Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'union mutualiste " Mutualité Retraite " a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 108 652 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2011, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'illégalité fautive de l'autorisation de licenciement de M. B....
Par un jugement n° 1201570 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à l'union mutualiste " Mutualité Retraite " la somme de 54 481,18 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2011.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 7 avril 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 février 2015 en tant qu'il a fixé à 54 481,18 euros le montant de l'indemnité que l'Etat doit verser à l'union mutualiste " Mutualité Retraite " ;
2°) de procéder à un partage de responsabilité entre l'Etat et l'union mutualiste " Mutualité Retraite ", l'Etat ne pouvant être condamné à réparer plus de la moitié des préjudices relatifs aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au préjudice moral et à la perte de salaire ;
Il soutient que :
- la responsabilité de l'Etat n'est pas contestée du fait de l'illégalité fautive de la décision autorisant le licenciement ;
- l'Etat ne saurait être entièrement et exclusivement tenu pour responsable des chefs de préjudice résultant du versement à M. B... de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour préjudice moral et pour pertes de salaire compte tenu des propres négligences de l'union mutualiste ;
Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 octobre 2015 et le 3 novembre 2016, l'union mutualiste " Mutualité Retraite ", représentée par Me D...et par MeC..., conclut au rejet du recours, et, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour que le jugement attaqué soit réformé en condamnant, sous astreinte, l'Etat à lui verser la somme totale de 108 652 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2011 dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans tous les cas, que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens du ministre n'est fondé et que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les préjudices résultant du versement de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité de préavis, des indemnités de congés payés sur rappel de salaires et préavis et du rappel de salaire pour la période de mise à pied étaient sans lien de causalité direct et certain avec la faute de l'Etat en méconnaissance des dispositions de l'article L.2422-4 du code du travail ; que les frais de procédures auxquels elle été condamnée devant les prud'hommes sont également en lien avec la faute commise par l'Etat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...'hirondel,
- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., représentant l'union mutualiste " Mutualité Retraite ".
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la décision de l'inspecteur du travail du 25 mars 2004, l'union mutualiste " Mutualité Retraite " a procédé au licenciement pour faute à compter du 6 avril 2004 de M.B..., qui avait la qualité de salarié protégé ; que le ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique, a confirmé, par une décision du 5 août 2004, la décision de l'inspecteur du travail ; que, par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 décembre 2005 confirmé en appel par un arrêt de la cour du 27 décembre 2007, la décision du ministre a été annulée au motif qu'il ne pouvait être retenu à l'encontre du salarié une faute suffisamment grave de nature à justifier un licenciement pour faute ; que le conseil de prud'hommes de Nantes, par un jugement du 30 août 2010, a condamné l'union mutualiste à verser à M. B...les sommes de 3 720,99 euros correspondant au rappel de salaires pour la période de mise à pied, de 12 003,60 euros au titre de l'indemnité de préavis, de 1 572,46 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur rappel de salaire et préavis, de 23 157,94 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de 11 481, 18 euros au titre d'indemnisation pour perte de salaire, de 23 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif sans cause réelle et sérieuse, et de 20 000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral, représentant un total de 94 936,17 euros ; que ces sommes ont été assorties des intérêts légaux à compter du 5 août 2004 pour celles à caractère salarial et à compter du 2 mars 2009 pour celles relatives aux dommages-intérêts, ces intérêts produisant eux-mêmes intérêts conformément à l'article 1154 du code civil ; qu'il a, en outre, condamné l'union mutualiste à verser à l'intéressé une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; que par un jugement du 3 février 2015, dont le ministre chargé du travail demande la réformation, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à l'union mutualiste " Mutualité Retraite " la somme de 54 481,18 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2011 en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'illégalité fautive de la décision du 5 août 2004 ; que, par la voie de l'appel incident, l'union mutualiste " Mutualité Retraite " demande à la cour de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 108 652 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2011 ;
Sur les conclusions d'appel principal :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2422-4 du code du travail : " Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. / L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. / Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire. " ;
3. Considérant que l'illégalité de la décision autorisant le licenciement de M. B... a été constatée par un jugement passé en force de chose jugée ; que cette illégalité, à supposer même qu'elle soit imputable à une simple erreur d'appréciation, a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique ; que si les dispositions précitées du code du travail obligent l'employeur à indemniser le salarié protégé pour la période pendant laquelle il a été illégalement exclu, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce que cet employeur se retourne contre l'Etat pour se faire rembourser les sommes ainsi versées au salarié sous la réserve qu'il n'ait pris aucune part à l'illégalité de l'autorisation de licenciement donnée par l'administration ; qu'enfin, et sous la même réserve, l'employeur peut également rechercher par la voie d'une action directe la réparation des autres préjudices directs et certains résultant pour lui de cette illégalité ;
4. Considérant qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, d'apprécier, après instruction de la demande, si les fautes reprochées au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; que le ministre chargé du travail n'établit pas, ni même n'allègue, que l'union mutualiste " Mutualité Retraite ", lorsqu'elle a saisi l'administration de la demande d'autorisation de licenciement pour faute de M. B..., aurait usé de manoeuvres destinées à altérer son pouvoir d'appréciation lors de l'examen de cette demande ; que cette faute ne saurait être constituée par la seule circonstance que l'union mutualiste aurait, elle-même, mal apprécié l'importance des faits qu'elle imputait à M. B... en procédant à son licenciement ; que par suite, en l'absence de toute faute pouvant être retenue à l'encontre de l'union mutualiste, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a mis entièrement à la charge de l'Etat les sommes de 11 481,18 euros au titre de l'indemnisation pour perte de salaire versée entre le 6 avril 2004 et le 2 novembre 2004, date à laquelle M. B...a trouvé un nouvel emploi, de 23 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif sans cause réelle et sérieuse et de 20 000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral, qui avaient été supportées par l'union mutualiste suivant le jugement précité du conseil de prud'hommes, dès lors que le versement de ces indemnités constituent pour elle un préjudice qui a un lien direct et certain avec l'illégalité fautive de la décision du ministre du 5 août 2004 ;
Sur les conclusions d'appel incident :
5. Considérant, en premier lieu, que l'union mutualiste " Mutualité Retraite " demande à la Cour, de condamner également l'Etat à lui verser la somme totale de 40 454,99 euros correspondant à la condamnation prononcée à son encontre par le conseil de prud'hommes au titre de rappel de salaires pour la période de mise à pied (3 720,99 euros), de l'indemnité compensatrice de préavis (12 003,60 euros), des congés payés sur rappel de salaire et préavis (1 572,46 euros) et de l'indemnité conventionnelle de licenciement (23 157,94 euros) ; que l'obligation de verser de telles indemnités n'est pas la conséquence directe de l'illégalité de la décision administrative autorisant le licenciement, mais résulte de l'application des dispositions légales et conventionnelles qui s'imposent à tout employeur qui décide de procéder à un licenciement ; que le versement de ces sommes est ainsi dépourvu de tout lien direct avec la faute invoquée ;
6. Considérant, en second lieu, que le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est également dépourvu de tout lien direct avec la faute constituée par l'illégalité de la décision d'autorisation de licenciement ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'union mutualiste " Mutualité Retraite " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté ces chefs de préjudice ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par l'union mutualiste " Mutualité Retraite " ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue est rejeté.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de l'union mutualiste " Mutualité Retraite " sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de l'union mutualiste " Mutualité Retraite " tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue, à l'union mutualiste " Mutualité Retraite " et à M. B....
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Millet, président,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er février 2017.
Le rapporteur,
M. E...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT01106