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07/12/2016 | FRANCE | N°15NT03892

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 décembre 2016, 15NT03892


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, la décision du 27 novembre 2015 par laquelle la préfète de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités allemandes, et d'autre part la décision du même jour par laquelle la préfète de Maine-et-Loire l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante cinq jours.

Par un jugement n° 1509919 et n° 1509920 du 3 décembre 2015 le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

P

rocédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 15NT03892 le 23 décembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, la décision du 27 novembre 2015 par laquelle la préfète de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités allemandes, et d'autre part la décision du même jour par laquelle la préfète de Maine-et-Loire l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante cinq jours.

Par un jugement n° 1509919 et n° 1509920 du 3 décembre 2015 le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 15NT03892 le 23 décembre 2015, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1509919 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 3 décembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté de remise aux autorités allemandes du 27 novembre 2015.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 16-1 du règlement UE n° 604-2013 du 26 juin 2013 car sa présence auprès de sa mère, qui souffre d'un grave syndrome dépressif est indispensable ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisque toute sa famille réside en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2016, la préfète de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 15NT03893 le 23 décembre 2015, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1509920 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 3 décembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision d'assignation à résidence du 27 novembre 2015.

Il soutient que :

- sa remise aux autorités allemandes, contestée par ailleurs, porte atteinte au droit d'asile en raison des risques qu'il encourt au Kosovo et à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisque toute sa famille est en France ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation car il n'existe pas de perspective raisonnable d'exécution de la mesure, que son intérêt est de rester en France et que l'obligation de pointage imposée est très lourde.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2016, la préfète de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 1er février 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2016 :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller.

1. Considérant que les requêtes n° 15NT03892 et 15NT03893 concernent la situation de la même personne et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour se prononcer par un seul arrêt ;

2. Considérant que M.B..., ressortissant kosovar, relève appel du jugement du 3 décembre 2015 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du 27 novembre 2015 par lesquelles la préfète de Maine-et-Loire a, d'une part, décidé sa remise aux autorités allemandes et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de Maine-et-Loire pendant quarante cinq jours et lui a fait obligation de se présenter tous les jours à 15h30 au commissariat d'Angers ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de remise aux autorités allemandes :

3. Considérant, en premier lieu, que M. B...soutient que l'arrêté contesté serait intervenu en méconnaissance du 1° de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, aux termes duquel : " Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou soeurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa soeur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les États membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demander et cet enfant, ce frère ou cette soeur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit " ; que la dérogation aux règles de détermination de l'Etat membre responsable instaurée par ces dispositions ne trouve à s'appliquer au bénéfice d'un demandeur dont un membre de la famille est dépendant de son assistance qu'à la condition que ce dernier réside légalement dans l'Etat membre concerné ; qu'en l'espèce, il est constant que la mère de M. B...ne pouvait se prévaloir, à la date de la décision contestée, d'un droit au séjour régulier ; qu'en outre, et en tout état de cause, dès lors notamment que les frères et soeurs de M. B...sont également présents en France, il n'établit pas que sa mère, qui souffre d'un syndrome dépressif, serait dépendante de son assistance ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 16 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si le requérant soutient que toute sa famille est en France, il ressort des pièces du dossier que sa mère et ses frères et soeurs ne sont arrivés que très récemment en France, que sa mère et l'une de ses soeurs majeures sont en situation irrégulière et que la demande d'asile de son autre soeur majeure est en cours d'examen par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que dans ces conditions, la famille de M. B...n'a pas vocation à demeurer sur le territoire français et la décision de remise aux autorités allemandes ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la décision de remise de M. B...aux autorités allemandes n'a ni pour objet ni pour effet de le contraindre à retourner au Kosovo, mais seulement de le remettre aux autorités du pays responsable de l'examen de sa demande d'asile en vertu des dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; que, dans ces conditions, M. B...ne peut utilement de prévaloir du danger qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine, pour contester la décision litigieuse de remise aux autorités allemandes ;

6. Considérant, enfin, que dès lors que l'Etat responsable de la demande d'asile de M. B...a été déterminé conformément aux dispositions du règlement n° 604/2013, la circonstance qu'il souhaite rester en France auprès de sa famille n'est pas de nature à porter atteinte au droit d'asile ou à entacher la décision attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 3 décembre 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la préfète de Maine-et-Loire du 27 novembre 2015 de remise aux autorités allemandes ;

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

8. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 7 que l'exception d'illégalité de la décision de remise aux autorités allemandes doit être écartée ;

9. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ; que l'assignation à résidence prévue par ces dispositions constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code, dès lors qu'une mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable et que l'étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à celle-ci ;

10. Considérant que M.B..., qui se borne à soutenir qu'il est dans son intérêt de rester en France auprès de sa famille, n'établit pas que l'exécution de la décision de remise aux autorités allemandes ne demeurerait pas une perspective raisonnable ; que par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant, enfin, qu'en vertu de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie ; qu'aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) " ;

12. Considérant que l'arrêté assignant M. B...à résidence lui impose de se présenter chaque jour à 15 h 30, à l'exclusion des dimanches et jours fériés, au commissariat de police d'Angers ; que le requérant, qui se borne à soutenir qu'il s'agit d'une " fréquence extrêmement lourde ", n'invoque toutefois aucune difficulté particulière ou l'existence d'une activité qui serait spécialement affectée par cette sujétion ; que, dans ces conditions, l'obligation de présentation mise à sa charge n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 3 décembre 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la préfète de Maine-et-Loire du 27 novembre 2015 l'assignant à résidence pendant une durée de quarante cinq jours ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 15NT03892 et 15NT03893 de M. B...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information à la préfète de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Loirat, président,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 décembre 2016.

Le rapporteur,

S. RIMEULe président,

C. LOIRAT

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°15NT03892 et n° 15NT03893 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03892
Date de la décision : 07/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LOIRAT
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET BERAHYA-LAZARUS ; CABINET BERAHYA-LAZARUS ; CABINET BERAHYA-LAZARUS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-07;15nt03892 ?
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