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16/12/2016 | FRANCE | N°15NT03149

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 16 décembre 2016, 15NT03149


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Daunat Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qu'elle a acquittée au titre de l'année 2012.

Par un jugement no 1304482 du 28 août 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2015, la société Daunat Bretagne, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annule

r ce jugement du 28 août 2015 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de lui accorder la restitution ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Daunat Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qu'elle a acquittée au titre de l'année 2012.

Par un jugement no 1304482 du 28 août 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2015, la société Daunat Bretagne, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 août 2015 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de lui accorder la restitution demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés en première instance et une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés en appel en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, qui la privent, à compter du 11 juillet 2012, de la possibilité de contester l'absence de définition des modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ont porté atteinte au principe général du droit communautaire de sécurité juridique, au droit à un procès équitable, au droit à un recours effectif garanti par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au droit au respect de ses biens garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

- les dispositions de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, en distinguant selon que les contribuables ont déposé leur demande de restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée avant ou après le 11 juillet 2012, méconnaissent les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens tirés de la méconnaissance de dispositions ou de principes constitutionnels, qui ne peuvent être présentés que dans un mémoire distinct, sont irrecevables ; au surplus, les dispositions de l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ont été jugées conformes à la Constitution ;

- les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être utilement invoquées en matière fiscale ;

- les autres moyens soulevés par la société Daunat Bretagne ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que, par une décision du 9 octobre 2013, le directeur départemental des finances publiques des Côtes-d'Armor a rejeté la réclamation du 11 juin 2013 par laquelle la société Daunat Bretagne a sollicité auprès de l'administration fiscale la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont elle s'était acquittée spontanément au titre de l'année 2012 ; que cette société relève appel du jugement du 28 août 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la restitution de cette taxe ;

Sur les conclusions à fin de restitution :

2. Considérant que la société Daunat Bretagne précise que sa requête d'appel ne doit pas être interprétée comme " comportant une question prioritaire de constitutionnalité " et demande à la cour d'apprécier la conformité des dispositions de l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 " au regard du seul droit de l'Union européenne et du droit du Conseil de l'Europe " ;

3. Considérant que la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont il est demandé la restitution a été liquidée sur le fondement des dispositions de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ; que le I de l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 a introduit, après les huit premiers alinéas du III de cet article 1600 du code général des impôts, un 1 bis précisant les modalités de recouvrement de cette taxe additionnelle ; que le II de ce même article 39 précise que : " Le I s'applique aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, sous réserve des impositions contestées avant le 11 juillet 2012 " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. " ; qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ;

5. Considérant que, par une décision n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit les dispositions des huit premiers alinéas du III de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2011, au motif que celles-ci ne prévoyaient pas les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; que, toutefois, à la date à laquelle la société requérante a introduit sa réclamation, le 11 juin 2013, l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative était entré en vigueur ; que les dispositions du I de cet article définissent explicitement les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle ; que les dispositions de son II, lesquelles ont été, au demeurant, jugées conformes à la Constitution, par une décision n° 2013-327 QPC du 21 juin 2013 du Conseil constitutionnel, prévoient une application rétroactive aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, en vue de prévenir les contestations à compter du 11 juillet 2012 ; que, par suite, la société requérante ne pouvait se prévaloir, à cette date, d'une espérance légitime d'obtenir la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises acquittée au titre de l'année 2012 ; que, dès lors, elle ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des termes mêmes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le principe de non-discrimination qu'il édicte ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus par cette convention et par les protocoles additionnels à celle-ci ; qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, la société Daunat Bretagne ne peut se prévaloir d'un droit protégé par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; que, dès lors, elle ne peut utilement invoquer les stipulations combinées de l'article 14 à cette convention avec celles de cet article ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. " ; que si la société Daunat Bretagne soutient que les dispositions du II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative méconnaissent, du fait de leur caractère rétroactif, cette stipulation, il ressort des termes mêmes de celle-ci qu'elle ne peut être invoquée que lorsqu'est en cause un droit ou une liberté reconnu par cette convention ; que la société requérante n'invoquant, dans ses écritures, la méconnaissance d'aucun autre droit ainsi protégé que ce droit au recours effectif de l'article 13, ce moyen doit être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'en soutenant que les dispositions du II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative méconnaissent le droit à un procès équitable, la société requérante doit être regardée comme invoquant la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, cependant, ces stipulations ne peuvent être utilement invoquées pour contester les droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en litige devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire ; que tel n'est pas le cas, en l'espèce, de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions du II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative ont méconnu ce principe doit être écarté comme inopérant ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Daunat Bretagne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Daunat Bretagne des sommes qu'elle demande au titre des frais exposés tant en appel qu'en première instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Daunat Bretagne est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Daunat Bretagne et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 décembre 2016.

Le rapporteur,

L. CholletLe président,

F. BatailleLe greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 15NT031492


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03149
Date de la décision : 16/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : MEHINAGIC

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-16;15nt03149 ?
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