ; qu'il ne soutient pas être dépourvu d'attaches familiales au Sénégal où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans ; que, dès lors, alors même qu'il justifie de compétences de nature à faciliter son intégration professionnelle, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 6 à 10 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est fondée sur une décision portant refus de titre de séjour illégale doit être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés, par la voie de l'exception, de l'illégalité des décisions du 20 mai 2016 par lesquelles le préfet de la Vendée a refusé de délivrer à M. A...un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français doivent être écartés ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vendée du 30 septembre 2016 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E...A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,

- M. Delesalle, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 mai 2017.

Le rapporteur,

K. BougrineLe président,

S. Aubert

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00261


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00261
Date de la décision : 18/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme AUBERT
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-05-18;17nt00261 ?
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