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19/01/2017 | FRANCE | N°15NT03652

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 19 janvier 2017, 15NT03652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge ou, à titre subsidiaire, la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n°1301726 du 30 septembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements de cotisations supplémentaires de " prélèvem

ents sociaux " prononcés par le directeur régional des finances publiques de Bretagne et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge ou, à titre subsidiaire, la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n°1301726 du 30 septembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements de cotisations supplémentaires de " prélèvements sociaux " prononcés par le directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine au titre des années 2009 et 2010 (article 1er), a déchargé M. et Mme C...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2009 et 2010 à concurrence des sommes résultant de l'application de l'article 200 quater B du code général des impôts (article 2) et a rejeté le surplus de la demande (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 décembre 2015 et les 23 mai et 10 octobre 2016, M. et MmeC..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 septembre 2015 ;

2°) de prononcer la décharge ou, à titre subsidiaire, la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010 restant à leur charge.

3°) de condamner l'Etat à leur verser des intérêts moratoires ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration a méconnu les dispositions du 1° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales et de l'article 170 bis du code général des impôts dès lors, d'une part, qu'elle n'a pas établi, avant d'envoyer des mises en demeure du 26 septembre 2011, que M. C...était soumis à une obligation déclarative en France en raison de sa domiciliation fiscale au sens de l'article 4 B du code général des impôts et que M. et Mme C...n'étaient ainsi pas tenus de déposer une déclaration de revenu global, d'autre part, que les deux mises en demeure sont irrégulières ; les requérants se prévalent des instructions mentionnées au BOI-IR-DECLA-20-10-10 n° 10 et 20 et au BOI-CF-IOR-50-20 n°40 ;

- M.C..., ressortissant de l'Ile de Jersey, ne peut être qualifié de résident fiscal français au sens de l'article 4 du code général des impôts dès lors que son lieu de résidence habituelle et permanente se situe à Jersey, qu'il n'a effectué que de très courts séjours en France au cours des années en litige, qu'il n'y exerce aucune activité professionnelle et n'y dispose pas de son centre d'intérêts économiques ; les requérants se prévalent de l'instruction 5 B 1121 paragraphes 3 et 5 du 1er septembre 1999 ainsi que de la directive n°83/182 CEE ;

- ils devaient faire l'objet d'une imposition distincte en application du 4 de l'article 6 du code général des impôts, dès lors, d'une part, que leur mariage n'est pas opposable en France, d'autre part, qu'en tout état de cause, ils sont mariés sous le régime de la séparation de biens et vivent sous des toits distincts ; ils se prévalent de l'instruction BOI-IR-CHAMP-20-20-10 n° 50 du 26 mars 2014 ainsi que de l'instruction 5 B-28-05 du 14 octobre 2005 n° 10 à 14 ;

- ils se prévalent de l'autorité de la chose jugée par le tribunal de police de Saint Malo, le 3 février 2014, qui constate que M. C...est resté un résident de Jersey, en application de l'instruction BOI-CTX-DG-20-30-40 n°30 ;

- qu'aucune mise en demeure n'ayant été adressée personnellement à M.C..., qui est marié sous le régime de la séparation de biens et vit sous un toit distinct, aucun dépôt tardif de déclaration ne peut lui être imputé ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- Mme C...n'a perçu aucun revenu au titre des années 2009 et 2010 et le service ne saurait lui appliquer des pénalités pour dépôt tardif de déclaration ;

- l'administration a méconnu les dispositions des articles 164 A et 164 B du code général des impôts dès lors que M. C...dispose d'une résidence fiscale distincte de son épouse et que ses revenus professionnels en qualité d'électricien font l'objet d'une double imposition, en France et à Jersey ;

- à titre subsidiaire, les seuls revenus perçus par M. C...sont des salaires versés par la société D.I.S Electrical Contractors Ltd, desquels doivent être retranchés les frais réels qu'il a exposés ou, au moins, la déduction forfaitaire de 10 % de frais professionnels ; ils se prévalent des instructions 5 F-1-99 du 30 décembre 1998 n° 32 et 5 F-2542 du 10 février 1999 n°19, du BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 du 12 septembre 2012 n° 90 et 320 et du BOI- RSA-BASE-30-50-30-20 du 27 mars 2014 n° 290 et n° 310 ;

- les montants excédant les salaires retenus par l'administration correspondent à des retraits par M. C...de son compte d'épargne ;

- l'administration a insuffisamment motivé l'application de pénalités pour dépôt tardif des déclarations d'impôt sur le revenu.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 avril et 30 juin 2016, le ministre chargé des finances conclut, dans le dernier état de ses écritures, au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement accordé en cours d'instance, soit une somme globale de 13 848 euros, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que :

- le litige est dépourvu d'objet en tant qu'il porte sur les droits, intérêts de retard et majoration dégrevés ;

- les autres moyens soulevés par M. et Mme C...ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 14 octobre 2016 par une ordonnance du 11 mai 2016.

Un mémoire du ministre de l'économie et des finances, non communiqué, a été enregistré le 7 novembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que M.C..., ressortissant de l'île de Jersey, et MmeC..., son épouse, ressortissante française, ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2009 et 2010 ; qu'en l'absence de déclarations de revenus au titre des années vérifiées dans les délais impartis par deux mises en demeure, ils ont été taxés d'office à l'impôt sur le revenu sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 66 et de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales ; que, par un jugement du 30 septembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de M. et Mme C...à hauteur des impositions dégrevées en cours d'instance, déchargé M. et Mme C...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2009 et 2010 à concurrence des sommes résultant de l'application de l'article 200 quater B du code général des impôts et rejeté le surplus de leur demande ; que M. et Mme C...relèvent appel de ce jugement en tant que le tribunal n'a pas fait intégralement droit à leur demande ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par une décision du 22 avril 2016, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu à hauteur de 1 512 euros au titre de l'année 2009 et de

1 940 euros au titre de l'année 2010 et de contributions sociales à hauteur de 2 915 euros au titre de l'année 2009 et de 7 481 euros au titre de l'année 2010 ; que les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ; que, dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur le principe de l'imposition de M.C... :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française " ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (.en France) " ; que, pour l'application des dispositions du a du 1 de l'article 4 B du code général des impôts, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et que le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'aux cours des années 2009 et 2010, M. C..., qui exerçait une activité professionnelle d'électricien à Jersey, a effectué des séjours réguliers en France, et plus particulièrement durant les congés hebdomadaires, au cours desquels il résidait à La Boussac, dans un immeuble acquis avec MmeC..., son épouse, par la souscription d'un prêt commun immobilier le 23 octobre 2008 auprès d'une agence bancaire française ; que Mme C...habitait cet immeuble avec leur enfant sur lequel M. C... exerce l'autorité parentale ; que, par suite, M. C...doit être regardé comme ayant son foyer en France au sens des dispositions du a du 1 de l'article 4 du code général des impôts ; que, dans ces conditions, et sans que les requérants puissent utilement invoquer le jugement du tribunal de police de Saint-Malo du 3 février 2014 qui précise que M. C... est résident de Jersey au titre de l'année 2012, M. C...était domicilié en Franceau sens de l'article 4 B du code général des impôts pendant les années 2009 et 2010 et y était imposable sur le fondement de l'article 4 A du même code ;

5. Considérant que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la directive n° 83/182 CEE du Conseil du 28 mars 1983 relative aux franchises fiscales applicables à l'intérieur de la Communauté en matière d'importation temporaire de certains moyens de transport, qui n'a pas trait aux impositions en cause et, en tout état de cause, était abrogée ;

6. Considérant que les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir du paragraphe 6 du titre 7 de l'instruction 5 B7 du 1er août 2001 qui précise que " la définition du domicile fiscal s'apprécie au niveau de la personne ; deux conjoints non imposables séparément peuvent ainsi être respectivement domiciliés en France et hors de France. Ils relèvent alors respectivement des dispositions applicables aux personnes domiciliées en France et aux personnes domiciliées hors de France " et renvoie au paragraphe 3 de l'instruction 5 B-1121 du 1er septembre 1999 qui énonce que " si l'un des époux ne répond pas à ces critères, l'obligation fiscale du ménage ne porte que sur : - l'ensemble des revenus de l'époux domicilié... ; - les revenus de source française de l'autre époux sous réserve des conventions internationales ", qui ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application ; que, pour les mêmes motifs, ils ne sont pas non plus fondés à se prévaloir du paragraphe 5 de l'instruction 5 B-1121 du 1er septembre 1999 qui énonce que " D'une manière générale, le foyer s'entend du lieu où les intéressés habitent normalement, c'est-à-dire du lieu de la résidence habituelle, à condition que cette résidence en France ait un caractère permanent. Cette résidence demeure le foyer du contribuable même s'il est amené, en raison des nécessités de sa profession, à séjourner ailleurs temporairement ou pendant la plus grande partie de l'année, dès lors que, normalement, la famille continue d'y habiter et que tous ses membres s'y retrouvent (CE, arrêt du 23 avril 1958, n° 37792, RO, p. 112). Ainsi, les salariés détachés provisoirement à l'étranger par leur entreprise sont normalement considérés comme fiscalement domiciliés en France s'ils ont laissé leur famille dans notre pays. " ;

7. Considérant que les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir des instructions contenues dans le BOI-CTX-DG-20-30-40 n° 30 qui, traitant de questions relatives à la procédure d'imposition, ne constituent pas une interprétation de la loi fiscale ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : /1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus (en France), sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 67 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. (en France) " ;

En ce qui concerne l'obligation déclarative de M. et MmeC... :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 170 du code général des impôts : " 1. En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices, de ses charges de famille et des autres éléments nécessaires au calcul de l'impôt sur le revenu (en France) Lorsque le contribuable n'est pas imposable à raison de l'ensemble de ses revenus ou bénéfices, la déclaration est limitée à l'indication de ceux de ces revenus ou bénéfices qui sont soumis à l'impôt sur le revenu. (en France) / 1 bis. Les époux doivent conjointement signer la déclaration d'ensemble des revenus de leur foyer. (en France) / 4. Le contribuable est tenu de déclarer les éléments du revenu global qui, en vertu d'une disposition du présent code ou d'une convention internationale relative aux doubles impositions ou d'un autre accord international, sont exonérés mais qui doivent être pris en compte pour le calcul de l'impôt applicable aux autres éléments du revenu global. (en France) " et qu'aux termes de l'article 170 bis du même code : " Sont assujetties à la déclaration prévue au 1 de l'article 170, quel que soit le montant de leur revenu : (en France) 4° Les personnes dont la résidence principale présente une valeur locative ayant excédé, au cours de l'année de l'imposition, 150 euros à Paris et dans les communes situées dans un rayon de 30 kilomètres de Paris, 114 euros dans les autres localités. " ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a adressé le 26 septembre 2011 à M. et MmeC..., à leur domicile en France, deux mises en demeure de souscrire une déclaration d'impôt sur le revenu, respectivement au titre des années 2009 et 2010, dont ils ont accusé réception le 28 septembre suivant ; que les contribuables font valoir que l'administration ne pouvait faire application des dispositions combinées du 1° de l'article L. 66 et de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales, pour procéder à la taxation d'office de leurs revenus en raison de la tardiveté, qui n'est pas contestée, de leur réponse à ces mises en demeure, dès lors, d'une part, que l'administration n'a pas établi, préalablement à l'envoi de ces mises en demeure de déposer une déclaration commune de revenus en application des dispositions combinées des articles 170 et 170 bis du code général des impôts, que M. C...était soumis, en raison de sa domiciliation fiscale au sens de l'article 4 B du code général des impôts, à obligation déclarative en France et, d'autre part et subsidiairement, qu'aucune mise en demeure n'a été adressée personnellement à M.C..., alors que, marié sous le régime de la séparation de biens et ne vivant pas sous le même toit que son épouse, il ne pouvait faire l'objet d'une mise en demeure de souscrire une déclaration commune ;

11. Considérant qu'il est constant que Mme C...résidait, avec l'enfant du couple, au lieudit " La Talonnière " situé à La Boussac en France, dans l'immeuble que son mari et elle possédaient en commun depuis le 21 novembre 2008 et dont la valeur locative était supérieure aux montants planchers mentionnés à l'article 170 bis du code général des impôts ; que de telles circonstances, alors même que M. C...exerçait son activité à Jersey, constituaient des indices d'assujettissement à l'impôt sur le revenu de M. et Mme C...en France suffisants pour que l'administration fiscale pût faire application des dispositions combinées des articles 170 et 170 bis du code général des impôts et mettre en demeure les intéressés de souscrire une déclaration de revenus - ce que les requérants ont d'ailleurs fait en procédant, tardivement, à une déclaration commune - alors même, d'une part, que les dispositions de l'article 170 bis du code général des impôts ne sont applicables qu'aux contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts et, d'autre part, qu'en l'espèce, l'obligation déclarative de M.C..., alors retenue par l'administration fiscale, a été confirmée à la suite seulement de l'examen de situation fiscale dont M. et Mme C...ont fait l'objet ; qu'il appartenait seulement aux intéressés, s'ils estimaient ne pas devoir faire l'objet de cette taxation d'office, de démontrer que, comme ils le prétendent, soit ils n'étaient soumis à aucune obligation déclarative, du fait pour M. C...de sa résidence fiscale à Jersey et du fait pour Mme C...de la faiblesse de ses revenus, soit, subsidiairement, ils n'étaient pas soumis à une obligation déclarative commune du fait de leur régime matrimonial de séparation de biens et de leur résidence séparée de fait ;

12. Considérant que les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir des instructions contenues dans le BOI-IR-DECLA-20-10-10 n°10 et 20 qui définissent les personnes tenues de souscrire une déclaration en application des articles 170 et 170 bis du code général des impôts et ne comportent pas d'interprétation différente de la loi fiscale de celle énoncée précédemment ;

En ce qui concerne la régularité en la forme des mises en demeure :

13. Considérant que M. et Mme C...soutiennent que la procédure de taxation d'office est irrégulière dès lors que les mises en demeure des 26 septembre 2011 ne mentionnent pas les indications " des déclarations ou actes dont le dépôt ou la présentation est demandé au contribuable " ; que, toutefois, l'administration n'était pas tenue, à peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, de préciser dans les mises en demeure les motifs de droit ou de fait pour lesquels elle estimait que M. et Mme C...étaient imposables à l'impôt sur le revenu en France et tenus aux obligations déclaratives fixées par les dispositions de l'article 6 du code général des impôts ; qu'en outre, ces mises en demeure, intitulées " impôt sur le revenu, demande de déclaration, mise en demeure " précisaient que l'administration n'avait pas reçu " la déclaration détaillée de vos revenus de l'année 2009 qui aurait dû être déposée pour le 31 mai 2010 " et " la déclaration détaillée de vos revenus de l'année 2010 qui aurait dû être déposée pour le 31 mai 2011 ", que " la production de ces documents constitue une obligation prévue par la loi. Le manquement à cette obligation légale ou le retard à l'accomplir vous expose à des sanctions ", que " cet envoi doit intervenir dans un délai maximum de trente jours à compter de la réception de la présente lettre qui constitue une mise en demeure " et indiquaient au verso les textes applicables ; qu'elles comportaient ainsi des mentions suffisantes pour permettre aux contribuables d'identifier les déclarations à souscrire ainsi que les sanctions encourues en cas de manquement aux obligations légales ; qu'enfin aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de joindre à la mise en demeure de souscrire une déclaration de revenu les imprimés nécessaires ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

14. Considérant que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des instructions contenues dans le BOI-CF-IOR-50-20 n°40 relatif aux indications que doit comporter une mise en demeure, qui, ayant trait à la procédure d'imposition, ne comportent pas une interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

15. Considérant que, par suite, faute de réponse dans les délais impartis à ces mises en demeure qui étaient régulières, l'administration était en droit de procéder à la taxation d'office des sommes qualifiées de revenus d'origine indéterminée ;

En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification :

16. Considérant que M. et Mme C...soutiennent que la proposition de rectification du 20 septembre 2012 est insuffisamment motivée ; que, toutefois, les requérants n'apportent en appel aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée à cet égard par le tribunal administratif de Rennes ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'existence d'une double imposition :

17. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme C...ne sont pas fondés, dès lors que M. C...était domicilié en Franceau sens des dispositions du paragraphe a du 1 de l'article 4 B du code général des impôts, à invoquer les dispositions des articles 164 A et 164 B du code général des impôts qui concernent l'imposition des revenus de source française de personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France ;

18. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 156 et 158 du code général des impôts que les contribuables qui ont leur domicile fiscal en France sont imposables à raison de leur revenu net annuel sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant que les éléments de ce revenu ont eu leur source en France ou hors de France ; que, par ailleurs, l'île de Jersey est un territoire tiers en application de l'article 299 du traité instituant la Communauté européenne, repris à l'article 355 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et n'a pas conclu de convention avec la France tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu ; que M. C...était en conséquence passible de l'impôt sur le revenu en France alors même qu'il a été imposé pour ces mêmes revenus à Jersey par une retenue à la source sur ses salaires ;

En ce qui concerne l'imposition commune de M. et MmeC... :

19. Considérant qu'aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " 1. (...) Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnés au premier alinéa ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention "Monsieur ou Madame". / (...) 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : / a. Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit (...) " ;

20. Considérant, d'une part, que M. et MmeC..., en soutenant que " leur mariage n'est pas opposable en France ", notamment à l'administration fiscale, doivent être regardés comme entendant faire valoir que l'administration fiscale ne peut se fonder sur ce mariage pour procéder à l'imposition commune de leurs revenus ; qu'il est constant que M. et Mme C...se sont mariés en juillet 2000 à Saint-Hélier à Jersey ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a pris en compte ce mariage ;

21. Considérant, d'autre part, que M. et Mme C...soutiennent qu'ils sont mariés sous le régime de la séparation de biens et vivent sous des toits distincts ; que, toutefois, M. C... avait son foyer en France au sens des dispositions du paragraphe a du 1 de l'article 4 du code général des impôts ; qu'ainsi l'obligation dans laquelle M. C...se trouvait de devoir résider à Jersey pour les besoins de son activité professionnelle n'avait pas pour conséquence qu'il vivait sous un toit distinct au sens du a du 4 du 1 de l'article 6 du code général des impôts ; que, dans ces conditions, les revenus de M. et Mme C...relevaient légalement d'une imposition commune ;

22. Considérant que les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir du BOI-IR-CHAMP-20-20-10 n° 50 du 26 mars 2014 qui ne comporte aucune interprétation différente de la loi fiscale dont il est fait application et est au demeurant postérieure à l'imposition primitive et au délai de déclaration, ni de l'instruction 5 B-28-05 du 14 octobre 2005 n°10 à 14 qui concerne les modalités d'imposition des personnes liées par un pacte civil de solidarité ;

En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :

23. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " ;

24. Considérant que M. et Mme C...soutiennent, d'une part, que les sommes de 261,50 euros créditée le 17 mars 2009, de 543,30 euros les 16 et 30 novembre et 14 et 29 décembre 2009, de 571,79 euros les 22 mars, 7 et 28 septembre, 5, 12 et 19 octobre et 9 et 16 novembre 2010 ainsi que de 1 000 livres le 1er octobre 2010 correspondent à des virements entre leurs comptes bancaires, d'autre part, que la somme de 686,15 euros créditée le 26 janvier 2010 correspond à un dépôt en espèce, enfin, que les versements " receipt Jersey Center " constatés sur un compte bancaire les 20 mars, 5 juin, 5 août et 5 septembre 2010 sont des rémunérations au titre de l'activité de pension de chevaux exercée par MmeC... ; que, toutefois, ils ne produisent aucun élément suffisamment probant à l'appui de leurs dires ; qu'ils n'apportent par ailleurs aucun élément en ce qui concerne les quatre crédits bancaires restant injustifiés sur le compte bancaire ouvert au sein de l'établissement bancaire Barclays pour un montant total de 544, 94 euros ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a imposé l'ensemble de ces crédits bancaires en tant que revenus d'origine indéterminée ;

En ce qui concerne la déduction de frais réels :

25. Considérant qu'aux termes de l'article 83 du code général des impôts : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (.en France) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut, après défalcation des cotisations, contributions et intérêts mentionnés aux 1° à 2° quinquies et à l'article 83 bis ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu. (en France) Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels (en France). Les frais de déplacement de moins de quarante kilomètres entre le domicile et le lieu de travail sont admis, sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels. Lorsque la distance est supérieure, la déduction admise porte sur les quarante premiers kilomètres, sauf circonstances particulières notamment liées à l'emploi justifiant une prise en compte complète.(en France) " ;

26. Considérant que revêtent, notamment, le caractère de frais professionnels déductibles en vertu de ces dispositions, les dépenses qu'un contribuable occupant un emploi salarié dans une localité éloignée de celle où la résidence de son foyer est établie doit exposer, tant pour se loger à proximité du lieu de son travail que pour effectuer périodiquement les trajets entre l'une et l'autre localités, dès lors que la double résidence ne résulte pas d'un choix de simple convenance personnelle mais est justifiée par une circonstance particulière ;

27. Considérant qu'il est constant que M. C...est dirigeant salarié depuis 1988 de la société D.I.S Electrical Contractors Limited située à Saint-Hélier à Jersey ; que son contrat de travail n'est ni précaire ni temporaire ; que M. et Mme C...ont habité jusqu'en 2008 sur l'Ile de Jersey ; qu'en 2008, Mme C...a souhaité ouvrir une pension de chevaux et, pour ce motif, s'est installée en France dans la commune de Boussac où elle a acquis, avec

M.C..., un ensemble immobilier ; que, depuis lors, ainsi qu'il a été dit précédemment, le foyer du couple se trouve en France ; qu'à supposé établi que le choix de fixer leur domicile à La Boussac résulte de circonstances particulières, les requérants, par la production de la copie d'un bail conclu pour un logement situé à Jersey pour la période du 6 avril au 6 octobre 2009 avec un loyer mensuel de 900 livres, de copies de relevés de comptes bancaires, d'une attestation des parents de M. C...du 29 avril 2016 et d'une attestation du 6 mai 2016 de " Discovery Bay Apartments " faisant état de paiement pour la période de janvier à mars 2009, enfin de la copie d'un contrat de prêt pour l'achat d'un appartement situé à Saint-Hélier, ces documents n'étant au demeurant pas traduits en français, ne justifient ni de la réalité des frais de loyers dont ils se prévalent à défaut notamment de produire de quittances de loyers ni du montant des intérêts d'emprunt pour l'achat d'un appartement en se bornant à présenter un calcul théorique sans produire le décompte de ces intérêts ; qu'en ce qui concerne les frais de déplacement entre La Boussac et Saint-Hélier, les intéressés n'établissent pas avoir exposé des frais d'un montant supérieur à la déduction forfaitaire de 10 % dont ils ont bénéficié, soit 5 192 euros au titre de l'année 2009 et 6 503 euros au titre de l'année 2010 ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a refusé de faire droit à leur demande de déduction de frais de double résidence et de frais de déplacements de leur revenu global pour les années en litige ;

28. Considérant que M. et Mme C...ne sont pas fondés à se prévaloir des instructions 5 F-1-99 n° 32 du 30 décembre 1998 et 5 F-2542 n° 19 du 10 février 1999, de celles contenues dans le BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 n° 90 et 320 du 12 septembre 2012 et le BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 n° 290 et n° 310 du 27 mars 2014, concernant les frais de double résidence, qui ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application ;

Sur les pénalités :

29. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations. " ; qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (en France) / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (en France) " ;

30. Considérant que la pénalité de 40 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts a été infligée à M. et Mme C...en l'absence de dépôt de déclaration d'impôt sur le revenu pour les années 2009 et 2010 dans le délai de trente jours imparti par les mises en demeure du 26 septembre 2011 ; que la proposition de rectification vise les dispositions légales qui constituent le fondement de la pénalité appliquée, comporte l'indication des motifs qui conduisent l'administration à en faire application et en précise le montant ; que, par ailleurs, l'administration a pu régulièrement infliger cette pénalité faute pour les contribuables d'avoir déféré, dans les trente jours suivant leur réception, aux mises en demeure, notifiées par pli recommandé, dont ils ne contestent pas avoir accusé réception le 28 septembre 2011 et ce, alors même que Mme C...n'aurait perçu aucun revenu au titre des années en litige ;

Sur les intérêts moratoires :

31. Considérant qu'il n'existe aucun litige, né et actuel, entre M. et Mme C...et le comptable chargé du remboursement des impositions litigieuses ; que, dès lors, les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires en vertu des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

32. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme C...une somme à ce titre ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à concurrence du dégrèvement, en droits et pénalités, s'élevant à une somme totale de 13 848 euros, de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2009 et 2010.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. et Mme C...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...C...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 janvier 2017.

Le rapporteur,

L. CholletLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°15NT03652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03652
Date de la décision : 19/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SELARL AVOXA RENNES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-01-19;15nt03652 ?
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