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28/12/2016 | FRANCE | N°15NT01568

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 28 décembre 2016, 15NT01568


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...I...épouse B...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France à son recours exercé contre la décision des autorités consulaires françaises à Tananarive du 14 mai 2012 rejetant les demandes de visa de long séjour présentées pour O... P... E...et O... E...Lorio Ramiandrisoa en qualité d'enfant mineur ou à charge de ressortissant français.


Par un jugement n° 1208934 du 23 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...I...épouse B...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France à son recours exercé contre la décision des autorités consulaires françaises à Tananarive du 14 mai 2012 rejetant les demandes de visa de long séjour présentées pour O... P... E...et O... E...Lorio Ramiandrisoa en qualité d'enfant mineur ou à charge de ressortissant français.

Par un jugement n° 1208934 du 23 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 19 mai 2015, 9 février 2016 et 5 décembre 2016, Mme G...I...épouse B...C..., représentée par Me Cloarec, demandent à la cour en l'état de ses dernières écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 décembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, aux autorités consulaires françaises, de délivrer à O... P... E...et O... E...Lorio Ramiandrisoa un visa dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) subsidiairement, de surseoir à statuer dans l'attente des résultats de l'expertise génétique qui sera ordonnée afin d'établir le lien de filiation de O... P... E...et de O... E... Lorio Ramiandrisoa à son égard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Cloarecau titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision du consulat général de France à Tananarive est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation quant au lien de filiation des enfants avec leur mère ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 3.1 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant.

- il est demandé à la cour, le cas échéant, de surseoir à statuer dans l'attente des résultats de la procédure en établissement de filiation qu'elle a engagée devant le tribunal de grande instance de Sens ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de autorités consulaires est inopérant dès lors que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est substituée à celle-ci ; qu'en tout état de cause, le moyen n'est pas fondé dès lors que l'intéressée n'a pas sollicité la communication des motifs auprès de la commission comme le prévoit l'article 5 de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant est inopérant à l'égard des décisions de refus de visas ;

- les autres moyens de la requête de Mme B...C...ne sont pas fondés.

Mme B...C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L'hirondel,

- et les observations MeF..., représentant Mme G...I...épouse B...C....

1. Considérant que Mme B...C..., de nationalité malgache, a épousé le 15 mai 2003 à Tananarive (République de Madagascar), M. K... B...C..., de nationalité française ; qu'elle est entrée en France en 2006 en qualité de conjointe de français et a obtenu la nationalité française en 2012 ; qu'elle a sollicité, le 30 janvier 2012 auprès de l'office Français de l'Immigration et de l'Intégration, une demande de regroupement familial pour O... P...E..., né le 24 mars 1994, et O... E...Lorio Ramiandrisoa, né le 26 novembre 1995 ; que cette demande a été rejetée par une décision du 1er février 2012 eu égard à la nationalité française de la requérante ; que Mme B...C...a alors sollicité la délivrance d'un visa de long séjour pour ces deux enfants auprès du consulat de France à Tananarive ; que cette demande a été rejetée par deux décisions du 14 mai 2012 ; que, le 3 juillet 2012, la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été saisie d'un recours contre ces décisions consulaires, lequel a été implicitement rejeté ; que Mme B...C...a introduit devant le tribunal administratif de Nantes, le 18 septembre 2012, une requête tendant à l'annulation de la décision implicite de la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que par un jugement n°1208934 du 23 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que Mme B...C...relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que pour refuser les visas sollicités, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le fait que l'authenticité des actes de naissances produits pour les enfants O... P... E...et O... E...Lorio Ramiandrisoa pouvait être mise en doute, dès lors que l'acte de naissance concernant O... P... E...était inséré dans un registre agrafé et composé de feuillets de couleurs différentes alors que celui de O... E...Lorio Ramiandrisoa, portant le n° 1006, se trouvait dans un registre composé de feuillets de couleurs différentes comportant neuf pages vierges entre l'acte 998 et l'acte 1006 ; que l'administration a également retenu que ces actes ne comportent ni la signature du déclarant ni celle de l'officier d'état civil en méconnaissance de l'article 27 de la loi malgache n° 61.025 du 9 octobre 1961 relative aux actes de l'état civil, que sur ces mêmes actes, le prénom de la mère "Valentine" a été barré pour être remplacé en marge par celui d'"Ernestine" alors que cette rectification n'est ni datée ni signée et qu'aucune décision de justice n'est mentionnée en méconnaissance de l'article 13 de la même loi, et qu'enfin, la date de naissance de la mère portée sur les actes de naissance des enfants, à savoir celle du 1er janvier 1975, ne concorde pas avec celle du 31 janvier 1975 portée sur l'acte de naissance de Mme B...C... ;

3. Considérant, toutefois, qu'il ressort de l'ensemble des pièces du dossier, que tant le prénom que la date de naissance de la mère des enfants ont fait l'objet d'une rectification qui a été portée sur les actes d'état civil de ces derniers ; que, par ailleurs, compte tenu des difficultés de tenue de l'état-civil en république de Madagascar, les erreurs matérielles qui entachent les registres dans lesquels sont insérés les actes d'état civil n'affectent pas, à elles seules, compte tenu de leur nature, la valeur probante de ces documents ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 46 du code civil : " Lorsqu'il n'aura pas existé de registres, ou qu'ils seront perdus, la preuve en sera reçue tant par titres que par témoins ; et, dans ces cas, les mariages, naissances et décès pourront être prouvés tant par les registres et papiers émanés des pères et mères décédés, que par témoins " ; que l'article 311-14 du même code dispose que " la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant (...) " ; que selon l'article 34 de la loi n°63-022 du 20 novembre 1963 sur la filiation, l'adoption, le rejet et la tutelle applicable en République de Madagascar : " A défaut d'acte de naissance, la filiation peut être établie par la possession d'état " ; qu'aux termes de l'article 35 de la même loi : " La possession d'état est la réunion de faits constants démontrant qu'un individu est traité et considéré comme son enfant par la personne à laquelle il prétend se rattacher, et reconnu pour tel par sa famille et par la société " ; qu'aux termes de l'article 36 de ladite loi : " La possession d'état se prouve par tous moyens, même par présomptions " ;

5. Considérant qu'à la date de la naissance des enfants pour lesquels la requérante a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour, Mme B...C...était de nationalité malgache ; qu'elle doit être regardée, en alléguant les liens de filiation qui l'unissent aux enfants, comme invoquant les dispositions de l'article 46 du code civil sur la preuve de la filiation au moyen de la possession d'état ; que ce moyen de preuve peut être admis dès lors qu'il était autorisé à la date de naissance des enfants en République de Madagascar ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les enfants O... P... E...et O... E...Lorio Ramiandrisoa résident depuis que Mme B...C...a quitté Madagascar chez la mère de cette dernière, leurs pères respectifs ne les ayant pas reconnu, ni participé à leur entretien et à leur éducation ; que, par ailleurs, Mme B...C...établit adresser très régulièrement, depuis au moins avril 2008, des sommes d'argent à son frère, M. JeanK...J..., alors qu'il ne ressort pas de ces mêmes pièces que ces virements auraient d'autres fins que de subvenir aux besoins des enfants ; que si les messages échangés sur le réseau internet " Facebook " sont récents, les dialogues font, toutefois, ressortir un lien d'affection très fort entre les intervenants, lesquels utilisent régulièrement les termes de " mon fils " ou " maman " pour s'interpeller ; qu'enfin, Mme B...C...produit les attestations du médecin et de la sage-femme, dont les noms sont reportés sur les actes de naissance comme témoins, selon lesquelles l'intéressée a bien donné naissance aux deux enfants dont il s'agit ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commission de recours contre les décisions de refus de visa a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en fondant les refus opposés sur l'absence d'authenticité du lien de filiation entre Mme B...C...et ses enfants O... P... E...et O... E...Lorio Ramiandrisoa ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, Mme B...C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire délivrer à M. JeanRickyE...et à M. JeanE...M...un visa d'entrée et de long séjour en France, en qualité d'enfants mineurs d'un ressortissant de nationalité française, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Considérant que Mme B...C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocate de Mme B...C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Cloarec de la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1208934 du 23 décembre 2014 du tribunal administratif de Nantes et la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme B...C...dirigé contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 14 mai 2012 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. JeanRickyE...et à M. JeanE...M...un visa d'entrée et de long séjour en France dans un délai d'un mois à compter de la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...C...est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à Me Cloarecla somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...I...épouse B...C...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Millet, président,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 décembre 2016.

Le rapporteur,

M. L'HIRONDELLe président,

J-F. MILLET

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT01568


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01568
Date de la décision : 28/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MILLET
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : BARDOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-28;15nt01568 ?
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