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31/03/2017 | FRANCE | N°15NT02183

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 31 mars 2017, 15NT02183


Vu la procédure suivante dans l'instance 15NT02183 :

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 juillet 2015 et 19 octobre 2016, Mme E...B...et M. et Mme F...B..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 mai 2015 du tribunal administratif de Caen ;

2°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de Caen (CHS) à verser à Mme B... la somme de 1 308 340,90 euros ainsi qu'une rente annuelle de 70 979,37 euros ;

3°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de Caen à v

erser à M. et Mme B...la somme de 368 063,76 euros ;

4°) de condamner le centre hospitalier sp...

Vu la procédure suivante dans l'instance 15NT02183 :

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 juillet 2015 et 19 octobre 2016, Mme E...B...et M. et Mme F...B..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 mai 2015 du tribunal administratif de Caen ;

2°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de Caen (CHS) à verser à Mme B... la somme de 1 308 340,90 euros ainsi qu'une rente annuelle de 70 979,37 euros ;

3°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de Caen à verser à M. et Mme B...la somme de 368 063,76 euros ;

4°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de Caen aux entiers dépens ;

5°) de mettre à la charge du même établissement la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'état de santé de Roxane B...justifiait une surveillance particulière ; or le CHS n'a pas mis en oeuvre toutes les mesures de surveillance adéquates ;

- le non respect des prescriptions médicales constitue également une faute ;

- l'inadaptation des locaux pour l'accueil d'une mineur montre l'existence d'un défaut dans l'organisation du service public ;

- le service a tardé à réagir au moment de la fugue ;

- l'ensemble des préjudices de Roxane B...justifie une condamnation du CHS à lui verser la somme de 1 308 340,90 euros ainsi qu'une rente annuelle de 70 979,37 euros ;

- l'ensemble des préjudices de M. et Mme B...justifie une condamnation du CHS à leur verser la somme de368 063,76 euros.

Par un mémoire enregistré le 21 septembre 2015 la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Calvados, représentée par MeA..., conclut à l'annulation du jugement attaqué et à la condamnation du centre hospitalier spécialisé de Caen à lui verser la somme de 972 884,63 euros, assortie des intérêts capitalisés, et à ce que soit mises à la charge de cet établissement la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et celle de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le CHS a commis une faute dans la prise en charge de Mme E...B...;

- les dépenses de santé actuelles et futures capitalisées s'élèvent à la somme de 972 884,63 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 février 2016 et 26 janvier 2017 le centre hospitalier spécialisé de Caen, représenté par MeH..., conclut au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

Il fait valoir que :

- la CPAM, qui n'a pas chiffré en totalité ses demandes en première instance alors qu'elle était en mesure de le faire, n'est pas recevable en appel à présenter des conclusions nouvelles ;

- les moyens invoqués par les consorts B...ne sont pas fondés.

II) Vu la procédure suivante dans l'instance 15NT02532 :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 août et 11 septembre 2015 la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 mai 2015 du tribunal administratif de Caen ;

2°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de Caen à lui verser la somme de 972 884,63 euros, assortie des intérêts capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de cet établissement la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

4°) et mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché de contradiction de motifs ;

- le CHS a commis une faute dans la prise en charge de Mme E...B...;

- les dépenses de santé actuelles et les dépenses futures capitalisées s'élèvent à la somme totale de 972 884,63 euros.

Par un mémoire enregistré le 7 mars 2016 le centre hospitalier spécialisé de Caen, représenté par MeH..., conclut au rejet de la requête de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

Il fait valoir que :

- la CPAM qui n'a pas chiffré en totalité ses demandes en première instance alors qu'elle était en mesure de le faire, n'est pas recevable en appel à présenter des conclusions nouvelles ;

- faute d'accord de sa part, les frais futurs ne peuvent pas être capitalisés ;

- les moyens invoqués par la CPAM du Calvados ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gauthier,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de MeJ..., représentant Mme E...B...et M. et Mme F...B....

Une note en délibéré présentée pour les consorts B...a été enregistrée le 16 mars 2017 dans chacune des deux instances.

Une note en délibéré présentée pour l'établissement public de santé mentale de Caen a été enregistrée le 23 mars 2017 dans chacune des deux instances.

1. Considérant que la requête n°15NT02183 de Mme E...B...et de M. et Mme F...B...et la requête n°15NT02532 de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que MmeB..., adolescente alors âgée de 16 ans et atteinte d'anorexie mentale, a été prise en charge à la demande de ses parents par le centre hospitalier spécialisé (CHS) de Caen à la suite d'une nouvelle tentative de suicide le 28 novembre 2005 ; que, le 15 décembre 2005 au matin, elle est parvenue à échapper au contrôle du personnel médical et à quitter l'établissement hospitalier, pour se rendre au château de Caen d'où elle s'est jetée dans les fossés depuis une hauteur de 15 à 20 mètres ; qu'elle est paraplégique à la suite de cette chute ; que, par une ordonnance du 8 octobre 2008, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a, sur la demande de Mme B...et de ses parents, désigné un expert en vue, d'une part, d'apporter tous éléments d'information permettant d'apprécier si des fautes ou des manquements avaient été commis dans la prise en charge de la jeune fille par le centre hospitalier spécialisé de Caen et d'autre part, d'évaluer les divers chefs de préjudice subis à la suite de la tentative d'autolyse du 15 décembre 2005 ; que l'expert a déposé son rapport le 2 février 2010 ; que, par une ordonnance du 17 décembre 2010, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a de nouveau désigné un expert aux fins, d'une part, d'apprécier l'état de santé de MmeB..., de fixer la date de consolidation des séquelles physiologiques et d'évaluer les divers chefs de préjudice en fonction de leur évolution ; que, par leur requête n°15NT02183, Mme E...B...et M. et Mme F...B...relèvent appel du jugement du 28 mai 2015 du tribunal administratif de Caen qui a rejeté leurs demandes d'indemnisation des divers préjudices subis à la suite de l'hospitalisation de Mme E...B...; que, par sa requête n°15NT02532, la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados demande à la cour d'annuler le même jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de remboursement de ses débours ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Malo :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de la CPAM du Calvados ;

3. Considérant qu'aux termes des dispositions du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 3211-2 du même code : " Une personne faisant l'objet de soins psychiatriques avec son consentement pour des troubles mentaux est dite en soins psychiatriques libres. Elle dispose des mêmes droits liés à l'exercice des libertés individuelles que ceux qui sont reconnus aux malades soignés pour une autre cause. " ;

4. Considérant que Mme B..., qui souffrait depuis deux ans d'anorexie mentale ainsi que cela a été précisé au point 2, avait commis trois tentatives de suicide, dont une dernière le 28 novembre 2005 chez ses parents, avant d'être hospitalisée en hospitalisation libre au service de psychiatrie pour adultes du CHS de Caen, faute d'une possibilité d'hospitalisation immédiate à Rouen dans un service adapté aux adolescents ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise établi le 2 février 2010 par le DrC..., que si la prise en charge de l'adolescente, qui vivait mal une hospitalisation au milieu des adultes, était complexe, elle a néanmoins été effectuée, tant sur le plan du traitement que de l'organisation du service, conformément aux règles de l'art ; qu'en particulier l'adolescente a été déplacée dans une chambre plus proche du bureau des infirmiers conformément à la demande du médecin qui la suivait, et que c'est également conformément aux prescriptions de ce médecin que ses vêtements de ville lui ont été remis le matin de l'accident, afin qu'elle puisse participer, comme elle l'avait fait la veille, à l'activité pour adolescents qui était prévue pour elle ; que les éléments de l'instruction ne permettent pas d'établir que, ainsi qu'il est allégué, la patiente aurait été prostrée dans son lit à 7h30, ni qu'elle aurait été laissée sans surveillance depuis cette heure jusqu'au moment de sa fugue ; que ses vêtements ont été déposés dans sa chambre à 10h15 et que, selon l'expert, l'adolescente a profité d'un moment d'inattention pour décider de fuguer ; qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'alors même que le service n'était pas spécifiquement aménagé pour accueillir des adolescents, le personnel a aussitôt remarqué la fuite de Mme B...et y a réagi sur le champ en tentant de la rattraper, puis en mettant en place une patrouille en voiture avant de prévenir les parents et la police ; que, dans ces conditions, aucune des fautes invoquées par les consorts B...et par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados ne peut être regardée comme établie et de nature à engager la responsabilité de l'établissement hospitalier ;

Sur les dépens :

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de maintenir les frais d'expertise, tels qu'ils ont été liquidés et taxés par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Caen en date du 27 janvier 2012, à la charge définitive du centre hospitalier spécialisé de Caen ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts B...et la CPAM du Calvados ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché de contradiction dans les motifs, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé de Caen à réparer les préjudices subis et à rembourser les débours exposés ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier spécialisé de Caen, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, le versement à Mme E...B..., à M. et Mme F...B...et à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados des sommes que ceux-ci demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 15NT02183 de Mme E...B...et de M. et Mme F...B...et la requête n°15NT02532 de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados sont rejetées.

Article 2 : Les frais d'expertise, tels qu'ils ont été liquidés et taxés par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Caen en date du 27 janvier 2012, sont maintenus à la charge définitive du centre hospitalier spécialisé de Caen.

Article 3 : Les conclusions présentées par la CPAM du Calvados dans la requête n° 15NT02183 au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...B..., à M. et Mme F...B..., au centre hospitalier spécialisé de Caen et à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Gauthier, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mars 2017.

Le rapporteur,

E. GauthierLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. I...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT02183, 15NT02532


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric GAUTHIER
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN FABIANI THIRIEZ

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 31/03/2017
Date de l'import : 18/04/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15NT02183
Numéro NOR : CETATEXT000034367405 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-03-31;15nt02183 ?
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