Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F...G..., M. A...G...et M. B...G...ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à leur verser respectivement les sommes de 2 994 760 euros, 35 000 euros et 23 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention subie par Mme G...le 29 septembre 2006 dans cet établissement.
Par un jugement n° 1401118 du 28 mai 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 31 juillet 2015 et 22 décembre 2016 Mme F...G..., M. A...G...et M. B...G..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 mai 2015 du tribunal administratif de Caen ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à leur verser respectivement les sommes de 2 994 760 euros, 35 000 euros et 23 000 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de leur demande ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Caen la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- Mme G...n'a pas bénéficié d'une information suffisante sur les risques de l'intervention et le CHU de Caen n'apporte pas la preuve que l'information a été délivrée de manière précise, claire et loyale et qu'en particulier elle pouvait être tétraplégique dans les suites de cette intervention ; MmeG..., souffrant de simples migraines, n'aurait pas couru de risques si elle avait eu connaissance des conséquences dramatiques qui pouvaient s'attacher à l'intervention ; elle a ainsi perdu une chance d'échapper au risque de devenir tétraplégique ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la survenance exceptionnelle de la complication n'avait pas entrainé de perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; si Mme G...avait été correctement informée, elle aurait eu le choix, soit de continuer à vivre telle qu'elle vivait à l'époque, avec à terme un risque de tétraplégie, l'expert soulignant que l'évolution du méningiome est très lente, soit d'accepter l'intervention avec un risque important de lésions allant jusqu'à une tétraplégie ;
- il existait d'autres alternatives qui auraient amélioré l'état de santé ou à tout le moins auraient retardé la survenance d'une tétraplégie ;
- Mme G...disposait d'une possibilité raisonnable de refus qu'elle chiffre à 50% ;
- les préjudices de MmeG..., âgée de 48 ans, doivent être évalués aux sommes de 6 760 euros au titre du déficit temporaire total, 300 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 192 000 euros par an au titre de l'assistance de tierce personne, 35 000 euros au titre des souffrances endurées, 42 000 euros au titre du préjudice esthétique, 40 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 40 000 euros au titre du préjudice sexuel, soit une indemnité totale de 2 589 640 euros en tenant compte d'un taux de perte de chance de 50 % ;
- il y a lieu de condamner le CHU de Caen à la réparation du préjudice d'affection de
M. A...G...et de M. B...G..., compte-tenu du taux de perte de chance, respectivement à raison de 25 000 euros et de 15 000 euros ;
- il y a lieu de condamner le CHU de Caen à la réparation du préjudice d'impréparation subi par les requérants, à raison de 30 000 euros pour Mme G...et de 8 000 euros pour Denis Cochet-Grasset et M. B...G....
Par un mémoire enregistré le 17 septembre 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne informe la cour qu'elle n'entend pas présenter d'observations dans la présente instance.
Par un mémoire enregistré le 11 août 2016, le centre hospitalier universitaire de Caen, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête des consortsG....
Il fait valoir que les moyens invoqués par les consorts G...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant les consortsG....
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que MmeG..., qui souffrait depuis deux mois d'importantes céphalées, a, le 31 mai 2006, été hospitalisée en urgence au sein du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen pour y subir un scanner qui a révélé une lésion tumorale de la fosse postérieure ; que l'examen par IRM pratiqué le 1er juin 2006 dans cet établissement a montré qu'elle souffrait d'un méningiome rare du trou occipital avec compression bulbaire et atteinte des premières vertèbres ; qu'il fut alors décidé de pratiquer, dans un premier temps, une ventriculo-cisternostomie, qui a été réalisée le 6 juin 2006 au CHU de Caen ; que, le 29 septembre 2006, Mme G...fut de nouveau hospitalisée au sein du même établissement pour que soit effectuée l'exérèse de la lésion ; qu'à la suite de cette intervention, la patiente est restée tétraplégique ; que Mme et M. G...ont alors saisi la commission régionale d'indemnisation et de conciliation des accidents médicaux de Basse-Normandie qui, après avoir ordonné une expertise réalisée par le professeur Guégan, neurochirurgien, et le docteur Ygout, infectiologue, a émis l'avis qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre du centre hospitalier et a exclu tout aléa thérapeutique susceptible d'engager la solidarité nationale, eu égard à l'importance de l'état antérieur de la patiente dans la réalisation du dommage ; que, par un arrêt du 18 octobre 2012, la cour, saisie du jugement par lequel le juge des référés du tribunal administratif de Caen avait refusé de prescrire une nouvelle expertise, a ordonné cette mesure, en vue d'indiquer précisément quel était l'état de santé de Mme G...après l'intervention pratiquée le 6 juin 2006, de préciser, compte tenu du volume et de la localisation du méningiome dont était atteinte l'intéressée, quelle pouvait être l'évolution prévisible de la tumeur après la première intervention subie le 6 juin 2006 en l'absence de toute nouvelle intervention, et s'il existait d'autres alternatives thérapeutiques que celle consistant en l'ablation du méningiome pratiquée le 29 septembre 2006, enfin de répondre, notamment par la production de tout document permettant de l'établir, à la question de savoir si Mme G...a été informée des risques opératoires liés à la localisation particulière de la lésion et de l'englobement de l'artère vertébrale ; que l'expertise a été confiée au professeur Guégan, qui a remis son rapport le 6 juin 2013 ; que Mme F...G..., M. A...G...et M. B...G...ont alors saisi le 19 mai 2014 le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis ; qu'ils relèvent appel du jugement du 28 mai 2015 par lequel cette juridiction a rejeté leur demande indemnitaire ;
Sur la responsabilité du CHU de Caen :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique applicable aux faits en litige : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. " ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation ;
3. Considérant, en premier lieu, que si M. G...soutient dans la présente procédure que " son épouse n'avait jamais été informée des risques de tétraplégie mais uniquement d'un risque mortel si elle n'était pas opérée ", il résulte cependant de l'instruction, notamment des deux rapports d'expertise et des termes du compte rendu opératoire établi le 29 septembre 2006 à la suite de l'intervention pratiquée le même jour, que " la patiente a été informée des risques opératoires du fait de la localisation particulière de sa lésion et de l'englobement de sa vertébrale " ; que, selon l'expert, qui s'était prononcé une première fois en septembre 2008 sur la question de l'information pré-opératoire, " tout indique que la patiente a été convenablement informée au cours des consultations et visites. Les différents courriers font état de cette information " ; que la seule réserve émise par le professeur Guégan sur la qualité de l'information dispensée porte sur celle qui aurait été donnée au mari de la patiente, dont l'expert constate cependant pour le regretter qu'il n'a jamais assisté aux consultations médicales concernant son épouse ; qu'en tout état de cause l'obligation d'information qui pèse sur l'établissement hospitalier ne concerne que le patient ; que, dans ces conditions, le centre hospitalier universitaire de Caen doit être regardé comme ayant satisfait à l'obligation d'information qui lui incombe ;
4. Considérant, en second lieu, qu'à supposer même que l'information dispensée à Mme G... n'ait pas été d'une totale précision quant aux risques d'une tétraplégie, il résulte de l'instruction, et notamment des termes de la double expertise réalisée par le professeur Guégan, que, compte tenu des risques de survenance à tout moment d'une tétraplégie haute voire d'un coma ou un décès du fait de l'intégration de l'artère cérébrale dans le méningiome, lequel en outre refoulait le cervelet, exerçait une pression importante sur le tronc cérébral et les nerfs mixtes et pouvait conduire à court terme à des complications neurologiques gravissimes, l'intervention en litige était, alors même que les médecins avaient laissé s'écouler un délai de trois mois et demi entre l'intervention de ventriculo-cistermostomie, destinée à réduire l'hypertension intracranienne, et l'intervention d'exérèse, impérieusement requise, de sorte que tout manquement éventuel à l'obligation d'information prévue par les dispositions du code de la santé publique rappelées au point 2 demeurerait, en tout état de cause, sans incidence sur la responsabilité du centre hospitalier ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts G...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes indemnitaires ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Caen, qui n'est pas, dans la présente espèce la partie perdante, le versement aux consorts G...de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts G...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...G..., M. A...G...et M. B...G..., au centre hospitalier universitaire de Caen et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mars 2017.
Le rapporteur,
O. CoiffetLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. E...
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02375