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02/02/2017 | FRANCE | N°15NT01827

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 02 février 2017, 15NT01827


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...Salaün et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1304427 du 15 avril 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 15 juin 2015, le 30 décembr

e 2015 et le 13 mai 2016, M. Salaün et MmeA..., représentés par MeD..., demandent à la cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...Salaün et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1304427 du 15 avril 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 15 juin 2015, le 30 décembre 2015 et le 13 mai 2016, M. Salaün et MmeA..., représentés par MeD..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 avril 2015 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'imposition contestés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la distance séparant leur domicile du lieu de travail de M. Salaün doit être regardée comme normale dès lors que le nombre de kilomètres parcourus de manière hebdomadaire correspond approximativement à celui qu'un contribuable peut déduire, sans avoir à en justifier le caractère normal, en application du 3° de l'article 83 du code général des impôts, à raison de quatre-vingts kilomètres par jour, cinq jours par semaine ;

- ils justifient de circonstances particulières de nature à permettre la déduction, au titre des frais réels, des dépenses de trajet exposées chaque fin de semaine ;

- les paragraphes 4 et 5 de l'instruction 5 F-2542 du 10 février 1999 admettent la prise en compte de l'évolution des comportements sociaux et des conditions d'emploi des salariés ;

- selon la réponse ministérielle E...publiée le 23 août 2001 et l'instruction 5 F-18-01 du 13 septembre 2001, l'administration doit faire preuve de tolérance dans son appréciation des circonstances invoquées par un contribuable ;

- dans l'instruction 5 F-9-92 du 21 février 1992, le paragraphe 18 de l'instruction 5 F-1-99 du 30 décembre 1998 et le paragraphe 5 de l'instruction 5 F-2542 du 10 février 1999, l'administration admet le motif tiré d'une mutation consécutive à une promotion, d'un déménagement de l'entreprise ou tout autre motif de déplacement professionnel indépendant de la volonté du salarié ;

- l'instruction 5 F-8-94 du 8 juillet 1994, le paragraphe 18 de l'instruction 5 F-1-99 du 30 décembre 1998, le paragraphe 5 de l'instruction 5 F-2542 du 10 février 1999, le paragraphe 4 de l'instruction 5 F-15-07 du 3 mai 2007 et les paragraphes 30, 40 et 80 du BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 du 12 septembre 2012 admettent le motif tiré de la difficulté de trouver un emploi à proximité du domicile ;

- l'instruction 5 F-9-92 du 21 février 1992, le paragraphe 5 de l'instruction 5 F-2542 du 10 février 1999 et le paragraphe 60 du BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 du 12 septembre 2012 admettent le motif tiré du caractère précaire de l'emploi ;

- les paragraphes 30, 40 et 80 du BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 du 12 septembre 2012 admettent les circonstances résultant de contraintes familiales ou sociales ;

- le paragraphe 90 du BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 du 12 septembre 2012 prend en compte l'exercice par le conjoint d'une activité professionnelle à proximité du domicile commun ;

- le paragraphe 6 de l'instruction 5 F-15-07 du 3 mai 2007 prend en compte l'assistance apportée par le contribuable à ses parents compte tenu de leur âge et de leur état de santé précaire ;

- le paragraphe 6 de l'instruction 5 F-2542 du 10 février 1999 prend en compte l'exercice de fonctions électives sur le territoire du lieu de résidence ;

- selon le paragraphe 7 de l'instruction 5 F-15-07 du 3 mai 2007 et le paragraphe 20 du BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 du 12 septembre 2012, le dépassement de quelques kilomètres de la règle des quarante kilomètres ne fait pas perdre le bénéfice de la déduction des frais réels engagés ;

- selon les paragraphes 4 et 5 de l'instruction 5 F-2542 du 10 février 1999 et la réponse ministérielle Bajeuf du 20 janvier 1982, la distance quotidienne admise peut être globalisée et utilisée pour un aller-retour hebdomadaire.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 octobre 2015, le 22 janvier 2016 et le 26 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que dans les déclarations de revenus qu'ils ont souscrites au titre des années 2009, 2010 et 2011, M. Salaün et Mme A...ont porté en déduction, pour leur montant réel, les dépenses engagées par M. Salaün au cours de ces trois années pour effectuer les trajets, chaque fin de semaine, entre Ploufragan (Côtes d'Armor), commune où le foyer réside, et Evron (Mayenne), localité distante d'environ 220 kilomètres dans laquelle le requérant exerce ses fonctions de conseiller principal d'éducation au sein d'un établissement scolaire depuis septembre 2002 ; qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause la déduction de ces frais réels et y a substitué la déduction forfaitaire ; que M. Salaün et Mme A... ont, en conséquence, été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2009, 2010 et 2011 ; qu'ils relèvent appel du jugement du 15 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions ;

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 83 du code général des impôts : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (....) / 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut (...) ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu. (...) Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels, (...). Les frais de déplacement de moins de quarante kilomètres entre le domicile et le lieu de travail sont admis, sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels. Lorsque la distance est supérieure, la déduction admise porte sur les quarante premiers kilomètres, sauf circonstances particulières notamment liées à l'emploi justifiant une prise en compte complète. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, d'une part, les frais de déplacement exposés au cours d'une journée par les contribuables pour se rendre à leur lieu de travail et en revenir sont réputés, dans la limite de quarante kilomètres, inhérents à leur fonction ou à leur emploi et doivent, par suite, lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales et sous réserve de leur justification, être admis en déduction de leur revenu et que, d'autre part, revêtent le caractère de frais professionnels, déductibles en vertu des mêmes dispositions, les dépenses qu'un contribuable, occupant un emploi dans une localité éloignée de celle où la résidence de son foyer est établie, doit exposer tant pour se loger à proximité du lieu de son travail que pour effectuer périodiquement les trajets entre l'une et l'autre localités dès lors que la double résidence ne résulte pas d'un choix de simple convenance personnelle, mais est justifiée par une circonstance particulière ;

4. Considérant, en premier lieu, que ces dispositions, qui se rapportent à des trajets quotidiens, n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer un caractère déductible, en cas de double résidence, à des dépenses de trajets hebdomadaires dont la distance équivaudrait au nombre total de kilomètres effectués au cours d'une semaine à raison d'un aller-retour de quatre-vingts kilomètres par jour pendant cinq jours ; que, dès lors, M. Salaün et Mme A...ne sauraient utilement se prévaloir de ce que la distance parcourue par M. Salaün est équivalente à celle admise en déduction, sans justification de circonstance particulière, par l'administration fiscale ;

5. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. Salaün, conseiller principal d'éducation exerçant jusqu'alors ses fonctions à Saint-Brieuc, a été affecté à Evron en septembre 2002 et que Mme A...a cessé toute activité professionnelle à compter de 2005 ; que les requérants ont toutefois maintenu leur domicile à Ploufragan, commune située à 220 kilomètres d'Evron ; que l'emploi occupé par M. Salaün, fonctionnaire titulaire, ne revêtait pas un caractère précaire ou temporaire, la circonstance que l'intéressé a, chaque année, formé une demande de mutation dans l'académie de Rennes et tenté de trouver un emploi à proximité de son domicile étant, à cet égard, sans incidence ; que si les requérants invoquent la situation de la mère de M. Salaün, veuve et âgée, ils ne produisent aucune pièce de nature à démontrer que l'état de santé de cette dernière aurait exigé, entre 2009 et 2011, l'assistance de son fils alors, au demeurant, qu'elle résidait à Landerneau, soit à environ 120 kilomètres de Ploufragan et que, eu égard aux horaires de travail de M. Salaün, résidant pendant la semaine à Evron, et à la durée des trajets, sa présence auprès de sa mère ne pouvait qu'être limitée ; qu'enfin, les activités politiques et associatives de M. Salaün, qui, s'agissant des années 2009 à 2011, se limitaient à sa participation à une commission d'aménagement et d'urbanisme et à la préparation des élections municipales, ne sauraient constituer, en l'espèce, une circonstance particulière justifiant le maintien du domicile à Ploufragan ; qu'ainsi, M. Salaün et MmeA..., qui ne justifient d'aucune circonstance particulière qui les auraient empêchés de fixer leur résidence principale à proximité du lieu de travail de M. Salaün, doivent être regardés comme ayant maintenu leur résidence à Ploufragan par convenance personnelle ; que, par suite, les frais exposés pour les trajets effectués entre Ploufragan et Evron ne présentent pas le caractère de frais professionnels déductibles du revenu, pour leur montant réel, en application des dispositions du 3° de l'article 83 du code général des impôts ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

6. Considérant, en premier lieu, que M. Salaün et Mme A...ne sont pas fondés à se prévaloir des instructions administratives publiées le 12 septembre 2012 au Bulletin officiel des finances publiques-impôts sous les références BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 et BOI-BNC-BASE-40-60-40-10 qui sont postérieures aux années d'imposition en litige ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la réponse ministérielle à M.E..., sénateur, publiée le 23 août 2001 et reprise dans l'instruction administrative 5 F-18-01 du 13 septembre 2001 selon laquelle l'administration fiscale doit apprécier de façon bienveillante les circonstances invoquées par les contribuables pour justifier la distance séparant le domicile du lieu de travail, constitue une simple recommandation donnée à l'administration ; que, dès lors, elle ne peut être regardée comme une interprétation du texte fiscal ;

8. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les paragraphes 4 et 5 de l'instruction 5 F-2542 du 10 février 1999 et la réponse ministérielle Bajeuf du 20 janvier 1982 ne prévoient pas la possibilité de déduire, à titre de frais réels, le coût d'un aller-retour hebdomadaire effectué entre le domicile et le lieu de travail d'une distance équivalente à cinq allers-retours effectués quotidiennement au cours d'une semaine ; qu'en outre, en l'absence de trajets quotidiens effectués sur une distance de l'ordre de quarante kilomètres, M. Salaün et Mme A...ne sont pas fondés à se prévaloir du paragraphe 7 de l'instruction 5 F-15-07 du 3 mai 2007 selon lequel le dépassement de quelques kilomètres de la règle des quarante kilomètres ne fait pas perdre le bénéfice de la déduction des frais réels de déplacement engagés ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit au point 5 du présent arrêt qu'au cours des années 2009 à 2011, M. Salaün n'exerçait aucune fonction élective et n'était pas dans une situation professionnelle précaire ou temporaire ; qu'en outre, il n'est pas établi que les requérants assistaient la mère de M. Salaün, âgée et de santé fragile ; que, dans ces conditions, ils n'entrent pas dans les prévisions de l'instruction 5 F-9-92 du 21 février 1992, des paragraphes 4, 5 et 6 de l'instruction 5 F-2542 du 10 février 1999 et du paragraphe 6 de l'instruction 5 F-15-07 du 3 mai 2007 ;

10. Considérant, enfin, que l'instruction 5 F-9-92 du 21 février 1992, le paragraphe 5 de l'instruction 5 F-2542 du 10 février 1999 et le paragraphe 60 du BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 du 12 septembre 2012, qui admettent le motif tiré du caractère précaire de l'emploi, et l'instruction 5 F-8-94 du 8 juillet 1994, le paragraphe 18 de l'instruction 5 F-1-99 du 30 décembre 1998, le paragraphe 5 de l'instruction 5 F-2542 du 10 février 1999, le paragraphe 4 de l'instruction 5 F-15-07 du 3 mai 2007 et les paragraphes 30, 40 et 80 du BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 du 12 septembre 2012, qui admettent le motif tiré de la difficulté de trouver un emploi à proximité du domicile, ne comportent pas une interprétation de la loi différente de celle dont il vient d'être fait application ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Salaün et MmeA... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. Salaün et Mme A...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Salaün et Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...Salaün, à Mme B...A...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,

- M. Delesalle, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 février 2017.

Le rapporteur,

K. Bougrine Le président,

S. Aubert

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT01827


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01827
Date de la décision : 02/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme AUBERT
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SELARL AVOXA RENNES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-02-02;15nt01827 ?
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