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29/03/2017 | FRANCE | N°16NT01897

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 mars 2017, 16NT01897


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 27 janvier 2016 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1600566 du 23 février 2016 la présidente du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2016, M.A..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce

jugement de la présidente du tribunal administratif de Rennes du 23 février 2016 ;

2°) d'annuler la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 27 janvier 2016 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1600566 du 23 février 2016 la présidente du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2016, M.A..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement de la présidente du tribunal administratif de Rennes du 23 février 2016 ;

2°) d'annuler la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 27 janvier 2016 ordonnant son transfert vers l'Italie ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de l'autoriser à demander l'asile en France, ou à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée au regard de la situation particulière de l'Italie pour le traitement des demandes d'asile ;

- elle méconnaît l'article 19 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 puisqu'il a quitté le territoire des Etats membres de 2007 à 2015 ;

- eu égard à la situation catastrophique des demandeurs d'asile en Italie, la décision attaquée méconnaît le droit d'asile, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 17-1 et 3 !2 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- elle méconnaît l'article 4 du même règlement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2017, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le délai de reprise en charge par l'Italie a été prolongé jusqu'au 13 juillet 2017.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Rimeu a été entendu au cours de l'audience publique ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant nigérian né le 4 avril 1975, est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement en France le 16 novembre 2015 ; qu'il a déposé une demande d'admission au séjour au titre de l'asile auprès des services de la préfecture d'Ille-et-Vilaine le 24 novembre 2015 ; que la consultation du fichier Eurodac ayant révélé que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités italiennes le 3 août 2007, le préfet d'Ille-et-Vilaine a sollicité de ces autorités sa reprise en charge ; qu'un accord implicite de reprise en charge de M. A...est intervenu le 13 janvier 2016 ; que par un arrêté du 27 janvier 2016, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé de remettre M. A...aux autorités italiennes ; que M. A...relève appel du jugement du 23 février 2016 par lequel la présidente du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 19 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, intitulé " cessation de la responsabilité " : " 1. Si un État membre délivre au demandeur un titre de séjour, les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, lui sont transférées. / 2. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, cessent si l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de prendre ou reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres pendant une durée d'au moins trois mois à moins qu'elle ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'État membre responsable. / Toute demande introduite après la période d'absence visée au premier alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'État membre responsable. (...) ";

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du permis de conduire nigérian qui lui a été délivré par les autorités de ce pays le 24 novembre 2009, dont l'authenticité n'est pas contestée, que M. A...est retourné au Nigéria après sa demande d'asile formée auprès des autorités italiennes le 3 août 2007 et qu'il y est resté jusqu'en novembre 2015, date à laquelle il a déclaré, lors des entretiens réalisés par la préfecture comme devant le juge, être entré irrégulièrement en France ; qu'il établit ainsi avoir quitté le territoire des Etats membres de l'Union européenne pendant plus de trois mois depuis sa demande d'asile formée en Italie en 2007 ; que si les autorités italiennes ont accepté la demande de reprise en charge présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine le 28 décembre 2015, cette acceptation n'était pas expresse mais implicite, de sorte qu'aucune information n'a été transmise par l'Italie quant au sort qui a été réservé à la demande d'asile de M. A...qui, eu égard au délai écoulé, doit être regardée comme rejetée, ou aux mesures d'éloignement qui ont pu être prises à son encontre ; qu'enfin, la consultation du fichier Eurodac n'a pas révélé d'autres relevés d'empreintes de M. A...entre 2007 et 2015, ce qui tend à corroborer sa sortie du territoire de l'Union européenne pendant plusieurs années ; qu'il suit de là que M. A...est fondé à soutenir qu'à la date de l'arrêté contesté, l'Italie n'était plus responsable de sa demande d'asile et que, par suite, le préfet d'Ille-et-Vilaine, en décidant sa remise aux autorités de ce pays, a méconnu les dispositions précitées de l'article 19 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 27 janvier 2016 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant que le présent arrêt, qui n'annule pas la décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile mais seulement la décision de remise aux autorités italiennes, n'implique pas nécessairement que le préfet d'Ille-et-Vilaine autorise M. A...à séjourner en France le temps de l'examen de sa demande d'asile, mais seulement qu'il procède à un réexamen de la situation de M.A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Le Bourhisrenonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement à Me Le Bourhisde la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600566 du 23 février 2016 du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 27 janvier 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la situation de M.A..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Le Bouhrisla somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Le Bourhisrenonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Loirat, président,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mars 2017.

Le rapporteur,

S. RIMEULe président,

C. LOIRAT

Le greffier,

M. GUERIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°16NT018972


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01897
Date de la décision : 29/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LOIRAT
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : LE BOURHIS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-03-29;16nt01897 ?
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