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14/12/2016 | FRANCE | N°15NT03317

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 14 décembre 2016, 15NT03317


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 octobre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a maintenu la décision préfectorale de rejet de sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1300446 du 10 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 octobre 2015, les 14 avril et 29 septembre 2016, MmeD..., représentée par MeC

..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 octobre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a maintenu la décision préfectorale de rejet de sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1300446 du 10 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 octobre 2015, les 14 avril et 29 septembre 2016, MmeD..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 juin 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 5 octobre 2012 ;

3°) d'enjoindre au ministre de lui accorder la nationalité française dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer sa demande de naturalisation, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la décision contestée a été signée par une autorité incompétente ; elle est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle réside en France depuis 1992 et n'a plus d'attache en Tunisie ; la circulaire du 16 octobre 2012, bien que dépourvue de caractère réglementaire, va dans le sens de l'évolution législative sur l'appréciation du séjour irrégulier, dont le délit a été supprimé par la loi du 31 décembre 2012 ; le séjour irrégulier, datant de 2003 est particulièrement ancien ;

- elle dispose d'un logement stable et règle ses loyers depuis 2009 ; elle suit des cours d'alphabétisation et a fait d'importants progrès ; les montants alloués au titre des allocations de logement et du revenu de solidarité active sont minimes alors qu'elle a travaillé de 2008 à 2012.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 novembre 2015 et le 15 juin 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- il renvoie à ses écritures de première instance qu'il reprend subsidiairement,

- à titre subsidiaire, il est fondé à demander une substitution de motifs, en raison du défaut d'autonomie matérielle de la requérante.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Buffet, rapporteur.

1. Considérant que Mme D..., ressortissant tunisienne, relève appel du jugement du 10 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 octobre 2012 du ministre de l'intérieur, rejetant sa demande de naturalisation ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant, ainsi que le caractère suffisant et durable des ressources qui lui permettent de demeurer en France ;

3. Considérant que, pour rejeter la demande de naturalisation de Mme D..., le ministre de l'intérieur, s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressée avait séjourné irrégulièrement sur le territoire français de 1992 à 2003 ;

4. Considérant que si le ministre peut, sans erreur de droit, opposer le motif tiré d'un séjour irrégulier pour ajourner ou rejeter la demande de naturalisation du postulant, il ne saurait, en l'absence de toute autre circonstance, retenir ce seul motif lorsque l'ancienneté des faits est telle qu'elle est de nature à entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...a séjourné irrégulièrement sur le territoire français entre les mois de novembre 1992 et de mai 2003, soit pendant plus de dix ans ; qu'elle séjourne régulièrement sur ce territoire depuis le 19 mai 2003 ; qu'eu égard à l'ancienneté de ces faits, dont le terme remonte à plus de neuf ans à la date de la décision contestée, ils n'étaient pas de nature à justifier, sans erreur manifeste d'appréciation, le rejet de la demande de l'intéressée ;

5. Considérant, toutefois, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision, sous réserve toutefois que la substitution de motifs ne prive pas la requérante d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

6. Considérant que le ministre demande en appel qu'au motif erroné de la décision contestée soit substitué le motif tiré du défaut d'autonomie matérielle de MmeD... ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a perçu, à titre de salaires, les sommes de 7877 euros en 2008, 11140 euros en 2009, 6789 euros en 2010, 294 euros en 2011 et 612 euros en 2012 ; qu'il n'est pas établi que le contrat d'employée de maison signé le 13 février 2012, pour une durée hebdomadaire de cinq heures, a été prorogé au-delà de la période d'essai ; qu'il résulte de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce motif ; que, par suite, il y a lieu de procéder à la substitution de motifs demandée par le ministre, qui n'a pas pour effet de priver MmeD... d'une garantie de procédure ;

2. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MmeD... en première instance et en appel ;

3. Considérant en premier lieu, que Mme B...A..., attachée d'administration des affaires sociales au second bureau des naturalisations, justifie d'une délégation de signature en date du 31 mai 2012, régulièrement publiée au Journal officiel de la République française du 3 juin 2012 suivant, du directeur de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté nommé par décret du 15 juillet 2009, publié au Journal officiel de la République française du 16 juillet suivant ; que, conformément aux dispositions de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 susvisé, le directeur de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté dispose de la délégation pour signer au nom du ministre chargé des naturalisations, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la décision contestée comporte l'indication des considérations de droit et de fait en constituant le fondement ; qu'elle est ainsi régulièrement motivée ;

10. Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de ce que le décret du 30 décembre 1993 susvisé n'est pas conforme à la Constitution et ne peut donc être opposé à MmeD... n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sauraient, par suite, être accueillies ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président assesseur,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 décembre 2016.

Le rapporteur,

C. BUFFET Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT03317


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03317
Date de la décision : 14/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : SCP IPSO FACTO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-14;15nt03317 ?
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