Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... F...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 novembre 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours dirigé contre la décision du 6 mai 2014 du préfet de la Moselle rejetant sa demande de naturalisation.
Par une ordonnance n° 1502115 du 20 août 2015, le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 octobre 2015, Mme C...F..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes du 20 août 2015 ;
2°) d'annuler la décision du 27 novembre 2014 du ministre de l'intérieur ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande ;
4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Elle soutient que :
- sa demande d'aide juridictionnelle présentée le 26 novembre 2014, qui a fait l'objet d'une décision de caducité du 12 janvier 2015, a eu pour effet d'interrompre et de proroger le délai de recours contentieux a minima au 13 janvier 2015, rendant recevable sa demande enregistrée au greffe du tribunal administratif le 12 mars 2015 ;
- il n'est pas justifié que la décision contestée a été prise par une autorité compétente ;
- le ministre a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle a suivi toute sa scolarité en France et connaît tant les règles fondant la société française que les valeurs de la République.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il reconnaît que la demande de première instance présentée par Mme F...n'était pas irrecevable mais soutient que les moyens soulevés par l'intéressée ne sont pas fondés.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 70 % par une ordonnance du président de la cour du 13 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme C...F..., ressortissante algérienne résidant en France depuis 2005 avec sa famille, relève appel de l'ordonnance du 20 août 2015 par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté pour tardiveté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 novembre 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours dirigé contre la décision du 6 mai 2014 du préfet de la Moselle rejetant sa demande de naturalisation ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1991 : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, (...) l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : (...) b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande (...) " ; qu'ainsi, en cas de décision du bureau d'aide juridictionnelle constatant la caducité de la demande, le délai de recours contentieux recommence alors à courir à compter de la notification de cette décision ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le 26 novembre 2014, Mme C... F...a présenté une première demande d'aide juridictionnelle dans le cadre de la procédure relative à la décision du préfet de la Moselle du 6 mai 2014 rejetant sa demande de naturalisation ; que cette demande visait toutefois expressément le recours administratif préalable obligatoire introduit le 5 juin 2014 par l'intéressée contre cette décision, lequel avait été reçu par le ministre de l'intérieur le 12 juin 2014 ; qu'ainsi à la date d'introduction de sa demande d'aide juridictionnelle une décision implicite de rejet par le ministre de l'intérieur de son recours administratif préalable était intervenue ; que cette demande d'aide juridictionnelle a fait l'objet d'une décision constatant sa caducité le 12 janvier 2015 ; que le 12 mars 2015, Mme F...a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 27 novembre 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a explicitement rejeté son recours dirigé contre la décision du préfet de la Moselle du 6 mai 2014, laquelle s'est substituée à la décision implicite intervenue le 13 août 2014 ; que cette saisine du tribunal administratif, introduite dans le délai de recours contentieux de deux mois qui a recommencé à courir à compter de la notification de la décision constatant la caducité de sa demande d'aide juridictionnelle, n'était pas tardive ; que par suite, c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande pour irrecevabilité, en se référant à tort à la seconde demande d'aide juridictionnelle présentée le 25 février 2015 par Mme F...laquelle mentionnait la décision explicite du ministre du 27 novembre 2014 ; qu'il y a, dès lors, lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions de Mme F...tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur rejetant sa demande de naturalisation ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, le degré d'assimilation à la société française d'un postulant ;
5. Considérant que pour rejeter la demande de naturalisation présentée par MmeF..., le ministre chargé des naturalisations s'est fondé dans sa décision du 27 novembre 2014 sur le fait qu'au cours de son entretien d'assimilation qui s'est tenu le 5 décembre 2013, l'intéressé n'avait été en mesure de citer ni les grands repères de l'histoire de la France, ni les règles de vie en société, ni les principaux droits et devoirs liés à l'exercice de la citoyenneté française, ni d'indiquer la place de la France dans l'Europe et dans le monde ;
6. Considérant, en premier lieu, que, par une décision du 24 octobre 2013 régulièrement publiée au Journal officiel de la République française du 27 octobre 2013, M. A...D..., chef du premier bureau des naturalisations et signataire de la décision contestée, a reçu délégation de MmeE..., directeur de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité, à l'effet de signer, au nom du ministre de l'intérieur, tous actes, arrêtés et décisions relevant des attributions du bureau des naturalisations ; que la décision contestée a été signé par M. D..." pour le ministre et par délégation " en sa qualité de chef du bureau des naturalisations ; qu'il suit de là, et alors même que cette décision du 24 octobre 2013 n'était pas visée par le ministre, que le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté ;
7. Considérant, en second lieu, que MmeF..., qui est entrée en France en 2005 avec sa famille, se prévaut de l'obtention de plusieurs diplômes en France et notamment du baccalauréat dans la série économique et sociale en 2014, de son inscription en BTS " économie sociale familiale " au titre de l'année scolaire 2014/2015 et de l'attribution d'une bourse scolaire sur critères sociaux au titre de l'année universitaire 2015/2016 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'au cours de son entretien d'assimilation qui s'est déroulé le 5 décembre 2013, l'intéressée, en dépit de sa maîtrise de la langue française, n'a pu citer aucun acteur ou chanteur français, ni aucun film et a été dans l'incapacité de mentionner une période marquante de l'histoire de la France ; que si elle connaissait le nom du président de la République, et savait qu'il était le président de la Vème République et que la Marseillaise était l'hymne national, elle n'a su donner le nom d'aucun ministre ; que parmi les principes de la République, elle n'a pas évoqué le droit de vote et a éprouvé des difficultés à expliquer la notion de " laïcité " ; que la commission d'évaluation composée de trois personnes, a émis un avis défavorable à sa demande ; qu'ainsi, le ministre de l'intérieur, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation de l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, a pu rejeter sa demande sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la demande présentée par Mme F... tendant à l'annulation de la décision du 27 novembre 2014 du ministre de l'intérieur doit être rejetée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de MmeF..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande, doivent être rejetées ;
Sur l'aide juridictionnelle provisoire:
10. Considérant qu'aux termes de l'article 41 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 : " Lorsque la demande d'aide juridictionnelle est formée après que la partie concernée ou son mandataire a eu connaissance de la date d'audience et moins d'un mois avant celle-ci, il est statué sur cette demande selon la procédure d'admission provisoire. " ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, Mme F...a présenté une seconde demande d'aide juridictionnelle le 25 février 2013 ; que par une ordonnance du président de la cour du 13 juillet 2016, l'intéressée a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à hauteur de 70 % ; que par suite, les conclusions de la requérante, qui en tout état de cause est la partie perdante dans la présente affaire, tendant à ce qu'elle soit admise à l'aide juridictionnelle provisoire, sont devenues sans objet ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1502115 du 20 août 2015 du président du tribunal administratif de Nantes est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... F...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 décembre 2016.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT03200