Vu la procédure suivante :
Le 3 juillet 2014, la SAS Direct Distribution, la SARL Sicom 2, la société Groupe Herimo et la SCI IF Béner ont déposé un dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale en vue de créer un ensemble commercial d'une surface de vente totale de 47 475 m² sur le territoire des communes du Mans et d'Yvré-L'Evêque comprenant : - un hypermarché à l'enseigne " E. Leclerc " d'une surface de vente de 14 000 m² - une galerie marchande annexée à l'hypermarché composé de 50 à 60 boutiques, de moins de 300 m² chacune, d'une surface totale de vente de 6 730m² - un mail d'une surface de vente de 850 m² - 6 moyennes surfaces spécialisées dans l'équipement de la personne ou dans l'équipement du foyer ou en culture et loisirs pour un total de 12 750 m² - un magasin de parfumerie d'une surface de vente de 400 m² - 4 moyennes surfaces spécialisées dans l'équipement de la personne ou dans l'équipement du foyer pour un total de 3 130 m² - une moyenne surface spécialisée dans l'équipement de la personne ou en culture et loisirs d'une surface totale de vente de 2 400 m² - une moyenne surface spécialisée dans l'équipement du foyer ou en culture et loisirs d'une surface de vente de 3 410 m² - une moyenne surface spécialisée dans l'équipement de la personne ou dans l'équipement du foyer ou centre automobile d'une surface de vente de 850 m² - et 12 boutiques, de moins de 300 m² chacune, d'une surface totale de vente de 2 955 m².
Par une décision du 2 septembre 2014, la commission départementale d'aménagement commercial de la Sarthe a autorisé les sociétés Direct Distribution, Sicom 2, Groupe Herimo et IF Béner à procéder à la création de cet ensemble commercial.
Les sociétés Molière, sous le numéro 2405 T, la société Sympadis, sous le numéro 2406 T, les sociétés Val de Sarthe, Sport Vélo 72, Créattitude, Ardoise City et L'Arlequin sous le numéro 2408 T, et la société Le Mans Courbet, sous le numéro 2410 T, ont demandé les 2 et 3 octobre 2014 à la Commission nationale d'aménagement commercial d'annuler la décision du 2 septembre 2014.
Par une décision n° 2405T-2406T-2408T-2410T du 16 janvier 2015, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté les recours et autorisé le projet des sociétés Direct Distribution, Sicom 2, Groupe Herimo et IF Béner.
Par une requête, enregistrée le 24 avril 2015, et un mémoire en réplique, enregistré le 19 janvier 2016, la SCI Val de Sarthe, la SARL Sport Vélo 72, la SARL Créattitude, la SARL Ardoise City et la Sarl L'Arlequin, représentées par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler cette décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 16 janvier 2015 ;
2°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et des sociétés SAS Direct Distribution, SARL Sicom 2, Groupe Herimo et SCI IF Béner la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale est incomplet et méconnaît l'article R. 752-7 du code de commerce à plusieurs titres :
- en premier lieu, le dossier est insuffisant quant aux renseignements relatifs au demandeur et au projet qui sont exigés par les annexes I et II à l'article A. 752-1 du code de commerce ;
- manquent, d'abord, un plan parcellaire et un plan cadastral, l'indication du nombre approximatif de magasins, et le nombre de places réservées aux personnes à mobilité réduite ;
- ensuite, les pétitionnaires ne disposent pas d'un titre les habilitant à construire et exploiter sur l'ensemble des terrains figurant dans le périmètre du projet, la société Bénermans ne disposant en l'espèce d'aucun titre de propriété sur les parcelles cadastrées section OX n° 96, 98 et 100 situées au coeur du projet ;
- en deuxième lieu, les estimations des flux de circulation générés par le projet sont insuffisantes ;
- enfin, les aménagements routiers de desserte sont insuffisamment définis, aucune indication précise n'étant donnée sur le dimensionnement, le coût ou le calendrier des travaux ;
- en outre, le dossier de demande d'autorisation ne tient pas compte de la modification des critères d'évaluation introduite par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 en matière de protection des consommateurs, aucune mesure spécifique n'étant prévue afin de valoriser " les filières de production locales " et " aucun concept novateur " n'étant développé par le projet ; le dossier est, au surplus, silencieux sur l'impact du projet " en matière sociale " ;
- par ailleurs, le projet compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L.752-6 du code de commerce, tant en matière d'aménagement du territoire qu'en matière de développement durable ;
- s'agissant de l'aménagement du territoire, le développement d'un ensemble commercial de périphérie de 47 475 m² ne peut aucunement participer à l'animation de la vie urbaine et rurale dès lors qu'il fragilise l'activité commerciale d'un centre-ville actuellement délaissé et qu'il n'assure pas une complémentarité de l'offre proposée par les pôles commerciaux situés au nord et au sud de l'agglomération mancelle à 8 minutes du projet ;
- la réalisation de la zone commerciale du Béner contribuera à augmenter l'importante surdensité commerciale déjà existante au sein de la zone de chalandise ;
- le projet, qui prévoit l'imperméabilisation de 18,7 hectares et la réalisation de 3 200 places de stationnement, contrevient à l'objectif de consommation économe de l'espace, et méconnaît sur ce point le DOO du SCOT du Pays du Mans ;
- le projet favorise l'étalement urbain et entraînera une réduction de la zone NP du PLU de la commune du Mans ;
- aucun engagement n'est pris afin d'éviter que le site des Fontenelles, après le transfert du magasin Leclerc existant, ne devienne une friche commerciale ;
- la CNAC a estimé à tort que les aménagements routiers prévus par les pétitionnaires permettraient d'absorber l'accroissement de 28% à 35% des flux de circulation provoqués par l'exploitation de l'ensemble commercial projeté ;
- la réalisation d'un giratoire sur la RD 314 et le prolongement de la route de l'Eventail vers la RD 313 relèvent de la compétence du département dont il ne saurait se démettre au profit de la communauté d'agglomération ;
- les accords du président de la communauté urbaine et du président du conseil général du 23 mai 2014 n'ont pas été précédés d'une délibération des organes délibérants autorisant ces équipements ;
- la délibération du 20 novembre 2014 par laquelle le conseil de la communauté urbaine a approuvé le projet de convention de projet urbain partenarial (PUP) avec la société Bénermans, et le programme des équipements publics, est illégale, notamment pour détournement de pouvoir, et fait l'objet d'un recours pendant devant le tribunal administratif de Nantes ;
- il résulte de ce qui précède que les caractéristiques et le financement de ces aménagements revêtent un caractère incertain ;
- s'agissant de l'impact du projet en matière de développement durable, le terrain d'assiette du projet n'est desservi par aucun transport collectif régulier, l'arrêt de bus " Logis de l'Huisne " étant éloigné de 450 mètres et seulement desservi par deux lignes du réseau de transports en commun de l'agglomération mancelle, avec en moyenne un bus toutes les 30/40 minutes ;
- aucune gare ferroviaire, ni aucun arrêt de tramway ne sont situés à proximité du projet de zone commerciale, en dépit des orientations et objectifs du SCOT du Pays du Mans qui prévoit, pour le site du Béner, la nécessité " d'étudier la faisabilité d'un Transport en Commun en Site Propre à plus long terme en lien avec le centre-ville " ;
- le projet est tout aussi indigent en ce qui concerne les modes de circulation douce, et est essentiellement conçu pour une clientèle utilisant l'automobile ;
- il méconnaît l'objectif de gestion économe de l'espace puisque la moitié des places de stationnement sera localisée sur des parkings de plain-pied en extérieur ;
- la réalisation du projet, ainsi qu'il a été dit, entraînera une réduction de la zone NP du PLU au nord ;
- elle risquera, en outre, d'entraîner l'assèchement d'une zone humide portant de ce fait une atteinte au milieu naturel dans lequel s'inscrit le projet, ainsi qu'à plusieurs espèces protégées ;
- par ailleurs, le traitement paysager est insuffisant, notamment dans le choix de ses essences végétales trop décalées du contexte local ;
Par un mémoire de production, enregistré le 13 mai 2015, la Commission nationale d'aménagement commercial a transmis les pièces de l'instruction ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2015, et un mémoire enregistré le 18 mars 2016, les sociétés Groupe Herimo, Sicom 2 et Direct Distribution, représentées par MeD..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SCI Val de Sarthe et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que les moyens soulevés par les sociétés requérantes ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2015, et un mémoire enregistré le 22 mars 2016, la SCI IF Béner, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de chacune des 5 sociétés requérantes au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la convention de projet urbain partenarial (PUP) du 27 novembre 2014 est inopérant à l'encontre d'une autorisation d'exploitation commerciale ;
- la circonstance qu'un recours contre la délibération ayant approuvé cette convention soit actuellement pendant devant le tribunal administratif de Nantes est sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;
- ce recours n'est d'ailleurs pas recevable, dès lors qu'il est dirigé contre un acte détachable de la convention PUP ;
- les autres moyens soulevés par les sociétés requérantes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;
- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;
- le décret n° 2008-1212 du 24 novembre 2008 ;
- le décret n° 2015-165 du 12 février 2015 ;
- l'arrêté du 21 août 2009 fixant le contenu de la demande d'autorisation d'exploitation de certains magasins de commerce de détail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Millet,
- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., substituant MeB..., représentant la SCI Val de Sarthe et autres, et de MeC..., représentant la société IF Béner.
1. Considérant que par une décision du 2 septembre 2014, la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de la Sarthe a autorisé les sociétés Direct Distribution, Sicom 2, Groupe Herimo et IF Béner à procéder à la création, zone de " Béner " sur le territoire des communes du Mans et d'Yvré-L'Eveque, d'un ensemble commercial comprenant un hypermarché à l'enseigne " E. Leclerc " et une galerie marchande d'une surface de vente de 31 480 m², ainsi qu'un " Retail park " composé de 21 commerces d'une surface totale de vente de 15 995 m² ; que les sociétés Molière, sous le numéro 2405 T, la société Sympadis, sous le numéro 2406 T, les sociétés Val de Sarthe, Sport Vélo 72, Créattitude, Ardoise City et L'Arlequin sous le numéro 2408 T, et la société Le Mans Courbet, sous le numéro 2410 T, ont demandé les 2 et 3 octobre 2014 à la Commission nationale d'aménagement commercial d'annuler la décision du 2 septembre 2014 ; que, par une décision du 16 janvier 2015, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté les recours et autorisé le projet des sociétés Direct Distribution, Sicom 2, Groupe Herimo et IF Béner ; que les sociétés Val de Sarthe, Sport Vélo 72, Créattitude, Ardoise City et l'Arlequin demandent l'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 752-7 du code du commerce, alors en vigueur : " (...) II.- La demande est également accompagnée d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l'article L. 752-6. Celle-ci comporte les éléments permettant d'apprécier les effets du projet sur : 1° L'accessibilité de l'offre commerciale ; 2° Les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ainsi que sur les accès sécurisés à la voie publique ; 3° La gestion de l'espace ; 4° Les consommations énergétiques et la pollution ; 5° Les paysages et les écosystèmes. " ; qu'aux termes de l'article A. 752-1 du même code, issu de l'arrêté du 21 août 2009, fixant le contenu de la demande d'autorisation d'exploitation de certains magasins de commerce de détail : " La demande d'autorisation préalable prévue aux articles L. 751-1, L. 752-1 et L. 752-2 du code de commerce est présentée selon les modalités fixées à l'annexe 1 de l'annexe 7-8 au présent livre. Elle est accompagnée : 1° Des renseignements prévus à l'annexe 2 (...) " ; qu'aux termes du II de l'annexe I relative à la présentation du projet, celui-ci indique, dans le cas d'un ensemble commercial, le nombre approximatif de magasins et la surface de vente totale de ces magasins (point 2.1.3) ; que le point 2.5 prévoit au nombre des " autres renseignements ", la mention éventuelle des enseignes et le nombre de places réservées aux personnes à mobilité réduite dans le parc de stationnement ; que selon le III-1 de l'annexe I relatif à la " maîtrise du foncier ", lorsque le projet nécessite une construction, doivent être fournis un extrait de plan cadastral, l'indication des parcelles de terrain concernées, ainsi que le titre de propriété pour l'ensemble de ces parcelles ; que le II de l'annexe 2 de l'arrêté du 21 août 2009, à laquelle renvoie le 1° de l'article A. 752-1, précise les informations qui doivent être fournies, en particulier celles qui concernent la présentation du projet au regard de l'aménagement du territoire, lesquelles portent notamment sur la desserte future du projet au sein de la zone de chalandise ;
3. Considérant, d'une part, s'agissant des informations fixées à l'annexe I, que les sociétés requérantes soutiennent que le dossier de demande d'autorisation ne comprend pas le plan cadastral et le plan parcellaire du projet, le titre de propriété relatif à l'ensemble des parcelles figurant dans son périmètre, l'indication du nombre approximatif de magasins et des enseignes que comportera l'ensemble commercial, ainsi que celle du nombre de places de stationnement réservées aux personnes à mobilité réduite ; qu'elles font également valoir que l'étude de trafic jointe au dossier de demande est insuffisante, dès lors que les modalités de calcul du taux d'augmentation de la fréquentation du nouvel hypermarché et de sa galerie marchande par rapport au centre commercial E. Leclerc des Fontenelles, qui doit faire l'objet d'un transfert sur le site du Béner, ne sont pas précisées ;
4. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que le plan parcellaire du projet figure p. 79 du dossier de demande devant la CDAC et que le plan cadastral figure p. 3 du dossier complémentaire déposé en janvier 2015 devant la CNAC ; que si les requérantes contestent la maîtrise foncière des parcelles cadastrées section OX n° 96, 98 et 100, ces parcelles ne sont pas incluses dans le projet autorisé, alors même qu'elles figurent dans son périmètre ; qu'ainsi, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'un titre de propriété aurait dû être produit pour ces parcelles ; que le nombre des places de stationnement réservées aux personnes à mobilité réduite est précisé p. 74 du dossier de demande (83 places) ; qu'en outre, les dispositions de l'arrêté du 21 août 2009 n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet d'imposer des formalités autres que celles résultant de l'article R. 752-7 du code de commerce pris en application de la loi du 4 août 2008 ou qui sont nécessairement impliquées par lui ; qu'ainsi, le dossier dont était saisie la Commission nationale, n'avait pas à comporter les indications relatives au nombre et à la nature des commerces envisagés ainsi qu'à leurs enseignes ; que le pétitionnaire a mentionné, en application de l'article R. 752-9 du code de commerce, la surface de vente et le secteur d'activité (secteur II) des 9 magasins de commerce de détail de plus de 1000 m² ; que la galerie marchande comprendra 50 à 60 boutiques de moins de 300 m² pour une surface de vente totale de 6 730 m² et le Retail Park 12 boutiques de moins de 300 m² pour une surface de vente de 2955 m² ; que les cellules C5, C6, C7, C9 et C11 du Retail Park n'ont pas vocation à être divisées en boutiques ;
5. Considérant, par ailleurs, que si les requérantes font valoir que le dossier de demande ne contient pas d'étude sérieuse sur le trafic engendré par le projet, il ressort notamment de l'étude de circulation CDVIA du 16 janvier 2014 que le déplacement de l'hypermarché E. Leclerc sur le site du Béner devrait engendrer une " augmentation de la fréquentation de l'ordre de 6 % ", que 25 % des véhicules allant à la future grande surface spécialisée dans l'équipement de la maison (enseigne IKEA) seront " aussi intéressés par l'hypermarché (phénomène de foisonnement) " et que l'augmentation générale du trafic dans la zone, en tenant compte de l'implantation d'IKEA, projet autorisé par la CDAC, varie de + 21 % le jeudi à + 35 % le samedi en heure de pointe (17h-18h) ; qu'il n'est pas démontré que les évaluations ainsi fournies seraient erronées ; que la demande d'autorisation était par suite assortie des informations suffisantes pour permettre à la Commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier l'impact du projet sur les flux de circulation ;
6. Considérant, d'autre part, s'agissant des informations prévues à l'annexe 2, que les sociétés requérantes soutiennent que le dossier de demande serait insuffisant en ce qu'il ne donnerait aucune indication précise sur le dimensionnement, le coût et le calendrier de réalisation des travaux afférents à la desserte future de l'ensemble commercial ; qu'il n'est pas contesté qu'en dépit de la présence d'un giratoire situé sur la rocade RD 313/RD 314 se raccordant à l'avenue du Mans, la desserte du projet rend nécessaire la réalisation d'aménagements sur la structure viaire existante de manière à maintenir la fluidité et la sécurité des flux de circulation aux abords de l'ensemble commercial ; qu'il ressort des pages 112 à 117 du dossier de demande devant la CDAC, ultérieurement complété, que plusieurs aménagements routiers ont fait l'objet d'un accord de principe des services de la communauté Le Mans Métropole et du conseil général gestionnaires des axes concernés ; que le Chemin des Perrières fera ainsi l'objet d'une requalification nécessitant la création d'une entrée et d'une sortie, aménagements accompagnés de la création d'un giratoire rue Douce Amie pour faciliter la circulation sur ce secteur ; qu'une permission de voirie a été accordée à cette fin par la communauté Le Mans Métropole à la SCI Bénermans en charge des travaux ; que deux bretelles d'accès à la rocade RD 313 seront réalisées permettant aux usagers et aux véhicules de livraison de sortir du centre commercial et, pour la première, de rejoindre cette voie en évitant le giratoire RD 313/RD 314 ; qu'un nouvel accès permettra également d'entrer dans la zone commerciale depuis la rocade ; qu'une convention d'occupation du domaine public routier a été conclue à cette fin entre le Conseil général et la SCI Bénermans ; que la route de l'Eventail sera également requalifiée pour permettre le transit des véhicules ; que ces travaux seront réalisés sous la maîtrise d'ouvrage du Mans Métropole conformément au Projet Urbain Partenarial (PUP) conclu avec la SCI Bénermans ; qu'enfin, trois points d'accès au projet, un point de sortie et un giratoire seront créés depuis l'avenue du Mans (RD 314) ainsi que le raccordement de cette avenue à l'échangeur de la RD 313, travaux également couverts par le PUP, qui fixe la répartition financière des aménagements et prévoit une mise en service des accès au printemps 2017 pour une ouverture de l'ensemble commercial à l'automne 2017 ; que, dès lors, figuraient au dossier de demande les caractéristiques, les modalités de financement et le calendrier des aménagements nécessaires au projet ; que, par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la Commission nationale, qui disposait ainsi des éléments suffisants lui permettant d'apprécier la conformité du projet aux exigences de l'article L. 752-6 du code de commerce, se serait prononcée au vu d'un dossier incomplet ;
7. Considérant, en second lieu, que les sociétés requérantes ne sauraient utilement prétendre que le dossier de demande n'aurait pas fourni les renseignements concernant les nouveaux critères de protection du consommateur et d'impact en matière sociale issus de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux petites entreprises, dès lors que les dispositions du décret indispensables à l'application du régime institué par cette loi n'ont été adoptées que le 12 février 2015, postérieurement à la décision attaquée ; que ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté ;
En ce qui concerne l'appréciation de la Commission nationale :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés " ; qu'aux termes de l'article L.752-6 dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; b) L'effet du projet sur les flux de transport ; c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet ; b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs " ;
9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur un dossier de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ; que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre de ces critères ;
10. Considérant, en premier lieu, que, s'agissant de l'impact du projet sur la vie urbaine, l'ensemble commercial s'implantera sur la zone dite de " Béner ", en bordure de la RD 313 (rocade est du Mans) et de la RD 314 (avenue du Mans), en entrée est de l'agglomération mancelle, à environ 4 kilomètres du centre-ville du Mans et à environ 3 kilomètres du centre-ville d'Yvré-L'Evêque sur des parcelles partiellement en friche ; que la loi n'implique pas que le critère de contribution à l'animation de la vie urbaine ne puisse être respecté que par une implantation en centre-ville ; que le projet s'inscrit dans une zone d'aménagement commercial (ZACOM) dans le prolongement de la trame urbaine du Mans à proximité immédiate de différents quartiers comprenant plus de 25 000 habitants et dans un secteur en développement ; qu'un programme de 163 logements est d'ailleurs prévu à l'ouest du projet ; que ce projet, qui correspond en partie au transfert de l'hypermarché E. Leclerc existant, non seulement renforcera un pôle alimentaire de proximité, mais encore contribuera à diversifier et rééquilibrer l'offre commerciale à l'est de l'agglomération mancelle, notamment en matière d'équipement de la maison, les enseignes du centre-ville privilégiant l'équipement de la personne ; que le risque d'apparition d'une friche commerciale sur le site existant doit être écarté dès lors que le syndicat des copropriétaires du centre commercial " Les Fontenelles " a décidé, lors de sa réunion du 11 avril 2014, de le transformer en un magasin à l'enseigne Brico/Jardi Leclerc ; qu'il ressort, en outre, du dossier de demande devant la CDAC que le projet, en faveur duquel s'est d'ailleurs prononcée la chambre de commerce et d'industrie, aura pour effet de limiter l'évasion commerciale vers les agglomérations de Tours et Angers ; qu'ainsi, il participera, contrairement à ce qui est soutenu, à l'animation de la vie urbaine et rurale dans une zone de chalandise en expansion démographique régulière ;
11. Considérant, par ailleurs, que, s'agissant des effets du projet sur les flux de circulation, plusieurs aménagements décrits au point 6 seront réalisés, sur la voie publique, afin d'absorber les flux additionnels induits par le projet et de permettre une accessibilité au site sécurisée ; que ces aménagements routiers ont été regardés comme satisfaisants par le service instructeur et par la commission des routes du conseil général et présentent un caractère suffisamment certain dans leur réalisation, dès lors, d'une part, qu'une délibération de la commission permanente du conseil général du 14 novembre 2014 a habilité son président à signer une convention d'occupation du domaine public routier départemental fixant les modalités de réalisation, d'entretien et de financement de l'aménagement d'un accès à l'ouest de la RD 313 permettant l'entrée des véhicules et la sortie des poids lourds sur la rocade, convention conclue avec la SCI Bénermans le 27 novembre 2014, que, d'autre part, un arrêté du président de la communauté urbaine Le Mans Métropole du 27 novembre 2014 portant permission de voirie a autorisé la SCI Bénermans à créer une voie nouvelle reliant le chemin des Perrières et la rue Douce Amie, ainsi que l'aménagement d'un giratoire à leur intersection, et, enfin, qu'une convention de Projet Urbain Partenarial (PUP) du 27 novembre 2014, dont la signature a été autorisée par délibération du conseil communautaire du 20 novembre 2014, porte sur la création et le financement d'un giratoire sur l'avenue du Mans (RD 314), sur le raccordement de l'avenue du Mans à l'échangeur de la RD 313, ainsi que sur l'aménagement de la route de l'Eventail et son prolongement sur la RD 313 ; que si les sociétés requérantes excipent de l'illégalité de la convention PUP du 27 novembre 2014, ce moyen est inopérant, dès lors que l'autorisation d'exploiter attaquée n'est pas un acte pris pour l'application de cette convention de financement, laquelle ne constitue pas davantage sa base légale ; que, de même, la circonstance qu'un recours dirigé contre la délibération ayant approuvé cette convention de projet urbain partenarial soit actuellement pendant devant le tribunal administratif de Nantes est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; que, par suite, le moyen tiré des effets négatifs que le projet pourrait porter aux flux de circulation doit être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial n'est pas entachée d'erreur d'appréciation s'agissant des effets du projet en matière d'aménagement du territoire ;
13. Considérant, en second lieu, et d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le site d'implantation du projet est desservi par deux lignes de bus du réseau Setram de l'agglomération du Mans (lignes 23 et 25) dont l'arrêt, dénommé " Logis de l'Huisne " est situé à 150 mètres du projet, à raison de passages toutes les 30 /40 minutes de 7h à 19h du lundi au dimanche, dans les deux sens de circulation ; qu'il ressort d'un courrier du 31 octobre 2014 adressé par le président de la communauté urbaine à la SCI Bénermans que la desserte actuelle sera complétée par une nouvelle ligne reliant l'avenue du Mans à la rue Douce Amie par la voie interne au centre commercial avec un arrêt supplémentaire desservi à une meilleure fréquence, de l'ordre de 10 minutes dans les deux sens, en provenance et en direction du centre-ville du Mans ; que le projet est également accessible par les modes alternatifs de déplacement, dès lors que le site est desservi par des cheminements piétonniers et des pistes cyclables réalisés en rive droite et gauche de l'avenue du Mans, ainsi que sur la route du pavillon ; que le rapport du service instructeur fait d'ailleurs état de ce que des continuités sont aménagées avec la zone d'habitation à l'ouest et vers la zone naturelle au nord du site ; que c'est, par suite, sans erreur d'appréciation que la Commission nationale a autorisé le projet au regard de son insertion dans le réseau des transports collectifs et de sa desserte par les modes de déplacement plus économes en émission de dioxyde de carbone ;
14. Considérant, d'autre part, que si les sociétés requérantes soutiennent que la Commission ne pouvait accorder l'autorisation sollicitée à raison de l'impact du projet sur l'environnement, il ressort des pièces du dossier qu'afin de permettre la requalification d'une entrée de ville dégradée, " la plus triste de l'agglomération " selon le maire du Mans, les sociétés pétitionnaires ont défini un projet architectural et paysager visant à assurer l'insertion des bâtiments dans l'environnement ; que l'impact visuel du bâtiment destiné à accueillir l'hypermarché sera " fortement atténué par un nivellement adapté des terrains en partie haute ", l'encastrement des réserves et des aires de livraison de l'hypermarché dans la partie haute du tènement permettant " de laisser apparaître ou disparaître graduellement la volumétrie du bâtiment " ; qu'une partie importante des places de stationnement sera semi-enterrée permettant ainsi de limiter l'imperméabilisation des terrains et les toitures des bâtiments seront végétalisées sur une surface de 19 530 m² ; que le choix des essences a été revu afin de lever les réserves émises sur ce point par la direction départementale des territoires (DDT) ; que le projet comprend un espace paysager important de plus de 135 040 m², soit 40 % de l'emprise du terrain, et bénéficiera de la plantation de 812 arbres de haute tige ; que si les sociétés requérantes font alors valoir que le projet est implanté dans une zone humide, qu'il entraînera la réduction de la zone NP du plan local d'urbanisme de la commune du Mans et la destruction de plusieurs espèces protégées et de leur habitat, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment des études environnementales réalisées par la société Socotec, en juillet 2013 et juillet 2014, que " les terrains ne sont pas concernés par des zones humides ", que la zone NP d'une surface d'environ 4 ha en partie nord du site sera conservée et valorisée, que les espèces protégées recensées sur le secteur, notamment le lézard des murailles et l'Orvet fragile, qui présentent " une sensibilité modérée ", bénéficieront de la mise en place, au titre des mesures compensatoires, " d'un habitat minéral (type Gabions) " sur un linéaire de 150 m disposé sur le pourtour du site entre les zones végétalisées et les zones imperméabilisées ; que, par suite, le projet n'aura qu'un impact limité sur ces espèces ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaît l'objectif fixé par le législateur en matière de développement durable en ce qui concerne la qualité environnementale du projet et son insertion dans les transports collectifs ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Pays du Mans :
16. Considérant qu'il ressort du document d'orientations et d'objectifs (DOO) du SCOT du Pays du Mans approuvé le 29 janvier 2014 que " le secteur de Béner constituera une zone d'aménagement commercial agglomérée située dans l'enveloppe urbaine de la ville du Mans et de la commune d'Yvré-L'Evêque. Ce secteur bénéficiera en effet d'une mixité des fonctions urbaines avec à la fois développement commercial, résidentiel et d'activités économiques " ; que l'objectif principal de cette zone est " de définir un projet d'ensemble cohérent permettant à la fois de répondre aux besoins par le développement d'une offre commerciale à l'est de l'agglomération et de développer un nouveau quartier mixant les fonctions résidentielles et d'activités " ; que si figurent également au nombre des orientations d'aménagement du territoire de la ZACOM-Pôle d'agglomération Secteur Est la définition de " formes urbaines économes en espace et en énergie " et l'étude " de la faisabilité d'un Transport en Commun en Site Propre à plus long terme en lien avec le centre-ville du Mans ", il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision favorable de la CDAC du 4 septembre 2014 " qu'en matière de développement durable, les mesures mises en oeuvre sont efficaces en termes de performances énergétiques, que le site est desservi par les transports en commun et que le projet prévoit des boulevards urbains permettant une desserte en site propre " ; que, dans ces conditions, et en tout état de cause, le projet de centre commercial de Béner ne peut être regardé comme incompatible avec les orientations du SCOT du Pays du Mans ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés SCI Val de Sarthe et autres ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision qu'elles attaquent ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge solidaire de l'Etat et des sociétés SAS Direct Distribution, SARL Sicom 2, Groupe Herimo et SCI IF Béner, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, le versement aux requérantes de la somme de 5 000 euros qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SCI Val de Sarthe, de la SARL Sport Vélo 72 (Mondo Vélo), de la SARL Créattitude, de la SARL Ardoise City (Mix City) et de la SARL L'Arlequin une somme de 200 euros chacune à verser, tant aux sociétés SAS Direct Distribution, SARL Sicom 2 et Groupe Herimo prises ensemble, qu'à la société SCI IF Béner au titre des frais de même nature qu'elles ont exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des sociétés SCI Val de Sarthe et autres est rejetée.
Article 2 : La SCI Val de Sarthe, la SARL Sport Vélo 72 (Mondo Vélo), la SARL Créattitude, la SARL Ardoise City (Mix City) et la SARL L'Arlequin verseront chacune une somme de 200 euros, tant aux sociétés SAS Direct Disribution, SARL Sicom 2 et Groupe Herimo prises ensemble qu'à la société SCI IF Béner, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Val de Sarthe, à la SARL Sport Vélo 72 (Mondo Vélo), à la SARL Créattitude, à la SARL Ardoise City (Mix City), à la SARL L'Arlequin, à la SAS Direct Distribution, à la SARL Sicom 2, à la société Groupe Herimo, à la SCI IF Béner et à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 3 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 janvier 2017.
Le rapporteur,
J-F. MILLET
Le président,
A. PÉREZLe greffier,
S. BOYÈRE
La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01288
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