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10/05/2017 | FRANCE | N°16NT01926

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 10 mai 2017, 16NT01926


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 2 juin 2016 par lequel le préfet du Finistère a décidé sa remise aux autorités polonaises, et d'autre part l'arrêté du 8 juin 2016 par lequel le préfet du Finistère l'a assignée à résidence.

Par un jugement n°1602478 et 1602479 du 10 juin 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 ju

in 2016, MmeD..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 2 juin 2016 par lequel le préfet du Finistère a décidé sa remise aux autorités polonaises, et d'autre part l'arrêté du 8 juin 2016 par lequel le préfet du Finistère l'a assignée à résidence.

Par un jugement n°1602478 et 1602479 du 10 juin 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juin 2016, MmeD..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 10 juin 2016 ;

2°) d'annuler ces arrêtés des 2 et 8 juin 2016 décidant sa remise aux autotités polonaises et l'assignant à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer son droit au séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au profit de son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son avocat renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- l'arrêté de remise aux autorités polonaises n'est pas suffisamment motivé ;

- il ne comporte pas d'indication suffisante du délai de mise en oeuvre de sa remise aux autorités polonaises et méconnaît l'article 20 du règlement n° 343/2003 du 18 février 2003 ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il méconnaît le droit d'asile ;

- il méconnaît l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision d'assignation à résidence n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de remise.

Par un mémoire en défense, enregistré 20 octobre 2016, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Des pièces complémentaires, présentées par MmeD..., ont été enregistrées le 21 avril 2017.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Rimeu a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeD..., ressortissante arménienne, relève appel du jugement du 10 juin 2016, par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Finistère des 2 et 8 juin 2016 décidant respectivement sa remise aux autorités polonaises et son assignation à résidence ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que tant dans sa réponse au moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de la requérante que dans celles aux moyens tirés du défaut de motivation et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a suffisamment motivé son jugement ;

Sur le bien fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision de remise aux autorités polonaises :

3. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 2 juin 2016 décidant la remise de Mme D...aux autorité polonaises responsables de l'examen de sa demande d'asile vise les textes applicables, précise la situation familiale de l'intéressée, rappelle qu'elle a déposé une demande d'asile, que la prise d'empreintes a révélé qu'elle détenait un passeport ukrainien muni d'un visa Schengen de court séjour qui lui avait été délivré par la Pologne, que les autorités polonaises, saisies d'une demande de prise en charge de la requérante, ont fait connaître leur accord le 21 décembre 2015 et que la France n'est pas l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que l'arrêté contesté, qui mentionne les circonstances de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est par suite suffisamment motivé ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride abroge le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil de l'Union européenne du 18 février 2003 ; qu'aux termes de l'article 26 de ce règlement, qui reprend, en substance les dispositions de l'article 20 du règlement du 18 février 2003 invoquées par le requérant : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. Si la personne concernée est représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres peuvent choisir de notifier la décision à ce conseil juridique ou à cet autre conseiller plutôt qu'à la personne concernée et, le cas échéant, de communiquer la décision à la personne concernée. / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. / Les États membres veillent à ce que des informations sur les personnes ou entités susceptibles de fournir une assistance juridique à la personne concernée soient communiquées à la personne concernée avec la décision visée au paragraphe 1, si ces informations ne lui ont pas encore été communiquées. / 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend. " ;

5. Considérant que l'arrêté contesté précise que le transfert vers la Pologne de Mme D...sera effectué dans un délai maximum de six mois à compter de l'acceptation de la réadmission par les autorités polonaises, le 21 décembre 2015, soit jusqu'au 21 juin 2016 et les conditions dans lesquelles ce délai pourra être prorogé ; qu'il indique que l'arrivée se fera sur le territoire polonais du lundi au jeudi de 8 h 00 à 14 h 00 ; qu'il fournit la liste des aéroports d'arrivée ; qu'il rappelle que Mme D...peut avertir ou faire avertir son consulat, un conseil ou toute autre personne de son choix ; qu'il mentionne les voies et délais de recours ; qu'il ressort également des pièces du dossier que Mme D...a reçu le guide du demandeur d'asile et les brochures A et B en arménien, langue qu'elle peut comprendre et qu'elle a été assistée par un interprète lors de son entretien individuel ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des obligations d'information prévues par l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si Mme D...réside en France avec son époux et leurs trois enfants, il ressort des pièces du dossier qu'ils sont arrivés en France récemment, en novembre 2015 et que le préfet du Finistère a également pris une décision de remise aux autorités polonaises de l'époux de Mme D...; que l'arrêté contesté précise, au demeurant, que la requérante sera accompagnée de son époux et de leurs trois enfants ; que par suite, même si les deux frères de son époux bénéficient de la protection subsidiaire en France, dès lors que l'arrêté contesté maintient l'unité de la cellule familiale constituée de MmeD..., son époux et leurs trois jeunes enfants, il ne méconnaît pas son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que si la requérante soutient que l'intérêt supérieur des enfants, garanti par le 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant serait méconnu, dès lors que ses trois enfants sont scolarisés à Brest, il ressort des pièces du dossier que cette scolarisation est récente, les enfants n'étant arrivés sur le territoire français qu'en novembre 2015 avec leurs parents ; qu'il n'est ni établi, ni même soutenu qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Pologne ; qu'enfin, ainsi qu'il a été dit, l'arrêté contesté n'a pas pour effet de séparer les enfants de l'un ou de leurs deux parents ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'il n'est pas établi que l'arrêté contesté méconnaîtrait le droit d'asile, garanti par la Constitution et notamment son préambule, qui s'applique dans le respect des conventions internationales ; que la demande d'asile de Mme D...sera, en tout état de cause, examinée par les autorités polonaises, État membre de l'Union européenne ; que la circonstance que seuls 5,7 % des demandeurs d'asile se seraient vus accorder le statut de réfugié dans ce pays en 2006 ne permet pas d'établir que les conditions d'examen des demandes d'asile par les autorités polonaises ne présenteraient pas, en 2016, les garanties nécessaires à l'exercice effectif de ce droit ;

9. Considérant, enfin, que le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision d'assignation à résidence :

10. Considérant, en premier lieu, que la décision portant assignation à résidence énonce les circonstances de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle rappelle en particulier que les autorités polonaises ont accepté de réadmettre Mme D...sur leur territoire pour examiner sa demande d'asile et que la requérante justifie d'un domicile en France ; que cette motivation est suffisante ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision du 2 juin 2016 portant remise de Mme D...aux autorités polonaises responsables de sa demande d'asile doit être écarté pour les motifs précisés aux points 3 à 9 du présent arrêt ;

12. Considérant, enfin, que les moyens tirés de la violation des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 10 juin 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés des 2 et 8 juin 2016 par lesquels le préfet du Finistère a décidé sa remise aux autorités polonaises et son assignation à résidence ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par MmeD..., ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Loirat, président,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mai 2017.

Le rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

C. LOIRAT

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°16NT019262


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01926
Date de la décision : 10/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LOIRAT
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : FRANCK BUORS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-05-10;16nt01926 ?
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