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23/12/2016 | FRANCE | N°15NT03651

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 23 décembre 2016, 15NT03651


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 8 avril 2015 du préfet de la Sarthe refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1506901 du 12 novembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 décembre 2015, le préfet de la Sarthe demande

à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 novembre 2015 ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 8 avril 2015 du préfet de la Sarthe refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1506901 du 12 novembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 décembre 2015, le préfet de la Sarthe demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 novembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Il soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, l'absence de nouvelle saisine du médecin de l'agence régionale de santé n'entache pas d'irrégularité sa décision de refus de délivrance de titre de séjour et que les autres moyens présentés en première instance par M. B...ne sont pas fondés ;

Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2016, M. B..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de celui-ci à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le préfet de la Sarthe ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 1er février 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que le préfet de la Sarthe relève appel du jugement du 12 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 8 avril 2015 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, que lorsque un étranger justifie, à l'appui de sa demande de titre de séjour, d'éléments suffisamment précis sur la nature et la gravité des troubles dont il souffre, le préfet est tenu, préalablement à sa décision, de recueillir l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

3. Considérant que M. B... a sollicité le 15 novembre 2012 son admission au séjour au titre de l'asile puis présenté, le 12 novembre 2013, une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'après avoir sollicité l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet de la Sarthe a, par une décision du 4 février 2014, régulièrement notifiée le 6 février 2014 à l'intéressé qui ne l'a pas contestée, rejeté cette seconde demande ; que, par l'arrêté contesté du 8 avril 2015, le préfet a notamment rejeté la première demande de titre de séjour présentée le 15 novembre 2012 au titre de l'asile par M. B... ; qu'à supposer même qu'en indiquant dans cet arrêté que l'intéressé n'entrait " dans aucun cas de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du CESEDA ", le préfet de la Sarthe ait entendu lui refuser à nouveau la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L.313-11 précité de ce code, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que M. B...aurait, postérieurement à la décision du 4 février 2014 rejetant sa demande de titre de séjour pour raisons médicales, présenté une nouvelle demande en se prévalant de quelconques éléments relatifs à son état de santé ; que, dans ces conditions, le préfet de la Sarthe n'était pas tenu de recueillir l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; qu'il est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 8 avril 2015 par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... au motif que cette décision aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière, ainsi que, par voie de conséquence, l'ensemble de l'arrêté du même jour ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif ;

5. Considérant que, par un arrêté du 21 août 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Sarthe a donné délégation à Mme Marie-Paule Fournier, secrétaire général de la préfecture et signataire de l'arrêté contesté, à l'effet notamment de signer " tous arrêtés, décisions, circulaires et avis relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Sarthe ", à l'exception de certains actes limitativement énumérés au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers ; que dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur du refus de titre de séjour manque en fait ;

6. Considérant que la décision contestée du 8 avril 2015 portant refus de titre de séjour n'a pas été prise pour l'application de celle du 4 février 2014 par laquelle le préfet de la Sarthe a rejeté la demande de titre de séjour par M. B... sur le fondement des dispositions du 11 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette dernière décision, au demeurant devenue définitive, ne constitue pas davantage la base légale du refus de séjour du 8 avril 2015 ; que, par suite, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de ses conclusions dirigées contre cette dernière décision, de l'illégalité de la décision précitée du 4 février 2014 ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo entré irrégulièrement en France en 2012, est dépourvu d'attaches familiales en France et a vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans dans son pays d'origine, où réside sa famille et notamment ses deux enfants ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et, notamment, des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé en France, les décisions contestées portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'ont pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; que, dès lors, en prenant ces décisions, le préfet de la Sarthe n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet n'a pas davantage entaché sa décision portant refus de titre de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

8. Considérant que si M. B... soutient qu'il souffre de pathologies ostéo-articulaires invalidantes se manifestant par des douleurs lombaires et aux jambes et que son état de santé a été jugé incompatible avec de longs trajets par un médecin rhumatologue, l'intéressé n'établit pas avoir fait l'objet d'une prise en charge médicale à ce titre au-delà du mois de juin 2014 ; que si M. B... soutient également souffrir de troubles psychiques liés à des événements traumatisants qu'il aurait vécus dans son pays d'origine et qui nécessitent une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne ressort ni des certificats médicaux ni des autres documents produits par l'intéressé, et notamment du rapport du 16 mai 2013 de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés, dont il ressort qu'il existe une offre en soins psychiatriques en République Démocratique du Congo et que des psychotropes sont disponibles en pharmacie, et alors que les éléments recueillis par le préfet de la Sarthe auprès de l'ambassade de France à Kinshasa font état d'une prise en charge correcte dans cette ville de la pathologie psychiatrique et des syndromes de stress post-traumatiques ainsi que d'une disponibilité des médicaments inscrits à la pharmacopée belge et française ou de leurs équivalents importés depuis l'Inde, que l'intéressé ne pourrait bénéficier d'un traitement médical approprié à la pathologie dont il souffre dans son pays d'origine ; qu'il n'est pas davantage établi par les pièces du dossier qu'il existerait entre les troubles dont souffre M. B... et des événements qu'il aurait vécus dans son pays d'origine un lien qui serait de nature à rendre impossible, en l'espèce, un traitement approprié dans ce pays ; que, dès lors, en obligeant l'intéressé à quitter le territoire français, le préfet de la Sarthe n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant que, si M. B... soutient avoir quitté la République démocratique du Congo en 2012 après avoir subi trois mois d'emprisonnement et de sévices en raison de son engagement au sein du parti d'opposition "Union pour la Démocratie et le Progrès Social" (UDPS), l'intéressé, dont la demande d'asile a été rejetée par une décision du 27 août 2013 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 17 juillet 2014 de la Cour nationale du droit d'asile, laquelle a relevé le caractère non circonstancié de ses explications, n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément probant de nature à établir ni qu'il serait personnellement exposé à des risques graves et actuels en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, M. B... n'établit pas être dans l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ; que, par suite, la décision contestée fixant le pays de destination n'a été prise en méconnaissance ni des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 8 avril 2015 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination et lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois ; que la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes doit être rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la demande de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intéressé ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au conseil de M. B... d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1 : Le jugement 1506901 du 12 novembre 2015 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... B....

Copie en sera adressée au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Gauthier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 décembre 2016

Le rapporteur,

O. Coiffet

Le président,

I. Perrot

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 15NT036512


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03651
Date de la décision : 23/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : MOUTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-23;15nt03651 ?
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