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28/12/2016 | FRANCE | N°16NT00284

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 28 décembre 2016, 16NT00284


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 février 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté son recours dirigé contre la décision du 10 novembre 2011 du préfet de la Seine-Maritime ajournant à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1207419 du 10 juillet 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 février 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté son recours dirigé contre la décision du 10 novembre 2011 du préfet de la Seine-Maritime ajournant à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1207419 du 10 juillet 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 janvier 2016, Mme C...A..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 juillet 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 21 février 2012 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- en rejetant sa demande au motif qu'elle ne disposait pas de ressources suffisantes, le ministre a ajouté une condition à la loi et méconnu les stipulations de l'article 3 de la Constitution ainsi que celles des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du protocole 12 additionnel à cette convention et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 225-1 du code pénal ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le ministre n'a pas pris en compte les éléments attestant de son intégration à la société française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le protocole n° 12 à cette convention ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code pénal ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, Mme C...A..., ressortissante sénégalaise qui réside régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident, relève appel du jugement du 10 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 février 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté son recours dirigé contre la décision du 10 novembre 2011 du préfet de la Seine-Maritime ajournant à deux ans sa demande de naturalisation ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'insertion professionnelle du postulant, ainsi que le niveau et la stabilité de ses ressources ;

3. Considérant, en premier lieu, que pour ajourner la demande de naturalisation de MmeA..., le ministre chargé des naturalisations a estimé que l'intéressée dont les ressources étaient constituées pour l'essentiel de prestations sociales, ne présentait pas une autonomie matérielle suffisante ; que ce faisant, il a suffisamment motivé sa décision ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que MmeA..., qui ne peut utilement se prévaloir ni d'une formation suivie du 10 mars au 4 juillet 2014 pour " valoriser ses capacités ", ni d'un stage effectué du 2 au 20 juin 2014 au sein de la Croix Rouge Française en qualité d'auxiliaire de vie sociale, qui sont postérieurs à la décision contestée, se borne à soutenir qu'elle a élevé ses enfants et qu'elle est bien intégrée à la société française ; qu'il n'est pas contesté toutefois que ses ressources étaient à la date de la décision contestée essentiellement, voire exclusivement, constituées de prestations sociales ; qu'ainsi, le ministre, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation de l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite et qui, en prenant en compte le niveau de ses ressources, n'a pas ajouté aux conditions prévues par la loi, a pu estimer qu'elle ne présentait pas une autonomie matérielle suffisante pour faire droit à sa demande ; que par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir qu'en rejetant son recours dirigé contre la décision du préfet de la Seine-Maritime ajournant à deux ans sa demande de naturalisation, pour ce motif, il aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

5. Considérant, en troisième lieu, que le refus d'accorder la naturalisation, qui ne constitue pas un droit, à un étranger en raison de son absence d'autonomie matérielle ne constitue pas une discrimination de la nature de celles mentionnées à l'article 225-1 du code pénal ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que la décision contestée n'a pas pour objet de priver Mme A...du droit de vote reconnu par l'article 3 de la Constitution aux nationaux ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la décision contestée serait contraire à ces dispositions est inopérant et ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte des stipulations de son article 51 que la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse " aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union " ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 21 de cette charte ne peut être accueilli dès lors que la décision contestée ne met pas en oeuvre le droit de l'Union ;

8. Considérant, enfin, que la décision par laquelle est ajournée une demande de naturalisation n'est pas, par nature, susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale ; que, dès lors, Mme A...ne peut utilement invoquer la méconnaissance, par la décision contestée, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le refus d'accorder la naturalisation ne constitue pas davantage une discrimination dans l'accès à un droit fondamental ; qu'il suit de là que la requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article 14 de la même convention, non plus, en tout état de cause, que celle de l'article 1er du protocole n° 12 à cette convention ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de MmeA..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 décembre 2016.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°16NT00284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00284
Date de la décision : 28/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : SELARL MARY et INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-28;16nt00284 ?
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