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14/12/2016 | FRANCE | N°15NT01469

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 14 décembre 2016, 15NT01469


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 28 novembre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 8ème section d'inspection du Loiret de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre a, dans son article 2, accordé à la société Ibiden l'autorisation de le licencier ;

Par un jugement n° 1302786, 1400288 du 12 mars 2015, le tribunal administratif d'Orléans a, après avoir joint les requê

tes présentées devant lui, prononcé, par un article 1er, un non lieu à statuer su...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 28 novembre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 8ème section d'inspection du Loiret de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre a, dans son article 2, accordé à la société Ibiden l'autorisation de le licencier ;

Par un jugement n° 1302786, 1400288 du 12 mars 2015, le tribunal administratif d'Orléans a, après avoir joint les requêtes présentées devant lui, prononcé, par un article 1er, un non lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 1er août 2013, et par un article 2, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 28 novembre 2013, en tant que par son article 2, elle accordait à la société Ibiden DPF France l'autorisation de licencier M. A...pour motif économique.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2015, la société Ibiden DPF France, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 12 mars 2015 ;

2°) de rejeter la demande n° 1400288 présentée par M. A...devant le tribunal administratif d'Orléans ;

Elle soutient que :

- la compétitivité de la société Ibiden DPF France était menacée compte tenu de l'augmentation du prix de revient qui trouve son origine notamment dans le déséquilibre constaté entre la main d'oeuvre directe (MOD) et la main d'oeuvre indirecte (MOI), cette dernière ne devant pas excéder un taux de 30% ;

- la réorganisation de l'entreprise, impliquant le licenciement des salariés refusant la modification de leur contrat de travail, a eu uniquement pour objet de réduire la part de la main d'oeuvre indirecte en augmentant le nombre des salariés affectés à la production afin de retrouver une situation conforme à celle du secteur d'activité des filtres à particules ;

- il ressort du rapport d'expertise de M. B...de mai 2015, que, dans un marché de l'automobile fortement concurrentiel et en crise, les pertes récurrentes générées par la société Ibiden DPF France absorbaient pour partie les profits générés par les entités japonaises et hongroises et constituaient ainsi une menace potentielle pour le développement voire la survie à terme de la division céramique du groupe ;

- dans ces conditions, les licenciements mis en oeuvre par la société Ibiden DPF France, dont celui de M.A..., reposaient bien sur une cause économique réelle et sérieuse ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2015, M.A..., représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Ibiden DPF France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le motif économique allégué de son licenciement n'est pas fondé puisque les résultats du secteur céramique du groupe ne permettaient pas d'établir une menace sur sa compétitivité ;

- la réorganisation de l'entreprise n'avait d'autre objet que de réduire les coûts de main d'oeuvre et de faire des économies de masse salariale ;

- les résultats d'exploitation d'Ibiden France étaient positifs, à la date de la décision contestée, soit en octobre et novembre 2013 ;

- en outre, l'autorisation de licenciement pouvait être annulée pour d'autres motifs dès lors qu'elle souffrait d'un défaut de motivation, que le principe du contradictoire n'avait pas été respecté et que la recherche de reclassement n'avait pas été menée loyalement ;

Une mise en demeure a été adressée le 26 août 2015 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Par ordonnance du 27 mai 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 juin 2016 à 12 heures ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Millet,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

1. Considérant que la société Ibiden DPF France a son siège à Courtenay dans le Loiret ; qu'elle appartient au groupe Ibiden Co, groupe japonais, dont les activités sont liées à l'électronique et à la céramique ; que la société Ibiden DPF France intervient dans la branche céramique du groupe ; que son activité consiste en la fabrication de filtres à particules pour moteur diesel ; qu'elle employait au 31 mars 2013, 271 salariés en contrat à durée indéterminée (CDI) dont M.A..., membre suppléant du comité d'entreprise, en qualité de technicien process ; que la société Ibiden DPF France a informé le comité d'entreprise le 17 janvier 2013 de la mise en place d'un plan de réorganisation de l'entreprise ; qu'un plan de sauvegarde de l'emploi a été adopté par la société qui prévoyait la suppression de 60 emplois et le licenciement des 35 salariés ayant refusé une modification d'emploi, dont M. M.A... ; que le comité d'entreprise s'est réuni le 20 juin 2013 et a émis un avis défavorable au licenciement de l'intéressé ; que la société Ibiden DPF France a sollicité l'autorisation de licencier M. A...par courrier du 21 juin 2013, complété par un courrier du 15 juillet 2013 ; que l'inspecteur du travail, par une décision du 1er août 2013, a accordé à la société Ibiden l'autorisation de licencier M.A... ; que cette décision étant entachée d'incompétence, l'inspecteur du travail a pris une nouvelle décision le 28 novembre 2013 aux termes de laquelle il a, dans un article 1er, retiré sa décision du 1er août 2013 et, dans un article 2, accordé à nouveau l'autorisation de licencier M. A...; que, par jugement du 12 mars 2015, le tribunal administratif d'Orléans, saisi par M. A...de deux requêtes dirigées l'une contre la décision du 1er août 2013 et l'autre contre celle du 28 novembre 2013, a prononcé, par un article 1er, un non lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 1er août 2013 et annulé, par un article 2, la décision de l'inspecteur du travail du 28 novembre 2013 autorisant son licenciement ; que la société Ibiden DPF France relève appel de l'article 2 de ce jugement ;

Sur la légalité de la décision du 28 novembre 2013 :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement d'un salarié protégé, qui bénéficie, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'il représente, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques " ; que, lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique ; que si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le groupe Ibiden a subi une diminution brutale et importante de son chiffre d'affaires à compter de l'exercice clos le 31 mars 2008 avant que celui-ci ne se stabilise ; que les résultats d'exploitation du groupe dans le secteur céramique montrent la même évolution avec une forte baisse des ventes des filtres à particules pour véhicules diesel à compter de l'exercice clos le 31mars 2010, puis une stabilisation à compter de l'exercice clos au 31 mars 2011 avec un résultat positif atteignant 52 millions d'euros ; que si le chiffre d'affaires de la division céramique est resté stable lors des exercices clos au 31 mars 2012 et au 31 mars 2013 à hauteur d'environ 654 millions d'euros, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de l'expert-comptable produit en appel par la société Ibiden, que le résultat d'exploitation du secteur est tombé à 2 168 millions de yens au 31 mars 2013, soit environ 18,8 millions d'euros ; que l'expert note également que, sur le même exercice 2012/2013, la société Ibiden DPF France, qui était bénéficiaire sur l'exercice clos le 31 mars 2012, " génére une perte de 418 millions de JPY absorbant ainsi 13% des profits générés par la Hongrie et le Japon ", autres pays accueillant des entreprises du groupe oeuvrant dans le même secteur de la fabrication des filtres à particules ; que la société Ibiden indique par ailleurs que la perte d'exploitation constatée en France au 31 mars 2013 (de l'ordre de 4 985 280 euros et non de 8 985 280 euros comme indiqué dans la demande d'autorisation de licenciement) a pour origine un déséquilibre entre la main d'oeuvre directe liée à la production (MOD) et la main d'oeuvre indirecte (MOI) qui ne saurait dépasser un taux de 30 % et qu'il convient en conséquence de réduire les postes non liés à la production afin de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité ;

5. Considérant qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que si le résultat d'exploitation de l'entreprise Ibiden France a été négatif lors de l'exercice clos au 31 mars 2013, le chiffre d'affaires du secteur céramique du groupe est resté positif malgré la baisse annuelle des prix d'achat, la diminution du volume des ventes et plus généralement le contexte difficile du secteur de l'automobile ; que le résultat d'exploitation de la division céramique est également resté positif et a retrouvé son niveau de l'exercice 2010 à la fin de l'exercice 2013 ; qu'en outre, à la date de la décision contestée, les résultats d'exploitation de la société Ibiden France elle-même commençaient à être plus favorables depuis octobre 2013 ; que, par ailleurs, le secteur d'activité du groupe n'est plus concurrencé par la société Saint-Gobain depuis mai 2013 et bénéficiera d'un nouveau client depuis l'arrivée de l'entreprise Renault SA en septembre 2012 avec le redémarrage de la 4ème ligne de production ; qu'enfin, et surtout, il ressort du procès verbal du comité d'entreprise extraordinaire du 17 janvier 2013, que le groupe Ibiden est leader sur le marché des filtres à particules dès lors qu'il possède plus de 50% des parts de marché sur le secteur, et que son objectif est d'atteindre en 2017 un taux de 60% ; qu'il a également continué à créer des postes dans son entreprise hongroise et décidé la construction d'une nouvelle usine au Mexique pour approvisionner le marché américain ; qu'eu égard à ces éléments connus et à ces perspectives, la réorganisation de la société Ibiden DPF France a ainsi davantage eu pour objet d'améliorer la rentabilité de ses coûts de production que de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Ibiden DPF France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 28 novembre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 8ème section du Loiret a autorisé le licenciement pour motif économique de M.A... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Ibiden DPF France une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Ibiden DPF France est rejetée.

Article 2 : La société Ibiden DPF France versera la somme de 2 000 euros à M. A...sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ibiden DPF France, à M. D...A...et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 décembre 2016.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

A. PÉREZLe greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

2

N° 15NT01469

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01469
Date de la décision : 14/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : SCP USSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-14;15nt01469 ?
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