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18/01/2017 | FRANCE | N°15NT01178

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 18 janvier 2017, 15NT01178


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code du travail ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- et les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,

1. Considérant que Mme D...était employée en qualité d'assistante informatique par la société Coopérative Agricole (SCA) du Val Nantais, dont le siège social est 14 route Félix Praud à Saint-Julien-de-Concelles (44450)

; qu'au mois de mai 2010, elle a été élue délégué du personnel de cette société ; que Mme D...relève appel du juge...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code du travail ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- et les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,

1. Considérant que Mme D...était employée en qualité d'assistante informatique par la société Coopérative Agricole (SCA) du Val Nantais, dont le siège social est 14 route Félix Praud à Saint-Julien-de-Concelles (44450) ; qu'au mois de mai 2010, elle a été élue délégué du personnel de cette société ; que Mme D...relève appel du jugement du 17 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 septembre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de la Loire-Atlantique, section agricole, à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a accordé à la SCA " Le Val Nantais " l'autorisation de procéder à son licenciement pour motif économique ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique concernant Mme D...a été adressée à l'autorité administrative le 1er août 2013 par M. F...C... ; qu'il n'est pas contesté que M. C...est le directeur général de la SCA " Le Val Nantais " dont Mme D...était salariée ; qu'au surplus, il ressort des pièces du dossier que M. C...est également le directeur général de l'unité économique et sociale (UES) " Val Nantais " à laquelle est intégrée la SCA " Le Val Nantais " ; qu'il avait, par suite, qualité pour saisir l'administration d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique alors même que cette demande a été rédigée sur un papier à entête de l'UES " Val Nantais " ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L.2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel (...) est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. (...) " ; qu'aux termes de l'article R.2421-9 du même code : " L'avis du comité d'entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé. (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...a été convoquée par courrier du 23 juillet 2013, reçu le 25 juillet suivant, à la séance du comité d'entreprise qui s'est tenue le 26 juillet et au cours de laquelle un avis défavorable à la demande de licenciement la concernant a été émis à l'unanimité ; que si MmeD..., qui était en congé maladie, soutient qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour pouvoir présenter ses observations et qu'elle n'a pas été entendue au cours de cette séance, elle ne fait état d'aucune circonstance particulière qui l'aurait empêchée d'y être présente, ni d'avoir pu demander à son employeur son report ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, et alors qu'aucun délai n'est fixé par le code du travail pour convoquer le salarié, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que la règle substantielle prescrite par l'article R. 2421-9 du code du travail selon laquelle le salarié doit être entendu par le comité d'entreprise, n'a pas été respectée, ni, en tout état de cause, compte tenu de l'avis défavorable émis à l'unanimité, que le défaut de son audition devant le comité d'entreprise aurait été de nature à avoir influencé le sens de la décision prise sur la demande de la société ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des délégués du personnel, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

6. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. (...) " ; que, lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique ; que si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la " note d'information sur un projet de licenciement collectif pour motif économique de huit salariés " présentée au comité d'entreprise, que la SCA " Le Val Nantais " est une coopérative maraîchère qui intervient dans le secteur agro-alimentaire et qui est une des sociétés composant l'UES " Val Nantais " avec la SAS " Val Nantais Conditionnement ", la SARL Cecoval et le GIE Valapro ; que les modifications structurelles décidées par la SCA " Le Val Nantais ", à l'origine de la suppression du poste de Mme D..., ont été motivées par une baisse des tonnages traités depuis la fin des années 2000, avec une diminution de l'ordre de 33% par rapport à 2008, du fait du désengagement de nombreux coopérateurs lié aux difficultés économiques rencontrées dans le secteur maraicher et à des départs en retraite ainsi qu'à la concurrence avec les différentes coopératives intervenant dans le secteur géographique de la société alors que, parallèlement, les ventes à l'exportation n'ont cessé de diminuer au cours des dix dernières années du fait de la concurrence provenant d'Allemagne ou d'Italie ; que, par ailleurs, la masse salariale, durant cette même période, est demeurée inchangée ; que la société a connu, ainsi qu'il résulte notamment des comptes de résultat contenus dans ses déclarations d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2010-2011 et 2011-2012, des résultats déficitaires qui se sont respectivement élevés pour chacun de ces deux exercices à - 1 554 244 euros et à - 214 471 euros ; que s'agissant des autres sociétés composant le groupe, la SARL Cecoval a connu une cessation partielle d'activité à la suite de la fermeture définitive du site du marché d'intérêt national (Min) à Nantes, entraînant le reclassement des salariés affectés à ce site et a connu une baisse significative de ses résultats et de son résultat brut d'exploitation entre 2011-2012 et 2010-2011 ; que ces résultats sont, en tout état de cause, insuffisants pour compenser les pertes subies par la SCA " Le Val Nantais " puisqu'ils s'élèvent seulement à + 91 000 euros pour l'exercice 2010-2011 et à + 31 000 euros pour l'exercice 2011-2012 ; qu'il est en de même pour la SAS " Val Nantais Conditionnement " dont les résultats bénéficiaires au cours des ces deux derniers exercices se limitent respectivement à + 41 000 euros et à + 31 000 euros ; qu'enfin, le GIE Valapro, qui a pour objet d'acheter et de stocker des marchandises d'approvisionnement pour le compte de la SCA " Le Val Nantais " et de la SARL Cecoval, n'a pas pour finalité de réaliser des bénéfices ; que les huit licenciements envisagés, dont celui de Mme D..., s'inscrivent par ailleurs dans un plan comportant différentes mesures afin de permettre à la société de trouver plus de compétitivité ; qu'il ne ressort pas enfin des mêmes pièces du dossier qu'à la date à laquelle la décision contestée est intervenue, le projet de fusion/absorption de la SCA " Le Val Nantais " par la société Terrena était suffisamment avancé alors qu'en tout état de cause Mme D...n'établit pas qu'à la suite de la concrétisation de ce projet, le poste qu'elle occupait n'a pas été supprimé ; que, dans ces conditions, l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation en accordant l'autorisation sollicitée au motif que le licenciement était justifié par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. " ; que si, pour apprécier les possibilités de reclassement offertes au salarié, l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique par une société appartenant à un groupe ou à une unité économique et sociale, ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de la société demanderesse, elle est tenue de faire porter son examen sur les entreprises du groupe ou de l'unité économique et sociale dont les activités ou l'organisation offrent à l'intéressé la possibilité d'exercer des fonctions comparables ;

9. Considérant qu'il n'est pas contesté que, pour le poste d'assistant informatique que Mme D...occupait au sein de la SCA " Le Val Nantais ", il n'existait aucun emploi relevant de la même catégorie ou d'une catégorie équivalente au sein de la SCA et de l'UES " Val Nantais " ; qu' il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 25 juin 2013, quatre postes au sein de la SAS " Val Nantais conditionnement ", dont la prise d'effet était fixée à la date d'acception de la proposition, ont été présentés à Mme D...; que ces propositions étaient accompagnées, en cas d'acceptation, d'une action de formation et du versement d'une allocation temporaire dégressive, plafonnée à 200 euros bruts mensuel, dans l'hypothèse d'une perte salariale du fait de ce reclassement ; que, par un autre courrier du 19 juillet 2013, la SCA " Le Val Nantais ", continuant ses recherches de reclassement, lui a communiqué la liste des postes disponibles au sein du groupe Terrena qui intervient dans le même secteur d'activité ; que, dans ces conditions, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que les propositions qui lui ont été adressées n'étaient pas personnalisées, ni disponibles et que la SCA " Le Val Nantais " aurait ainsi méconnu ses obligations en matière de reclassement à son égard ;

10. Considérant, enfin, que le souci d'éviter la disparition de la représentation d'une catégorie professionnelle au sein de l'entreprise n'est pas au nombre des motifs d'intérêt général susceptibles d'être retenus par l'administration pour refuser l'autorisation de licencier un salarié protégé ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 18 septembre 2013 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme D..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme D...la somme demandée par la SCA " Le Val Nantais ", au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société coopérative agricole " Le Val Nantais " tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...D..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société coopérative agricole " Le Val Nantais ".

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Millet, président,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 janvier 2017.

Le rapporteur,

M. H...Le président,

J-F. MILLET

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°15NT01178


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01178
Date de la décision : 18/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MILLET
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : AUBRY

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-01-18;15nt01178 ?
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