Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 10 janvier 2013 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours administratif formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Libreville (Gabon) du 3 septembre 2012 refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour à son fils allégué C...D...au titre du regroupement familial.
Par un jugement n° 1301968 du 15 juillet 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 septembre 2015 et un mémoire enregistré le 3 mars 2017, Mme D..., représentée par Me B...F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 juillet 2015 ;
2°) d'annuler la décision du 10 janvier 2013 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
elle peut solliciter la délivrance d'un visa de long séjour pour son fils conformément aux dispositions du 1° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
elle a apporté tous les justificatifs nécessaires établissant que le jeune C...D...est bien son fils ; qu'elle justifie, par ailleurs, contribuer régulièrement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant avec lequel elle est en relation constante ; que compte tenu de sa présence en France ainsi que de ses quatre frères et soeurs, la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant de 1989 ;
Par un mémoire en défense, enregistrés le 2 décembre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que qu'aucun des moyens soulevés par Mme D...n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code civil ;
le code de la famille congolais ;
le code de justice administrative
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeD..., de nationalité congolaise, est entrée en France en avril 2002 ; qu'elle a déposé le 20 novembre 2010 une demande de regroupement familial pour le jeune C...D..., né le 3 avril 1995 à Kinshasa, qu'elle présente comme son fils ; que cette demande a été acceptée par le préfet du Val de Marne par une décision du 10 mai 2012 ; que, le 31 août 2012, Mme D...a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour au profit de cet enfant auprès des autorités consulaires françaises à Libreville ; que cette demande a été rejetée par une décision du 3 septembre 2012 ; que, par une décision du 10 janvier 2013, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par Mme D...contre la décision consulaire ; que Mme D...relève appel du jugement du 15 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à la délivrance d'une carte de séjour temporaire, est inopérant à l'encontre d'une décision de refus de visa dès lors que ce texte ne constitue pas le fondement légal de la décision contestée ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ;
4. Considérant que, lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'administration n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin, que pour un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère probant des actes produits ; que le refus de visa opposé à Mme D...est fondé sur le motif tiré du caractère apocryphe du document d'état civil de l'intéressé ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 96 du code de la famille congolais " Après lecture et traduction éventuelle, les actes sont signés par l'officier de l'état civil, par les comparants et les témoins, s'il y en a, et si une ou des personnes ne savent signer, ou bien elles posent leurs empreintes digitales au lieu de leur signature ou bien mention est faite de la cause qui les a empêchées de signer. " ; qu'aux termes de l'article 98 du même code : " Sauf dispositions spéciales prévues par la loi, les actes de l'état civil doivent être rédigés dans le délai d'un mois du fait ou de l'acte juridique qu'ils constatent. / Passé le délai légal, l'acte de l'état civil n'a que la valeur probante de simples renseignements; toutefois, il en sera autrement s'ils sont inscrits au registre en vertu d'un jugement déclaratif ou supplétif. " ;
6. Considérant que pour établir le lien de filiation avec le jeuneC..., Mme D... a produit un acte de naissance n° 261 établi le 26 avril 2010 par la commune de Kalamu à Kinshasa sur la base de la déclaration de MmeH... ; que toutefois, compte- tenu du délai de quinze ans séparant la naissance de la déclaration, cet acte n'a, conformément aux dispositions précitées de l'article 98 du code de la famille congolais, que simple valeur de renseignements et ne saurait avoir une valeur probante suffisante en l'absence d'inscription au registre en vertu d'un jugement déclaratif ou supplétif ; que si Mme D...a produit un deuxième acte de naissance établi le 5 octobre 2012 suivant jugement supplétif du 3 octobre 2012 rendu par le tribunal de grande instance de Kinshasa-Kalamu, il n'est pas contesté qu'il a été délivré en méconnaissance du droit local qui prévoit qu'un acte d'état civil ne peut être dressé sur la base d'un jugement supplétif qu'une fois que le délai d'appel de ce jugement a expiré ; que si l'intéressée se prévaut alors d'un troisième acte de naissance établi le 18 février 2013 sur le fondement du même jugement supplétif et d'un certificat de non-appel rendu le 1er février 2013 par la cour d'appel de Kinshasa-Gombe, la requérante n'établit pas les conditions dans lesquelles la même autorité a pu établir ce nouvel acte, quatre mois seulement après avoir établi le précédent qu'elle présentait pourtant comme authentique ; que ce dernier acte ne comporte pas, en tout état de cause, la signature du déclarant en méconnaissance des dispositions de l'article 96 du code de la famille congolais ; que, dans ces conditions, il ne saurait présenter un caractère probant suffisant pour établir le lien de filiation ; que ni le certificat de naissance établi en 1997 émanant du centre mère-enfant de Kinshasa, ni l'attestation de l'association Imani ne sont de nature à établir la filiation alléguée ; qu'enfin, les autres documents produits, à savoir des copies de SMS échangés entre 2012 et 2015 et un tableau récapitulatif de mandats et copie de mandats envoyés entre 2009 et 2015 ne sont pas suffisants pour établir l'existence du lien de filiation par la possession d'état avec celui que la requérante présente comme son fils alors qu'elle en est séparée depuis une dizaine d'années ;
7. Considérant, enfin, qu'à défaut d'établissement de la filiation entre la requérante et le jeuneC..., les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations, d'une part de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et d'autre part de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, à supposer même que la requérante ait entendu invoquer ce dernier article, ne peuvent qu'être écartés ; qu'en tout état de cause, la requérante ne peut se prévaloir des stipulations de l'article 9 de cette dernière convention qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux particuliers ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par Mme D...à ce titre ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- Mme Buffet, premier conseiller,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 mars 2017.
Le rapporteur,
M. G...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02822