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18/04/2017 | FRANCE | N°16NT01777

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 18 avril 2017, 16NT01777


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 mars 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1505447 du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mai 2016, MmeC..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes d

u 12 janvier 2016 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 5 mars 2014 ;

3°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 mars 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1505447 du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mai 2016, MmeC..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 janvier 2016 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 5 mars 2014 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 3 de la Constitution, dès lors qu'elle la prive de la possibilité de voter pour un motif lié à la fortune ;

- elle est également contraire aux stipulations combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du douzième protocole additionnel à cette convention, ainsi qu'à la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors que la naturalisation lui est refusée pour un motif discriminatoire qui n'a pas de justification objective ;

- elle méconnait également l'article 2 de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, dès lors qu'elle n'a cessé de travailler que pour pouvoir s'occuper de ses enfants, n'ayant pas pu disposer de la possibilité de les faire garder ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que sa première demande de naturalisation avait déjà été ajournée en 2011 pour le même motif que celui qui fonde la décision attaquée, et qu'elle dispose de ressources lui permettant de subvenir à ses besoins, composées de prestations sociales auxquelles elle a droit en tant que mère de deux enfants en bas âge dont elle a la charge.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 juin 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Massiou a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeC..., ressortissante géorgienne, relève appel du jugement du 12 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 5 mars 2014 ajournant à deux ans sa demande de naturalisation ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée, déjà invoqué en première instance et que la requérante reprend en appel sans apporter d'élément nouveau, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nantes ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la Constitution : " (...) Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret (...) " ; que ces dispositions, qui sont relatives à l'exercice de la souveraineté nationale par le peuple français, sont sans rapport avec les conditions dans lesquelles la nationalité française peut être acquise ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté en tant qu'il est inopérant ;

4. Considérant, en troisième lieu, que l'accès à la nationalité française ne constitue pas un droit mais une faveur pour l'étranger qui la sollicite ; que le refus d'accorder la naturalisation à un étranger pour lui permettre d'acquérir son autonomie matérielle ne saurait dès lors constituer, contrairement à ce que soutient la requérante, une discrimination dans l'accès à un droit fondamental ; que Mme C...ne peut pas, dès lors, utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations combinées des articles 8 et l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en tant que ces stipulations prohibent les discriminations fondées, notamment, sur la fortune, non plus, en tout état de cause, que de celles du protocole n° 12 à cette convention qui n'a été ni signé ni ratifié par la France ; qu'elle n'est pas plus fondée, pour le même motif, à se prévaloir de la méconnaissance de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que Mme C...ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article 2 de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, qui requiert l'intervention d'actes complémentaires pour produire ses effets à l'égard des particuliers ;

6. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " ; qu'en vertu de l'article 27 de ce même code, l'administration a le pouvoir de rejeter ou d'ajourner une demande de naturalisation ; qu'en outre, selon l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation (...) sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au préfet, ainsi qu'au ministre, saisi sur recours préalable obligatoire, de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'autonomie matérielle du postulant, apprécié au regard du caractère suffisant et durable de ses ressources propres ;

7. Considérant que pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation présentée par MmeC..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur la circonstance selon laquelle l'examen du parcours professionnel de l'intéressée, apprécié dans sa globalité depuis son entrée en France, ne permet pas de considérer qu'elle a pleinement réalisé son insertion professionnelle, dès lors qu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes et stables, ses ressources étant, par ailleurs, tirées pour l'essentiel de prestations sociales ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeC..., qui a la charge de ses deux enfants nés en octobre 2010 et décembre 2012, est sans emploi depuis le mois de septembre 2009, n'a déclaré aucun revenu au titre des années 2010 et 2011 et ne bénéficiait à la date de la décision attaquée que de ressources constituées de prestations sociales dont le revenu de solidarité active ; que si, par une décision du 26 janvier 2011, le préfet de la Seine-Maritime avait déjà retenu le motif de l'insuffisance des ressources de l'intéressée pour ajourner une précédente demande de naturalisation, il ressort des pièces du dossier que la situation de la requérante est restée inchangée à cet égard jusqu'à la décision attaquée ; que c'est, dès lors, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation que le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans la demande de naturalisation de Mme C...;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeC..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme C...sollicite le versement au profit de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2017, où siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Massiou, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2017.

Le rapporteur,

B. MASSIOULe président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16NT01777


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01777
Date de la décision : 18/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Barbara MASSIOU
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : SELARL MARY et INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-04-18;16nt01777 ?
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