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29/03/2017 | FRANCE | N°15NT02332

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 mars 2017, 15NT02332


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération Angers Loire métropole a demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal, de condamner in solidum l'Etat, la société TPPL, la société Barenton et la société d'aménagement urbain et rural (SAUR) à lui verser la somme de 397 200 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête, en réparation des désordres affectant le réseau d'assainissement d'eaux usées et la station d'épuration de la commune de Soulaine

s-sur-Aubance au lieu-dit " La Marzelle ", à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération Angers Loire métropole a demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal, de condamner in solidum l'Etat, la société TPPL, la société Barenton et la société d'aménagement urbain et rural (SAUR) à lui verser la somme de 397 200 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête, en réparation des désordres affectant le réseau d'assainissement d'eaux usées et la station d'épuration de la commune de Soulaines-sur-Aubance au lieu-dit " La Marzelle ", à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 79 440 euros, la société Barenton à lui verser la somme de 142 992 euros, la société TPPL à lui verser la somme de 95 328 euros et la société SAUR à lui verser la somme de 79 440 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête, en réparation des désordres affectant le réseau d'assainissement d'eaux usées et la station d'épuration au lieu-dit " La Marzelle ".

Par un jugement n° 1302374 du 3 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes, en premier lieu, a condamné in solidum l'Etat, la société Barenton et la société TPPL à verser à la communauté d'agglomération Angers Loire métropole la somme de 264 316 euros, assortie des intérêts à compter du 22 mars 2013, en deuxième lieu, a condamné l'Etat, la société Barenton et la société TPPL à verser à la communauté d'agglomération Angers Loire métropole une somme de 17 049, 05 euros TTC au titre des frais d'expertise ainsi qu'une somme de 35 euros au titre des autres dépens, en troisième lieu, a condamné l'Etat à garantir la société Barenton et la société TPPL des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 10%, en quatrième lieu, a condamné la société Barenton à garantir l'Etat et la société TPPL des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 45%, et en cinquième et dernier lieu, a condamné la société TPPL à garantir l'Etat et la société Barenton des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 45%.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête n°15NT02332, enregistrée le 15 juillet 2015, la société Barenton, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 juin 2015 ;

2°) de rejeter les demandes formées par la communauté d'agglomération Angers Loire métropole à son encontre ;

3°) subsidiairement, de réduire les prétentions indemnitaires de la communauté d'agglomération et d'ordonner en tant que de besoin une contre-expertise ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Angers Loire métropole le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres relevés par l'expert ne sont pas de nature décennale, dès lors qu'ils ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage, ne sont pas suffisamment importants par eux-mêmes et que seul leur maintien ou aggravation pourrait entraîner, à terme, une impropriété à destination ; cette impropriété sera évitée par la réparation des désordres ponctuels affectant le réseau de collecte des eaux usées ;

- les désordres ne peuvent lui être imputables dès lors, d'une part, qu'il n'a pas été établi que les désordres concernaient la tranche de travaux réalisés par elle, et d'autre part, qu'elle ne saurait répondre des malfaçons résultant de travaux réalisés par des tiers postérieurement à la réception ni des désordres affectant les installations et raccordements des propriétés privées ;

- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que les désordres impliquaient la réfection globale du réseau des eaux usées ; l'expert, qui n'a pas vérifié l'étanchéité du réseau d'eaux usées à la pénétration des eaux claires, a seulement émis des hypothèses sur le remblaiement défectueux des ouvrages enterrés, sans les appuyer sur des sondages ou analyses, et ses conclusions sont totalement opposées à celles de son sapiteur ; la société Barenton ne saurait, en l'absence d'une nouvelle expertise, être condamnée à verser une indemnité supérieure à 7 520 euros ;

- les condamnations à garantir prononcées à l'encontre de la société Barenton n'ont aucun fondement, dès lors qu'aucune faute de sa part n'a été sérieusement établie, et que les seuls désordres ponctuels d'étanchéité susceptibles de lui être imputés, sont étrangers à la garantie décennale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2016, la communauté d'agglomération Angers Loire métropole, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Barenton le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'impropriété de l'ouvrage à sa destination est établie dès lors qu'il est constaté que des effluents non traités sont répandus dans le milieu naturel, quand bien même l'impropriété n'interviendrait t'elle " qu'à terme " ;

- la responsabilité des constructeurs étant présumée, il appartient à la société Barenton d'établir qu'elle serait totalement étrangère aux désordres, or l'expert a relevé, outre un effondrement partiel du réseau ( regards R25/R26), au moins 3 défauts d'étanchéité sur le réseau (R19, R20 et R23) qui résultent de malfaçons dans l'exécution des travaux qui lui sont imputables ;

- la société Barenton ne saurait reprocher la méthode de l'expert pour déterminer les responsabilités respectives des deux sociétés chargées de la construction du réseau alors que toutes deux ont refusé de communiquer les plans d'exécution et de récolement à l'expert, comme d'ailleurs au maître d'ouvrage ;

- la réfection totale du réseau d'eaux usées était indispensable dès lors que son défaut d'étanchéité aux eaux claires parasites permanentes (ECPP) circulant dans la tranchée d'enrobage du réseau a été constaté, et que les volumes très importants de ces eaux dans les effluents à traiter par la station d'épuration sont une cause majeure des désordres ;

- au regard des défauts affectant le réseau d'eaux usées, à savoir 10 flâches (ou contrepentes entraînant des stagnations localisées), des pentes trop faibles et différentes malfaçons affectant les regards et réseau public, la circonstance que l'expert n'ait pas fait procéder à des investigations sur les 3 regards privés fuyants n'a pu fausser les conclusions de l'expertise.

Par ordonnance du 28 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 29 décembre 2016.

II - Par une requête n°15NT02438, enregistrée le 4 août 2015, la société TPPL, représentée par le Me Papin, avocat, demande à la cour :

- d'annuler le jugement n°1302374 du tribunal administratif de Nantes du 3 juin 2015,

- à titre principal, de rejeter les demandes formées par la communauté d'agglomération Angers Loire métropole à son encontre ;

- à titre subsidiaire :

o d'ordonner une nouvelle expertise,

o de réduire l'indemnisation des désordres à la somme de 7 520 euros,

o de juger que la responsabilité de la SAUR est prépondérante,

o de condamner in solidum l'Etat, la société Barenton et la SAUR à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- en tout état de cause, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Angers Loire métropole le versement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la communauté d'agglomération Angers Loire métropole n'établit pas que les désordres seraient de nature décennale, dès lors que les désordres relevés par l'expert, qui ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage, ne sont pas suffisamment importants par eux-mêmes et que seul leur maintien ou aggravation pourrait entraîner, à terme, une impropriété à destination ; cette impropriété sera évitée par la réparation des désordres ponctuels affectant le réseau de collecte des eaux usées ;

- les désordres, à les supposer de nature décennale, ne peuvent lui être imputables dès lors, que l'expert n'a pas réellement établi la cause de la présence d'eaux claires parasites (ECP) en entrée de la station d'épuration, et que ses conclusions sont infondées en l'absence d'investigations complémentaires ; l'expert estime à tort que les problèmes sont identiques sur les deux sites de " la Marzelle " et de " la Chapelle " ; le défaut d'entretien des installations d'assainissement par la SAUR est patent et déterminant ; la réalisation conforme au CCTP des prestations confiées à l'appelante a été établie par la réception sans réserve, après que la DDE de Maine-et-Loire ait fait procéder à un passage caméra et un test d'étanchéité des canalisations et regards ;

- l'expertise ne permet pas de conclure que la réfection totale du collecteur s'impose, il suffit au contraire de procéder à la réparation des 2 regards fuyants pour une somme de 2 600 euros et de l'effondrement localisé de la canalisation pour un montant de 4 920 euros ; le préjudice admis par les premiers juges est disproportionné et ne saurait dépasser le seul coût de reprise des désordres effectivement constatés sur le collecteur et seuls imputables à la société TPPL, soit la somme totale de 7 520 euros ;

- la responsabilité contractuelle de la société TPPL ne peut davantage être engagée en l'absence de faute établie dans la réalisation de ses prestations contractuelles ; la présence des ECP est sans lien avec la réalisation du réseau collecteur ; ni l'expert ni le maître d'ouvrage n'ont en particulier établi qu'elle avait connaissance des caractéristiques du terrain d'assiette ; l'Etat, maître d'oeuvre, devait concevoir un ouvrage adapté à son environnement, et doit, dès lors que serait constaté un vice de conception, la garantir de toute condamnation ;

- la SAUR, qui a manifestement manqué à ses obligations contractuelles d'entretien des filtres à sable et de vidanges fréquentes, a contribué aux désordres dont la communauté d'agglomération Angers Loire métropole demande réparation, elle devra dès lors la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

- subsidiairement, il doit être procédé à une nouvelle expertise.

Par deux mémoires, enregistrés les 6 novembre 2015 et 26 décembre 2016, la société d'Aménagement Urbain et Rural (SAUR), représentée par MeB..., demande à la cour :

à titre principal, de rejeter la requête de la société TPPL ;

à titre subsidiaire, de réduire l'indemnisation accordée à la communauté d'agglomération Angers Loire métropole à la somme de 7 520 euros ;

à titre encore plus subsidiaire, de juger que sa part de responsabilité n'excède pas 5% ;

en tout état de cause, de mettre à la charge de la société TPPL une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé sa mise hors de cause, le défaut d'entretien des installations d'assainissement n'étant pas établi ;

- à titre subsidiaire, les demandes d'indemnisation de la communauté d'agglomération Angers Loire métropole sont exorbitantes au regard des préconisations du sapiteur le BET Pierres et Eaux qui s'en tient aux reprises des désordres ponctuels constatés sur le réseau, que la société TPPL a chiffré, par dire à l'expert du 15 mai 2012, à la somme de 7 520 euros ;

- à titre encore plus subsidiaire, s'agissant du partage de responsabilité : si la cour estimait devoir retenir la responsabilité de la SAUR, elle devra tenir compte de ce que la cause principale des désordres réside dans le défaut d'exécution du réseau collecteur par la société TPPL et le défaut de surveillance des travaux par les services de la DDE de Maine-et-Loire, et de ce qu'en outre, elle a alerté à plusieurs reprises le maître d'ouvrage sur les dysfonctionnements des installations ;

- dès lors que la communauté d'agglomération Angers Loire métropole ne sollicite plus sa condamnation, les conclusions d'appel en garantie de la société TPPL à son encontre devront être rejetées comme étant portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2016, la communauté d'agglomération Angers Loire métropole, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société TPPL le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert a parfaitement déterminé la cause de la présence des eaux claires parasites : il s'agit des défauts de mise en oeuvre et compactage des matériaux de remblaiement des canalisations ;

- il appartient à la société TPPL d'établir qu'elle serait totalement étrangère aux désordres, or l'expert a relevé à son encontre des défauts d'exécution et de mise en oeuvre du réseau collecteur des eaux usées ;

- l'expert a correctement attribué les différent désordres constatés sur les réseaux, à la société TPPL pour le tronçon R 24 à R 34 et à la société Barenton pour le tronçon R 1 à R 24 ;

- la demande d'une nouvelle expertise n'est aucunement justifiée ;

- l'expert a clairement justifié la nécessité de procéder à la reprise totale du réseau collecteur dans sa réponse au dire de la société TPPL en date du 15 mai 2012 ;

- l'impropriété de l'ouvrage à sa destination est actuelle dès lors que l'expert a constaté qu'en raison des afflux massifs d'eaux claires parasites, des effluents non traités sont répandus dans le milieu naturel ;

- le maître d'ouvrage n'a jamais entendu mettre en oeuvre la responsabilité contractuelle de la société TPPL ;

- la réfection totale du réseau d'eaux usées est indispensable dès lors que son défaut d'étanchéité aux eaux claires parasites permanentes (ECPP) circulant dans la tranchée d'enrobage du réseau a été constaté, et que les volumes très importants de ces eaux dans les effluents à traiter par la station d'épuration sont à l'origine des désordres.

Par ordonnance du 28 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 29 décembre 2016.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n°76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Loirat,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., représentant la société TPPL, et de MeA..., représentant la communauté d'agglomération Angers Loire métropole.

1. Considérant que la commune de Soulaines-sur-Aubance (Maine-et-Loire) a, par une délibération du 29 juin 1998, décidé de construire une station de traitement des eaux usées au lieu-dit " La Marzelle " et d'en confier la maîtrise d'oeuvre aux services de la direction départementale de l'équipement (DDE), pour l'assister dans la procédure de passation des marchés et pour surveiller l'exécution des travaux ; que la société CMS Vendée Epuration s'est vu attribuer la réalisation de l'ouvrage de traitement des eaux usées, la société Barenton s'est vu confier la construction de la première tranche du collecteur des eaux usées, en vertu d'un marché signé le 8 septembre 1998, et la société TPPL, aux termes d'un marché signé le 22 septembre 1999, a réalisé la seconde tranche de ce collecteur, tandis que par acte d'engagement du 3 août 1999 a été attribuée à la société Bonneau la construction d'un poste de refoulement ; que l'ensemble de ces travaux ont donné lieu à des réceptions sans réserve entre le 7 mai 1999 et le 19 mai 2000 ; que la commune de Soulaines-sur-Aubance a ensuite confié à la société d'aménagement urbain et rural (SAUR) l'exploitation et l'entretien des ouvrages ; que des désordres sont toutefois apparus à partir des années 2003 et 2004, se traduisant par un colmatage du filtre à sable et l'engorgement des installations du fait d'une charge hydraulique excessive ; qu'après le dépôt, le 5 juin 2012, du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, la communauté d'agglomération Angers Loire métropole, venue aux droits de la commune de Soulaines-sur-Aubance du fait de l'adhésion de celle-ci à compter du 1er janvier 2005, a saisi au fond ce même tribunal, qui, par un jugement du 3 juin 2015, d'une part, a condamné in solidum l'Etat, la société Barenton et la société TPPL, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, à verser à la communauté d'agglomération la somme de 264 316 euros TTC, assortie des intérêts à compter du 22 mars 2013, en réparation du coût des travaux de reprise des désordres affectant le réseau de collecte des eaux usées, et la somme de 17 049, 05 euros TTC au titre des frais d'expertise ainsi qu'une somme de 35 euros au titre des autres dépens, d'autre part, a condamné l'Etat à garantir la société Barenton et la société TPPL des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 10%, la société Barenton à garantir l'Etat et la société TPPL des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 45% et la société TPPL à garantir l'Etat et la société Barenton des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 45% ; que la société Barenton, sous le n°15NT02332, et la société TPPL, sous le n°15NT02438, relèvent respectivement appel de ce jugement ; qu'il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour y statuer par un même arrêt ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la nature des désordres :

2. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que si la station d'épuration n'est pas sous-dimensionnée et que les rendements épuratoires du filtre à sable sont bons, au moins dans des conditions normales, et si les ouvrages de prétraitement, bien que pleins et corrodés, peuvent fonctionner, la station souffre toutefois d'un engorgement du fait d'un apport important par le collecteur d'eaux claires parasites permanentes (ECPP) représentant jusqu'à 55% des effluents en entrée de station, soit 5 483m3 par an ; qu'il résulte de l'instruction que l'ouvrage est d'ores-et-déjà rendu impropre à sa destination, dès lors que les apports d'eaux claires parasites massifs entraînant une surcharge hydraulique ont pour conséquence le colmatage des lits du filtre à sable et l'amoindrissement des capacités épuratoires de la station de " La Marzelle ", la dilution trop importante des effluents freinant le développement bactérien et favorisant l'accumulation de matières organiques en surface, ainsi que la stagnation et le rejet en milieu naturel d'effluents non traités ; qu'au surplus, le phénomène s'est amplifié dans le temps et les stagnations d'eaux usées provoquent le dégagement de gaz corrosifs qui peuvent engendrer à terme une dégradation grandissante du réseau ; que les bons rendements épuratoires constatés sont faussés dès lors qu'ils ont été mesurés dans le bassin de sortie aval de la station, où l'on retrouve les eaux claires qui ont ruisselé de part et d'autre des filtres ;

4. Considérant, d'autre part, que compte tenu de la nature et de l'origine de ces eaux claires parasites permanentes, qui se distinguent des eaux claires météoriques résultant d'un apport d'eaux pluviales dans le réseau collecteur, aucun lien ne peut être fait entre leur présence massive en entrée de la station d'épuration et les désordres ponctuels qui ont été relevés sur le réseau collecteur des eaux usées ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, la reprise de ces désordres localisés de contrepentes, de pentes trop faibles, de déformation d'un regard, ou d'effondrement partiel de la canalisation, comme la réfection des anomalies constatées sur les branchements des propriétés privées, d'écoulements continus, de regards fuyants ou non étanches, ne pourront suffire à remédier à l'impropriété de l'ouvrage à sa destination causée par les volumes importants d'eaux claires parasites provenant des circulations d'eaux dans le sol superficiel et l'enrobage des ouvrages enterrés ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que la société Barenton comme la société TPPL ne sont pas fondées à soutenir que les désordres en cause n'auraient qu'un caractère ponctuel et ne seraient pas de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs ;

En ce qui concerne l'imputabilité des désordres :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que les désordres proviennent d'un certain nombre de malfaçons du réseau qui se sont manifestées par des dégradations survenues depuis sa réalisation, principalement la nature et le compactage insuffisant des matériaux de remblai au droit des canalisations d'eaux usées en tranchée, qui sont à l'origine de la plupart des circulations d'eaux parasites dans l'enrobage des ouvrages enterrés, alors que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) des travaux de réalisation du collecteur des eaux usées comportait des indications sur la nature des sols, renvoyait au fascicule du cahier des clauses techniques générales (CCTG) n°70 concernant l'assainissement, et en particulier à son article 5.4.3.1 pour ce qui concerne les matériaux du lit de pose et les prestations d'enrobage des tuyaux, et précisait que le maître d'oeuvre vérifierait la qualité des matériaux de remblaiement, leur nature et provenance ; qu'ainsi, compte tenu en particulier de la nature des prestations d'enrobage des canalisations et de compactage des remblaiements, incombant respectivement à la société Barenton et à la société TPPL, et des prescriptions et précautions mises à leur charge, les appelantes ne sont pas fondées à soutenir qu'elles seraient étrangères aux désordres et ne pouvaient faire l'objet d'une condamnation solidaire à leur réparation ;

En ce qui concerne le préjudice :

7. Considérant que l'expert évaluait les travaux de réfection du réseau de collecte des eaux usées et de la station d'épuration à un total de 331 000 euros HT mais que le tribunal a jugé que le préjudice tenant au coût de réfection de la station d'épuration n'était pas établi car il ne résultait pas de l'instruction que celle-ci ne pourrait fonctionner correctement, compte tenu des rendements épuratoires de son filtre à sable dans des conditions normales, et en conséquence n'a regardé comme indemnisable que le coût des travaux de réfection du réseau, soit 221 000 euros HT ou 264 316 euros TTC ; que la société Barenton comme la société TPPL soutiennent que les premiers juges ont estimé à tort que les désordres en cause impliquaient la réfection globale du réseau de collecte des eaux usées et qu'elles ne sauraient, en l'absence d'une nouvelle expertise, être condamnées à indemniser un préjudice excédant la somme de 7 520 euros, représentant le coût des travaux de reprise des désordres ponctuels affectant le réseau ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le sapiteur a fait réaliser les investigations suivantes : curage et pompage des canalisations du réseau collecteur, inspection télévisuelle de l'ensemble du réseau, essais d'étanchéité à la fumée ainsi que création de fiches regards ; que l'expert, qui a intégralement repris à son compte le rapport et les analyses de son sapiteur, a déduit de l'absence manifeste de raccordement du réseau collecteur des eaux usées au réseau collecteur des eaux pluviales, et de la corrélation entre les volumes d'eaux claires parasites constatés en entrée de station d'épuration avec la pluviométrie, que les eaux claires parasites permanentes retrouvées en entrée de station étaient issues de la couche de circulation des eaux dans le sol superficiel et dans l'enrobage des ouvrages enterrés ; que cette déduction est corroborée par la circonstance, qui résulte de l'instruction, que les contrôles prévus par le CCTP sur la qualité et la provenance des matériaux de remblaiement et sur la mise en oeuvre de leur compactage n'ont pas eu lieu et que, ainsi qu'il ressort notamment du compte rendu de chantier du 9 novembre 1999, les entreprises en charge de la réalisation de chacune des deux tranches du réseau collecteur et le représentant de la DDE de Maine-et-Loire, maître d'oeuvre, se sont accordés pour décider de procéder au remblaiement avec les matériaux argileux non évacués de la tranchée, alors que le sapiteur a constaté qu'il s'agissait d'un sol particulièrement hydromorphe ; que dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'une expertise complémentaire, eu égard au vice de réalisation du réseau de collecte des eaux usées, celui-ci ne pouvait faire l'objet uniquement de reprises partielles et seule sa réfection d'ensemble était de nature à mettre fin aux désordres ; que le coût de 264 316 euros TTC des travaux de reprise ainsi nécessaires n'est dès lors pas sérieusement contesté ;

En ce qui concerne la répartition de la charge finale de la réparation :

9. Considérant que le défaut de réalisation par la SAUR des tests d'étanchéité des raccordements des collecteurs d'eaux usées, reproché par l'expert, est dépourvu de lien avec les désordres de nature décennale, et cette société a justifié avoir satisfait à ses obligations de contrôle annuel du filtre à sable et avoir alerté à plusieurs reprises le maître d'ouvrage sur les dysfonctionnements constatés à cette occasion ; que les conclusions de la société TPPL tendant à ce que la SAUR soit condamnée, solidairement avec l'Etat et la société Barenton, à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, doivent par conséquent être rejetées ;

10. Considérant qu'il résulte de qui a été dit au point 6 que les désordres apparaissent imputables principalement aux entreprises, qui ont réalisé le réseau de collecte et d'évacuation des eaux usées avec les malfaçons sus-décrites, et accessoirement au maître d'oeuvre qui, devant assurer la direction des travaux, avait en charge la surveillance de leur exécution conformément aux règles de l'art ; qu'en effet, il résulte de l'instruction que les deux sociétés requérantes n'ont pas correctement réalisé les ouvrages qu'il leur incombait de construire pour la tranche qui leur avait été respectivement attribuée, dès lors qu'elles n'ont pas suffisamment tenu compte des contraintes tenant à la réalisation du système d'assainissement en cause dans des terrains particulièrement hydromorphes et des techniques particulières qui auraient permis d'éviter les dégradations des éléments du réseau et la circulation des eaux claires parasites dans la tranchée de mise en oeuvre des canalisations ; qu'ainsi, au regard de la forte prévalence des défauts d'exécution des travaux, la société Barenton et la société TPPL ne sont pas fondées à soutenir que le tribunal administratif aurait fait une évaluation exagérée de la part de responsabilité leur incombant en évaluant celle-ci à 45 % chacune ;

11. Considérant, qu'il résulte de ce tout qui précède, que la société Barenton et la société TPPL ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes, d'une part, les a condamnées, solidairement avec l'Etat, à verser à la communauté d'agglomération Angers Loire métropole la somme de 264 316 euros TTC, assortie des intérêts à compter du 22 mars 2013, en réparation du coût des travaux de reprise des désordres affectant le réseau de collecte des eaux usées, et la somme de 17 049, 05 euros TTC au titre des frais d'expertise ainsi qu'une somme de 35 euros au titre des autres dépens, d'autre part, les a condamnées respectivement à garantir les autres intervenants à hauteur de 45 % des condamnations prononcées à leur encontre ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la communauté d'agglomération Angers Loire métropole, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, verse à la société Barenton et à la société TPPL une somme au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens ;

13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, d'une part, de mettre à la charge de la société Barenton et de la société TPPL le versement à la communauté d'agglomération Angers Loire métropole d'une somme de 1 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, d'autre part, de mettre à la charge de la société TPPL le versement à la société SAUR d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de la société Barenton et de la société TPPL sont rejetées.

Article 2 : La société Barenton et la société TPPL verseront à la communauté urbaine Angers Loire métropole une somme de 1 000 euros chacune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société TPPL versera à la société SAUR une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Barenton, à la société TPPL, à la société d'Aménagement Urbain et Rural (SAUR), à la communauté d'agglomération Angers Loire métropole et au ministre de l'environnement, de l'Energie et de la mer.

Une copie en sera adressée à la direction départementale des territoires de Maine-et-Loire et à M. G...E..., expert.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mars 2017.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT02332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02332
Date de la décision : 29/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : JAGOU BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-03-29;15nt02332 ?
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