Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...et la MACIF ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Sarthe à verser, d'une part, à la MACIF la somme de 109 280 euros au titre de l'indemnisation des sinistres consécutifs à l'incendie de la maison de M.A..., et d'autre part, à M. A...la somme de 4 630 euros au titre des préjudices subis du fait de l'incendie de sa maison.
Par un jugement n° 1210224 du 12 novembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a condamné le SDIS de la Sarthe à verser à la MACIF la somme de 98 262 euros et à M. A...la somme de 90 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 janvier 2015 et le 6 octobre 2016, le SDIS de la Sarthe, représenté par Me Phelip, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 novembre 2014 ;
2°) de rejeter les demandes formées par M. A...et la MACIF devant le tribunal administratif de Nantes ;
3°) de mettre à la charge solidaire de M. A...et de la MACIF la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le SDIS n'a commis aucune faute lors de sa première intervention chez M.A..., pour l'incendie dans la cheminée ;
- la faute commise par M.A..., qui a caché au SDIS l'existence d'un accès à la deuxième partie des combles, doit exonérer le SDIS de toute responsabilité ;
- pour calculer le montant de l'indemnité, le tribunal s'est fondé à tort sur la somme versée par la MACIF à son assuré pour les deux incendies ;
- l'indemnité ne doit pas être calculée sur la valeur à neuf des biens, de sorte que le recours de la MACIF doit être limité à la somme de 85 703 euros.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 18 mars 2015 et le 28 novembre 2016, M. A...et la MACIF Loire Bretagne concluent au rejet de la requête et demandent la condamnation du SDIS de la Sarthe, d'une part, à verser à la MACIF la somme de 109 180 euros, d'autre part, à verser à M. A...la somme de 4 630 euros, et enfin aux dépens. Ils demandent également que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge du SDIS en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ainsi que l'a jugé le tribunal, le SDIS a commis une faute, qui engage sa responsabilité ;
- l'abattement de vétusté s'applique en matière contractuelle mais pas en matière de responsabilité délictuelle.
Par ordonnance du 13 décembre 2016, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rimeu,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de Me Phelip, avocat du SDIS de la Sarthe, et celles de Me Renou, avocat de M. A...et de la MACIF Loire Bretagne.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 23 février 2011, un incendie s'est déclaré dans la cheminée à foyer fermé de la maison de M.A..., située dans la commune d'Arçonnay ; que les sapeurs-pompiers sont intervenus à 12h46 et ont éteint le feu dans l'insert ; qu'ils ont quitté les lieux à 14h41 ; qu'un nouvel incendie s'est déclaré plus tard, le même jour, sur la toiture de la maison, provoquant d'importants dégâts ; que M.A..., estimant que ce second incendie avait été rendu possible par un défaut de surveillance et de contrôle des sapeurs-pompiers, a sollicité une expertise, qui a été ordonnée par le président du tribunal administratif de Nantes le 29 août 2011 et dont le rapport a été déposé au greffe de ce tribunal le 11 janvier 2012 ; que M. A...et son assureur, la MACIF, ont ensuite demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Sarthe à réparer les conséquences dommageables de ce second incendie et à verser à ce titre, d'une part la somme de 109 280 euros à la MACIF, et d'autre part la somme de 4 630 euros à M.A... ; que le SDIS de la Sarthe relève appel du jugement du 12 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a condamné à verser la somme de 98 262 euros à la MACIF et la somme de 90 euros à M.A... :
Sur la responsabilité du SDIS de la Sarthe :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : " Les services d'incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. / Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : / 1° La prévention et l'évaluation des risques de sécurité civile ; / 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l'organisation des moyens de secours ; / 3° La protection des personnes, des biens et de l'environnement ; / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que le second incendie a pour origine un point chaud le long de la gaine distribuant l'air chaud, résultant du premier incendie ; que ce point chaud située dans une partie des combles de la maison a généré une combustion spontanée, retardée, lente et masquée du bois de la charpente suivie d'un embrasement très rapide lié à l'enrichissement brutal en oxygène ;
4. Considérant qu'il incombe aux services de secours et de lutte contre l'incendie de prendre toute mesure de vérification et de contrôle destinée à prévenir le risque d'une reprise de feu ; qu'il résulte de l'instruction que si les sapeurs-pompiers ont, après le premier incendie, effectué plusieurs reconnaissances des étages de la maison et procédé à plusieurs contrôles et refroidissements des points chauds constatés sur le conduit de la cheminée, notamment dans la partie accessible des combles, ils n'ont procédé à aucune inspection de la partie des combles de la maison dans laquelle s'est déclaré le second incendie ; que si l'expert a conclu que les moyens mis en oeuvre par le SDIS à l'issu du premier incendie répondaient aux habitudes opérationnelles pour les feux de cheminée, il résulte de l'instruction que le conduit de cheminée se trouvait, à l'étage supérieur, entre la partie accessible des combles, que les sapeurs-pompiers ont contrôlée, et la partie plus difficilement accessible de ces combles dans laquelle ils ne sont pas allés ; que dès lors que l'incendie s'était déclaré dans le conduit de cheminée, il incombait aux services d'incendie de contrôler ensuite tout le pourtour de ce conduit ; que si M. A...n'a pas indiqué aux services d'incendie comment il était possible d'accéder à cette partie des combles, il n'est pas contesté que l'existence de ces combles était visible ; que s'il n'incombait pas aux services d'incendie, pour ce type de feu, de procéder à des destructions afin d'accéder à l'ensemble des espaces du bâtiments, il ne résulte pas de l'instruction que les services d'incendie aient interrogé M. A...sur la possibilité d'accéder à cette seconde partie des combles ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en ne contrôlant pas une partie des combles jouxtant le conduit dans lequel s'était déclaré le premier incendie, le service d'incendie et de secours de la Sarthe a manqué à ses obligations de prévenir tout risque de feu et a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
5. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que M. A...n'a pas facilité l'accès des sapeurs-pompiers à la partie des combles dans laquelle le second incendie s'est déclaré, voire même, s'est montré réticent à les laisser y accéder, puisqu'il a omis de leur indiquer qu'il existait un accès par une grange attenante à la maison ; que M. A...a lui-même visité cette partie des combles après le premier incendie, mais sans en informer les sapeurs-pompiers, révélant ainsi qu'il avait conscience de l'importance que pouvait revêtir l'inspection de cette partie de la maison ; que, dans ces conditions, M. A...a commis une faute de nature à exonérer le SDIS d'une partie de sa responsabilité, qui doit être évaluée à 50% ;
Sur les préjudices subis :
6. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la somme de 109 180 euros versée par la MACIF à M. A...indemnise les conséquences dommageables des deux incendies et non seulement celles du second incendie, qui est le seul qui résulte, partiellement, de la faute commise par le SDIS de la Sarthe ; qu'il résulte de l'instruction que les dommages résultant du premier incendie indemnisés par la MACIF s'élèvent à la somme de 10 657 euros ; que la somme versée par la MACIF pour les dommages subis du fait du second incendie s'élève donc à 98 623 euros ;
7. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que cette somme de 98 623 euros n'indemnise pas la vétusté des biens mobiliers, pour laquelle la somme de 4 530 euros a été laissée à la charge de M.A... ; que pour ce qui est des bâtiments, le SDIS ne peut utilement se prévaloir de son contrat d'assurance et d'un accord qui aurait été conclu entre son assureur et la MACIF pour soutenir qu'un abattement de vétusté devrait être appliqué au montant des sommes dues à la MACIF ;
8. Considérant, enfin, que si M. A...reprend ses conclusions tendant à la condamnation du SDIS de la Sarthe à lui verser la somme de 4 530 euros correspondant au montant de la vétusté de son mobilier déduit par l'expert afin de déterminer la valeur réelle des biens détruits à la date de l'incendie, aucun argument ne vient au soutien de cette demande ; que, notamment, il n'établit ni n'allègue, pas plus que devant les premiers juges, que l'application d'un abattement de vétusté ou les modalités de calcul de la vétusté retenues seraient, pour chacun des objets mobiliers concernés, erronées ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et de la faute exonératoire de M. A...fixée, au point 5, à 50%, que les sommes mises à la charge du SDIS de la Sarthe par le jugement attaqué doivent être ramenées à 50 euros pour M. A...et à 49 311,50 euros pour la MACIF ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la MACIF Loire Bretagne et M.A..., partie perdante pour l'essentiel en appel dans la présente instance ;
11. Considérant en revanche qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la MACIF Loire Bretagne la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le SDIS de la Sarthe et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La somme de 98 262 euros que le service départemental d'incendie et de secours de la Sarthe a été condamné à verser à la MACIF par le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 novembre 2014 est ramenée à 49 311,50 euros.
Article 2 : La somme de 90 euros que le service départemental d'incendie et de secours de la Sarthe a été condamné à verser à M. A...par le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 novembre 2014 est ramenée à 50 euros.
Article 3 : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 novembre 2014 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire aux articles 1 et du 2 du présent arrêt.
Article 4 : La MACIF Loire Bretagne versera au service départemental d'incendie et de secours de la Sarthe la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours de la Sarthe, à la MACIF Loire Bretagne et à M. B...A....
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 février 2017.
Le rapporteur,
S. RIMEULe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au préfet de la Sarthe en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00336