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06/01/2017 | FRANCE | N°15NT01580

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 janvier 2017, 15NT01580


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société EDL a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler le titre de perception du 8 mars 2013 émis par la direction régionale des finances publiques de Basse-Normandie en vue du recouvrement d'une somme de 52 963,30 euros.

Par un jugement n° 1400080 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Caen a déchargé la société EDL de la somme de 52 963,30 euros mise à sa charge par le titre de perception du 8 mars 2013.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistré

e 19 mai 2015, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relation...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société EDL a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler le titre de perception du 8 mars 2013 émis par la direction régionale des finances publiques de Basse-Normandie en vue du recouvrement d'une somme de 52 963,30 euros.

Par un jugement n° 1400080 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Caen a déchargé la société EDL de la somme de 52 963,30 euros mise à sa charge par le titre de perception du 8 mars 2013.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée 19 mai 2015, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 19 mars 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société EDL devant le tribunal administratif de Caen.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur décision car ils n'ont pas expliqué pourquoi le délai laissé à la société EDL pour présenter ses observations était insuffisant ;

- compte tenu de l'obligation faite à l'Etat français par le droit communautaire de récupérer les aides déclarées illégales de façon " immédiate et effective ", le délai laissé à la société EDL pour présenter ses observations était suffisant ;

- les premiers juges, en prononçant le décharge de la société EDL ont méconnu l'obligation faite par le droit communautaire aux juridictions nationales de garantir la pleine effectivité de la décision de la Commission du 14 juillet 2004 ordonnant la récupération des aides illégales.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 juillet 2015, la société EDL, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête, qui a été signée par Mme D...A...pour le ministre, est irrecevable à défaut de production d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement en indiquant qu'elle n'a disposé que de quelques jours pour présenter ses observations ;

- la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'a pas été respectée car elle a disposé de moins d'une semaine pour présenter ses observations et n'a pas été invitée formellement à la faire ;

- l'aide dont elle a bénéficié, qui est exclusivement constituée par l'exonération de charges patronales, est inférieur au seuil de 30 000 euros prévu par le règlement CE n°875/2007 du 24 juillet 2007 et ne doit donc pas être recouvrée ;

- la demande de reversement des aides litigieuses plus de 12 ans après leur versement méconnaît l'article premier du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le principe de sécurité juridique.

La clôture de l'instruction a été fixée au 16 septembre 2016 à 12 heures par une ordonnance du 18 août 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du Traité CE ;

- la décision n° 2005/239/CE de la Commission européenne du 14 juillet 2004 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Bris,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

1. Considérant que suite au naufrage du navire " Erika " et à la tempête survenue en 1999, le gouvernement français a accordé aux entreprises du secteur de la pêche maritime des aides sous forme d'allégement de cotisations sociales ; que, par une décision du 14 juillet 2004 n°2005/239/CE, la Commission européenne a déclaré ces aides incompatibles avec le marché commun ; que, par une décision C-549/09 du 20 octobre 2011, la Cour de justice de l'union européenne a constaté que l'Etat français avait manqué à ses obligations en s'abstenant de procéder à la récupération de ces aides ; que l'Etat français a alors entrepris de réparer ce manquement et a, dans ce cadre, émis le 8 mars 2013 un titre de perception pour une somme de 52 963,30 euros à l'encontre de la société EDL, venant aux droits de la SAS Lequertier Armement, qui avait bénéficié desdits allégements de cotisation entre le 15 avril et le 15 octobre 2000 ; que le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales relève appel du jugement du 19 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a déchargé la société EDL de la somme mise à sa charge par le titre de perception du 8 mars 2013 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le tribunal a déchargé la société EDL du versement de la somme en litige en se fondant sur la circonstance que l'administration ne lui avait pas octroyé un délai suffisant pour présenter ses observations préalablement à l'émission du titre de perception et que, par suite, cette société était fondée à soutenir que le titre du 8 mars 2013 avait été pris en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'environnement, le tribunal, qui a indiqué que la société EDL n'avait disposé que de quelques jours entre la réception du courrier l'informant de l'intention de l'administration et l'émission du titre litigieux, a suffisamment motivé son jugement sur ce point ;

Sur le fond du litige :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, en vigueur à la date de la décision attaquée, désormais codifié aux articles L. 121-1 L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix." ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a adressé à la société EDL un courrier daté du 28 février 2013 l'informant des circonstances l'ayant conduit à entreprendre la récupération des aides illégalement accordées, du montant qui allait lui être réclamé, et lui fournissant les coordonnées d'un correspondant à contacter en tant que de besoin ; qu'en l'absence de certitude sur la date de réception de ce courrier, on peut raisonnablement considéré qu'il est parvenu à la société EDL le lundi 4 mars, soit quatre jours seulement avant l'émission d'un titre de perception, ce qui ne lui laissait pas un délai suffisant pour présenter utilement ses observations, en dépit du fait que la publication des décisions rendues en 2004 et 2011 respectivement par la Commission européenne et la Cour de justice de l'union européenne était de nature l'alerter sur le sujet ; que si le paragraphe 3 de l'article 14 du règlement 659/1999 du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE prévoit que la récupération des aides illégales " s'effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'Etat membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l'exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. ", ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'administration française octroie aux personnes concernées un délai raisonnable pour faire valoir leurs observations, alors qu'elle a elle-même entrepris de recouvrer les aides illégalement versées près de 10 ans après la décision de la Commission et plus d'un an après avoir été condamnée pour manquement par la Cour de justice de l'Union européenne ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le titre de perception litigieux avait été pris à la suite d'une procédure irrégulière qui avait privé la société EDL d'une garantie ;

5. Considérant, d'autre part, que dans la mesure où l'administration avait la possibilité à tout moment de régulariser le vice de forme affectant le titre de perception contesté en émettant un nouveau titre précédé d'une procédure contradictoire régulière, et où il ne ressort pas de l'instruction que sa décision aurait été susceptible d'entraîner le reversement d'aides déclarées illégales à la société EDL, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Caen aurait méconnu l'obligation faite par le droit communautaire aux juridictions nationales de garantir la pleine effectivité de la décision de la Commission du 14 juillet 2004 ordonnant la récupération des aides illégales en censurant pour un motif de forme le titre de perception litigieux ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par l'intimée, tirée de l'irrecevabilité du recours présenté par l'adjointe à la directrice juridique, que le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a déchargé la société EDL de la somme de 52 963,30 euros mise à sa charge par le titre de perception du 8 mars 2013 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société EDL de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société EDL la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales et à la société EDL.

Délibéré après l'audience du 22 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président assesseur,

- M. Gauthier, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 janvier 2017.

Le rapporteur,

I. Le BrisLe président,

O. Coiffet

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°15NT01580


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01580
Date de la décision : 06/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCP DOREL LECOMTE MARGUERIE - DL2M

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-01-06;15nt01580 ?
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