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16/12/2016 | FRANCE | N°16NT01920

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 16 décembre 2016, 16NT01920


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2015 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1601341 du 31 mai 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Sarthe de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de

séjour et mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2015 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1601341 du 31 mai 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Sarthe de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour et mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juin 2016, le préfet de la Sarthe demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 mai 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A... n'est pas contraire au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'il en justifie en démontrant l'existence d'un traitement approprié à la pathologie de l'intéressé dans le pays dont il est ressortissant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2016, M. A..., représenté par Me Pronost, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à tout le moins, de lui enjoindre de procéder, dans le même délai, à un nouvel examen de sa situation ;

3°) d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il s'en rapporte à l'ensemble de son argumentation de première instance et fait, en outre, valoir que :

- il remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision portant refus de titre de séjour sur sa situation personnelle.

M. A... a formé une demande d'aide juridictionnelle enregistrée le 17 novembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant angolais né le 10 novembre 1984, est entré en France, selon ses déclarations, le 18 décembre 2013 ; que le préfet de la Sarthe relève appel du jugement du 31 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de M.A..., annulé son arrêté du 17 décembre 2015 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour et mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Considérant que, d'une part, aux termes de l'article 41 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsque la demande d'aide juridictionnelle est formée après que la partie concernée ou son mandataire a eu connaissance de la date d'audience et moins d'un mois avant celle-ci, il est statué sur cette demande selon la procédure d'admission provisoire. " ; que, d'autre part, aux termes de l'article 8 de cette loi : " Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours. " ;

3. Considérant que M.A..., qui a bénéficié de l'aide juridictionnelle en première instance, a formé une demande d'aide juridictionnelle le 17 novembre 2016 ; qu'il y a lieu de statuer à titre provisoire sur cette demande et de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...) " ;

5. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

6. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d 'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

7. Considérant que, par un avis rendu le 8 octobre 2015, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé, d'une part, que l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, qu'il n'existe pas de traitement approprié pour cette prise en charge dans son pays d'origine ; que le préfet de la Sarthe, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer à l'intéressé le titre de séjour demandé au motif que la prise en charge médicale de l'intéressé pouvait avoir lieu en Angola dans la mesure où il existe une clinique psychiatrique à Luanda et que les traitements y sont gratuits et disponibles ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...souffre de troubles psychiatriques sévères ; que son état de santé nécessite un traitement médicamenteux ainsi qu'un suivi psychothérapeutique soutenu et régulier ; que le préfet de la Sarthe, qui ne conteste pas qu'un défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, entend justifier de l'existence en Angola d'un traitement approprié aux besoins de l'intéressé en produisant la fiche sanitaire de l'Angola établie en 2006 par les services du ministère de l'intérieur ainsi qu'une analyse réalisée en 2013 par l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) ; que, toutefois, il ressort de ces documents que l'offre de soins en psychiatrie se limite en Angola à un seul établissement public situé à Luanda ; que le rapport de l'OSAR fait état d'une pénurie de personnel qualifié dans le domaine des soins psychiatriques et précise qu'il a été recensé, en 2011, " 0,02 psychiatre pour 100 000 personnes soit 3,4 psychiatres à disposition, pour une population estimée à 17 millions d'habitants " ; qu'ainsi, le préfet n'apporte pas la preuve que l'offre de soins psychiatriques en Angola permettrait à M. A..., qui est reçu en consultation par son psychiatre tous les quinze jours, de bénéficier d'une psychothérapie appropriée à son état de santé ; qu'il suit de là que le préfet de la Sarthe n'apporte pas la preuve de l'existence en Angola d'un traitement approprié à l'état de santé de M.A... ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 17 décembre 2015 et lui a enjoint de délivrer à M. A...une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête du préfet de la Sarthe, n'appelle aucune mesure d'exécution autre que la délivrance à M. A...d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que le tribunal a déjà prononcé une injonction en ce sens ; que les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. A...ne peuvent, dès lors, être accueillies ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pronost, avocat de M. A..., de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Pronost renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État ;

DÉCIDE :

Article 1er : M. A...est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête du préfet de la Sarthe est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Pronost la somme de 1 500 euros, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Pronost renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M.A....

Une copie sera adressée au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, où siégeaient :

- M. Bataille, président,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Bougrine, conseiller.

Lu en audience publique, le 16 décembre 2016.

Le rapporteur,

K. BougrineLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01920


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01920
Date de la décision : 16/12/2016
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : PRONOST

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-16;16nt01920 ?
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