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18/01/2017 | FRANCE | N°15NT01115

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 18 janvier 2017, 15NT01115


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Manche Nature a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté de la préfète de la Manche du 4 juin 2014 modifiant la composition de la formation spécialisée des " sites et paysages " de la commission départementale de la nature des paysages et des sites de la Manche.

Par un jugement n° 1401745 du 10 février 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2015, l'association

Manche Nature, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Manche Nature a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté de la préfète de la Manche du 4 juin 2014 modifiant la composition de la formation spécialisée des " sites et paysages " de la commission départementale de la nature des paysages et des sites de la Manche.

Par un jugement n° 1401745 du 10 février 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2015, l'association Manche Nature, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 10 Février 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 juin 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier pour avoir omis de statuer sur son moyen ;

- l'association avait soulevé le moyen tiré de l'inadéquation entre les missions de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, telles qu'elles lui sont confiées par le code de l'environnement, et le profil d'un des représentants nommés, M. B...D... ;

- or, le tribunal n'a pas examiné globalement cette inadéquation, mais s'est contenté de répondre à trois éléments pris isolément, sans répondre au moyen dans sa globalité, alors qu'il appartient au juge administratif de contrôler cette adéquation ;

- le préfet ne saurait nommer au sein de cette commission, sans violer les dispositions de l'article R. 341-16 du code de l'environnement, des membres qui ne sont pas en mesure de " concourir à la protection de la nature " et des paysages ;

- or, M.D..., maire de Portbail, a fait la preuve de son hostilité à la protection de la nature en sa qualité d'élu ;

- il n'a pas exercé de responsabilité d'élu en lien avec l'environnement et a toujours porté des projets d'aménagements lourds portant atteinte aux espaces remarquables du littoral au sens de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ;

- il n'a jamais renoncé à ses projets malgré les avertissements des services de l'Etat et l'intervention de plusieurs décisions des juridictions administratives reconnaissant l'existence d'une atteinte illégale aux milieux naturels ;

- c'est en parfaite connaissance de cause que M. D...a tenté de réintroduire dans la dernière révision du PLU approuvée le 18 juin 2013 certains projets reconnus illégaux par le juge, en ce qu'ils méconnaissaient le II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas entaché de l'omission à statuer alléguée ;

- aucun texte ne prévoit que les représentants élus des collectivités territoriales doivent justifier de compétences particulières dans les domaines d'intervention de la commission ;

- la circonstance que M. D...aurait pris des décisions en matière d'urbanisme et d'aménagement qui auraient été censurées par le juge administratif n'est pas de nature à établir que le maire de Portbail est dépourvu d'intérêt pour la protection de la nature et la préservation des paysages et des sites ;

- le principe d'impartialité, qui s'impose à tout membre d'une commission administrative consultative, ne fait pas par lui-même obstacle à ce que M.D..., porteur de projet en matière d'urbanisme en sa qualité de maire de Portbail, soit nommé au sein de la commission ;

- en nommant ce représentant des collectivités territoriales au sein de la formation spécialisée des " sites et paysages ", la préfète de la Manche n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2006-665 du 7 juin 2006 relatif à la réduction du nombre et à la simplification de la composition de diverses commissions administratives ;

- l'arrêté du préfet de la Manche n° 2012-10-498 du 17 octobre 2012 portant organisation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites de la Manche ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Millet,

- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public.

1. Considérant que l'association Manche Nature relève appel du jugement du 10 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juin 2014 par lequel la préfète de la Manche, suite au non renouvellement des mandats de deux élus locaux siégeant en son sein, a modifié la composition de la formation spécialisée des " sites et paysages " de la commission départementale de la nature des paysages et des sites (CDNPS) de la Manche ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'au soutien de son moyen tiré de l'inadéquation entre l'objet de la commission et les membres nommés, l'association Manche Nature a indiqué en première instance que certains des membres de la formation spécialisée " des sites et des paysages " de la CDNPS de la Manche, nommés en tant que représentants des collectivités territoriales et d'établissements publics de coopération intercommunale, n'avaient aucune qualité pour siéger au sein de cette formation, dès lors qu'ils n'avaient " aucune expérience, ni formation " dans les domaines de la protection de la nature et de la préservation des paysages et des sites, qu'ils n'avaient " jamais manifesté le moindre intérêt pour ces domaines " tout au long de leur carrière d'élu, et que " certains " d'entre eux prenaient des décisions contraires aux lois et règlements pris pour la protection de la nature, des paysages et des sites ; qu'en écartant ce moyen aux motifs qu'aucun texte ne prévoyait que ces élus doivent disposer d'une expérience ou d'une formation spécifique pour participer à cette formation, que l'association ne faisait " qu'alléguer, sans l'établir, que ces membres seraient dépourvus d'intérêt pour les sites et paysages de la Manche " et que la circonstance " qu'un des membres nommés par l'arrêté préfectoral querellé aurait pris des décisions en matière de protection de la nature ou d'urbanisme qui ont été annulées par la juridiction administrative est sans incidence ", les premiers juges ont, en tout état de cause, répondu à chacune des branches du moyen soulevé devant eux ; que leur jugement est ainsi suffisamment motivé et dépourvu d'omission à statuer ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article R. 341-16 du code de l'environnement : " La commission départementale de la nature, des paysages et des sites concourt à la protection de la nature, à la préservation des paysages, des sites et du cadre de vie et contribue à une gestion équilibrée des ressources naturelles, et de l'espace dans un souci de développement durable. Elle est régie par les dispositions des articles 8 et 9 du décret n° 2006-665 du 7 juin 2006.(...). II. - Au titre de la préservation des sites et des paysages, du cadre de vie et de la gestion équilibrée de l'espace, la commission exerce notamment, dans les cas et selon les modalités prévus par les dispositions législatives ou réglementaires, les attributions suivantes : 1° Elle prend l'initiative des inscriptions et des classements de site, émet un avis sur les projets relatifs à ces classements et inscriptions ainsi qu'aux travaux en site classé ; 2° Elle veille à l'évolution des paysages et peut être consultée sur les projets de travaux les affectant ; 3° Elle émet les avis prévus par le code de l'urbanisme ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 341-17 du même code: " La commission départementale de la nature, des paysages et des sites est présidée par le préfet et composée de membres répartis en quatre collèges : 1° Un collège de représentants des services de l'Etat, membres de droit ; il comprend notamment le directeur régional de l'environnement ; 2° Un collège de représentants élus des collectivités territoriales et, le cas échéant, de représentants d'établissements publics de coopération intercommunale ; 3° Un collège de personnalités qualifiées en matière de sciences de la nature, de protection des sites ou du cadre de vie, de représentants d'associations agréées de protection de l'environnement et, le cas échéant, de représentants des organisations agricoles ou sylvicoles ; 4° Un collège de personnes compétentes dans les domaines d'intervention de chaque formation spécialisée. Le préfet peut nommer des suppléants aux membres désignés au titre des 3° et 4° dans les mêmes conditions que les membres titulaires " ; qu'aux termes de l'article R. 341-18 : " La commission se réunit en six formations spécialisées, présidées par le préfet ou son représentant et composées à parts égales de membres de chacun des quatre collèges (...) " ; que selon l'article R. 341-20 : " La formation spécialisée dite " des sites et paysages " exerce les compétences dévolues à la commission au titre des 1°, 2° et 3° du II de l'article R. 341-16. Les membres du deuxième collège comprennent au moins un représentant d'établissement public de coopération intercommunale intervenant en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire. Les membres du quatrième collège sont des personnes ayant compétence en matière d'aménagement et d'urbanisme, de paysage, d'architecture et d'environnement " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 9 du décret du 7 juin 2006 susvisé : " I. - Sauf dispositions particulières, les membres des commissions régies par les dispositions de l'article 8 et de leurs formations spécialisées sont nommés par le représentant de l'Etat pour une durée de trois ans renouvelable. II. - Les représentants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics sont nommés sur proposition de l'organe délibérant ou des associations représentatives des élus. (...) " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la préfète de la Manche a désigné le 4 juin 2014, sur proposition du président de l'association départementale des maires, quatre représentants des collectivités territoriales et d'établissements publics de coopération intercommunale, dont M. B...D..., maire de la commune de Portbail, pour siéger au sein de la formation spécialisée dite "des sites et paysages" de la CDNPS, en conformité avec les dispositions précitées des articles R. 341-17 et suivants du code de l'environnement et de l'article 9 du décret susvisé du 7 juin 2006 ; qu'à l'exception de la présence dans cette formation spécialisée de membres du quatrième collège, devant disposer de compétences en matière d'aménagement et d'urbanisme, de paysage, d'architecture et d'environnement, aucun texte ne prévoit que les représentants élus des collectivités territoriales siégeant dans le deuxième collège doivent justifier de compétences particulières dans les domaines d'intervention de la commission, et notamment d'une expérience en matière d'environnement ; que si les membres désignés au sein de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites sont en revanche soumis, comme tout membre d'une commission administrative, au principe d'impartialité et doivent à ce titre, et comme le rappelle l'article 13 du décret du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif, s'abstenir de participer aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel à l'affaire qui en est l'objet, ce principe d'impartialité ne faisait nullement obstacle par lui-même à ce que soit désigné, au sein de la formation spécialisée " des sites et paysages " de cette commission, un représentant élu des collectivités territoriales porteur de projets en matière d'urbanisme, tel le maire de la commune de Porbail, dont l'hostilité à la protection de la nature et des paysages dans le département de la Manche n'est nullement avérée ; que la circonstance que les délibérations des 3 novembre 2009 et 18 juin 2013 du conseil municipal de Portbail ayant approuvé la révision simplifiée du plan d'occupation des sols communal, puis adopté le plan local d'urbanisme, aient été annulées, en totalité ou en partie, par la juridiction administrative, pour avoir urbanisé certaines zones en méconnaissance du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, est sans incidence sur la désignation d'un représentant des collectivités territoriales au sein d'une formation spécialisée de la CDNPS ; qu'en estimant ainsi que M.D..., maire de Portbail, avait qualité pour être désigné comme représentant élu des collectivités territoriales au sein de cette formation spécialisée, la préfète de la Manche n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, le moyen tiré par l'association requérante de l'incompatibilité existant entre cette nomination et l'objet de la commission doit être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association Manche Nature n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'association Manche Nature au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Manche Nature est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Manche Nature et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

Copie en sera transmise à la préfète de la Manche.

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M.A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 janvier 2017.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

A. PÉREZLe greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT01115

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01115
Date de la décision : 18/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : BUSSON

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-01-18;15nt01115 ?
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