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23/03/2017 | FRANCE | N°15NT01618

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 23 mars 2017, 15NT01618


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Lytess a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la restitution d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 53 641 euros au titre de l'année 2012 et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral qu'elle estime avoir subi.

Par un jugement n° 1401657 du 24 mars 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête et un mémoire enregistrés les 26 mai 2015 et 11 juillet 2016, la SARL Lytess, représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Lytess a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la restitution d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 53 641 euros au titre de l'année 2012 et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral qu'elle estime avoir subi.

Par un jugement n° 1401657 du 24 mars 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 mai 2015 et 11 juillet 2016, la SARL Lytess, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 24 mars 2015 ;

2°) de prononcer la restitution du crédit d'impôt recherche demandé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert qui a émis un avis sur ses travaux de recherche ne les a pas sérieusement examinés et n'a eu aucun échange avec ses salariés ;

- le domaine de compétence de cet expert, maître de conférences au Centre national de la recherche scientifique, est la structure des flammes, domaine dont ses projets ne relèvent pas ;

- l'administration ne lui avait pas remis l'intégralité de son dossier de demande de crédit d'impôt recherche ;

- l'administration a apprécié elle-même l'éligibilité du projet alors que ses agents ne sont plus habilités à le faire depuis la modification de l'article R. 45 B du livre des procédures fiscales par un décret du 5 février 2013 ;

- le dossier de demande de crédit d'impôt recherche produit en première instance est identique à celui qui avait été transmis à l'administration en vue de sa remise à l'expert ;

- le second expert désigné par l'administration a consacré peu de temps à son rapport et n'a eu aucun échange avec ses salariés ;

- les premiers juges ne pouvaient pas se fonder complémentairement sur deux autres rapports d'expertise, qui ne portent pas sur les mêmes années et sur les mêmes projets et qui ont été rédigés par le même expert en structure de flammes, dont le comportement encourt les mêmes critiques que pour l'autre rapport ;

- compte tenu de la description de l'état de l'art produite en première instance, le tribunal ne pouvait pas rejeter sa demande au seul motif que le caractère de nouveauté de ses projets n'était pas établi ;

- elle justifie, par le rapport d'expertise qu'elle a fait établir, de l'éligibilité de ses trois projets au crédit d'impôt recherche.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la SARL Lytess ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aubert,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la SARL Lytess.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Lytess, qui exerce une activité de conception et de fabrication de vêtements ayant des effets cosmétiques, relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 24 mars 2015 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la restitution d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 53 641 euros au titre de l'année 2012 se rapportant à des recherches sur les textiles menées dans le cadre de trois projets ; que la restitution de ce crédit d'impôt recherche a été refusée par l'administration par une décision du 18 février 2014, conformément à l'avis rendu le 7 janvier 2014 par un expert mandaté par la délégation régionale à la recherche et à la technologie (DRRT) de la région Centre ;

Sur l'expertise :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 45 B-1 du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. / Un décret fixe les conditions d'application du présent article. " ; qu'aux termes de l'article R. 45 B-1 du même livre : " I. - La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article 244 quater B du code général des impôts est vérifiée soit par un agent dûment mandaté par le directeur général pour la recherche et l'innovation, soit par un délégué régional à la recherche et à la technologie ou un agent dûment mandaté par ce dernier. / L'intervention des agents du ministère chargé de la recherche peut résulter soit d'une initiative de ce ministère, soit d'une demande de l'administration des impôts dans le cadre d'un contrôle ou d'un contentieux fiscal. / (...) II. - (...) / L'agent chargé du contrôle peut se rendre sur place après l'envoi d'un avis de visite pour, notamment : (...) / b) Effectuer toutes constatations matérielles, procéder à des vérifications techniques, en vue de s'assurer de la réalité de l'activité de recherche à laquelle les dépenses ont été affectées (...) / III. - (...) / L'avis est notifié à l'entreprise et communiqué à la direction générale des finances publiques. Il est motivé lorsque la réalité de l'affectation à la recherche de dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt est contestée. " ;

3. Considérant qu'il ressort du rapport établi le 7 janvier 2014 par l'expert mandaté par la DRRT de la région Centre que le dossier de demande de crédit d'impôt recherche de la SARL Lytess qui lui a été remis comportait, outre un dossier scientifique de onze pages, des annexes portant sur les dotations aux amortissements et les dépenses de personnel, de prise de brevets, de veille technologique et de sous-traitance ; que si la société requérante fait valoir qu'il comportait également les annexes scientifiques qui ont été produites en première instance, elle ne l'établit pas en se bornant à se référer à un courrier du 24 juin 2015 rédigé par un expert auquel elle a elle-même recouru alors, au surplus, que sa requête d'appel précise la production, devant le tribunal administratif, d'un dossier technique plus complet que celui sur lequel s'était basé l'expert ; que, dans ces conditions, l'expert désigné par l'administration ne peut être regardé comme ayant émis un avis sans tenir compte de l'intégralité des pièces du dossier qui lui avait été transmis ;

4. Considérant que la circonstance que cet expert est un maître de conférences du Centre national de la recherche scientifique spécialisé dans le domaine de la structure des flammes n'établit pas qu'il n'avait pas les compétences requises pour apprécier le caractère innovant de travaux menés dans le domaine des cosmétotextiles ; qu'en outre, et eu égard notamment au caractère succinct du dossier scientifique qui lui avait été remis, le fait qu'il a rendu son avis dès le 7 janvier 2014 sur un dossier qui lui avait été soumis le 20 décembre 2013 n'établit pas le caractère sommaire de son examen de la demande ; qu'il ressort au contraire de son avis circonstancié qu'il a pris en compte l'ensemble des données scientifiques dont il disposait ; qu'enfin, l'avis défavorable à la société requérante qu'il avait antérieurement émis pour un crédit d'impôt recherche demandé au titre des années 2010 et 2011 n'est pas de nature à remettre en cause son impartialité ;

5. Considérant que les agents du ministère de la recherche habilités par les dispositions de l'article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales à vérifier la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt recherche ne sont tenus ni de procéder à une visite sur place ni d'engager un débat oral et contradictoire avec l'entreprise faisant l'objet de ce contrôle ; qu'il suit de là que la société requérante ne saurait reprocher à l'expert de ne pas avoir mené d'investigations auprès de ses salariés ;

6. Considérant que le refus du crédit d'impôt recherche demandé au titre de l'année 2012 n'étant pas fondé sur l'avis émis par un autre expert au titre d'un autre crédit d'impôt recherche demandé au titre des années 2010 et 2011, les compétences et l'impartialité de celui-ci ne sont pas utilement contestées ;

7. Considérant que les projets au titre desquels le crédit d'impôt recherche est demandé ayant été soumis à un expert mandaté par la DRRT de la région Centre, la société requérante ne se prévaut pas utilement de l'interdiction faite selon elle à l'administration fiscale, par l'article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales, d'apprécier elle-même le caractère innovant d'un projet scientifique ;

Sur le bénéfice du crédit d'impôt recherche :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté " ; que ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt recherche que les dépenses exposées pour le développement ou l'amélioration substantielle de matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque considérée, par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation de ces techniques ;

9. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations, et, notamment, d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts ;

10. Considérant que la SARL Lytess a demandé le bénéfice du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2012 pour trois projets de recherche expérimentale, menés dans le domaine des cosmétotextiles, portant sur la mise au point d'un collant sans pied musclant amincissant dit " textile intelligent de musculation ", d'un tissu comportant des microcapsules libérant des principes actifs devant servir à la fabrication de vêtements dit " textile infinislim " et de chaussettes comportant des microcapsules libérant des principes actifs hydratants dit " chaussettes émollientes " ; qu'il ressort du dossier de la demande de crédit d'impôt recherche produit en première instance que la société a été confrontée, pour l'élaboration du collant, à la nécessité d'obtenir une compression correcte des diverses parties du corps par le tissu en tenant compte des exigences de confort et de thermorégulation, pour celle du tissu libérant des principes actifs, à celle d'obtenir une combinaison de fibres céramiques et de microcapsules conforme à la réglementation et présentant une bonne résistance au lavage et, pour celle des chaussettes, à insérer dans le tissu des microcapsules résistant aux lavages et à la pression exercée par le corps tout en permettant la diffusion des principes actifs hydratants ; que les deux experts auxquels la société a recouru en cours d'instance indiquent que la mise au point du collant musclant et amincissant, qui a donné lieu au dépôt d'un brevet, a permis à la société d'acquérir de nouvelles connaissances techniques dans le domaine du tricotage du tissu et de la combinaison des principes actifs encapsulés, tandis que celle d'un tissu contenant des microcapsules libérant des principes actifs et les recherches menées sur les chaussettes lui ont permis d'obtenir un produit ayant des effets cosmétiques durables ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment de la description des travaux faite dans le dossier de la demande de crédit d'impôt recherche, que les projets expérimentaux ainsi menés résultent d'une simple utilisation de techniques existantes et ne présentent pas un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts alors même que l'un d'entre eux a donné lieu au dépôt d'un brevet ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a refusé d'accorder à la société requérante le bénéfice du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2012 ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Lytess n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Lytess est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Lytess et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Delesalle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 mars 2017.

Le rapporteur,

S. AubertLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT01618 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01618
Date de la décision : 23/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : BRINDEL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-03-23;15nt01618 ?
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