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21/11/2016 | FRANCE | N°15NT03864

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 21 novembre 2016, 15NT03864


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a formé devant le tribunal administratif d'Orléans un recours indemnitaire tendant à obtenir l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du blocage de sa carrière par France Telecom.

Par un jugement n° 1303331 du 24 novembre 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2015, complétée par des mémoires enregistrés le 1er mars 2016 et le 12 mai 2016, M.D..., repré

senté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orlé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a formé devant le tribunal administratif d'Orléans un recours indemnitaire tendant à obtenir l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du blocage de sa carrière par France Telecom.

Par un jugement n° 1303331 du 24 novembre 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2015, complétée par des mémoires enregistrés le 1er mars 2016 et le 12 mai 2016, M.D..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 24 novembre 2015, subsidiairement de le réformer ;

2°) de faire droit à ses conclusions indemnitaires en mettant solidairement à la charge de l'Etat et de France Télécom une somme de 80 000 euros en réparation des divers préjudices subis, assortie des intérêts légaux et donnant lieu à capitalisation le cas échéant ;

3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de France-Télécom/Orange une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

M. D...soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges ont dénaturé les écritures de première instance, France Télécom ne s'étant pas prévalue de l'autorité de la chose jugée pour estimer son recours irrecevable ;

- le tribunal a en réalité soulevé d'office un moyen sans en informer les parties ;

- il ne saurait y avoir d'autorité de chose jugée dès lors que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé au fond et que les circonstances de droit et de fait ont changé depuis l'arrêt de la Cour du 28 juin 2007 ;

- les décisions du Conseil d'Etat du 19 juillet 2010 ont donné un nouvel éclairage au dossier des contentieux indemnitaires engagés par les fonctionnaires reclassés de France Télécom, et cette jurisprudence postérieure à l'arrêt de la Cour constitue une circonstance de droit nouvelle ;

- il produit également des pièces nouvelles qu'il a pu obtenir le 6 septembre 2011 après avoir saisi la commission d'accès aux documents administratifs ;

- l'Etat et France Telecom ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité, ainsi que l'a affirmé une décision du Conseil d'Etat du 19 juillet 2010 ;

- il a fait l'objet d'un blocage de carrière et a été privé d'une chance sérieuse d'être promu ;

- son préjudice s'est aggravé depuis 2005 ;

- sa manière de servir n'a jamais fait l'objet d'appréciations défavorables ;

- ses notations de 1976 à 1993 indiquaient qu'il était éligible à un avancement au choix ;

- il remplissait les conditions statutaires pour accéder au grade de conducteur des travaux de ligne dès 1998 ;

- il a subi un préjudice financier de 60 000 euros qui doit être intégralement réparé ;

- il a également subi des troubles dans ses conditions d'existence, pour lesquels 5 000 euros sont réclamés, et un préjudice moral, pour lequel 20 000 euros sont réclamés ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2016, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, représenté par Me Andreini, avocat, conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que la requête de première instance était irrecevable, l'autorité de chose jugée s'opposant à ce que la Cour statue une seconde fois sur des conclusions qui ont déjà été présentées à l'identique, et que, subsidiairement, aucun des autres moyens soulevés par M. D...n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2016, complété par un mémoire enregistré le 13 mai 2016, la société Orange, venant aux droits de France Télécom, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. D...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Orange fait valoir que la requête était irrecevable, du fait de l'autorité de chose jugée s'attachant à l'arrêt de la Cour du 28 juin 2007, et qu'aucun des autres moyens soulevés par M. D...n'est fondé.

Par ordonnance du 16 juin 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 15 juillet 2016 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 ;

- le décret n° 54-865 du 2 septembre 1954 ;

- le décret n° 90-1225 du 31 décembre 1990 ;

- le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M.D.dans un corps dit " de reclassement

1. Considérant que M.D..., en service à France Telecom depuis 1977, a choisi, à l'occasion de la réforme mise en place par la loi du 2 juillet 1990, de conserver le statut de fonctionnaire des agents des postes, télégraphes et télécommunications en demeurant... " ; que, en 2006, il a été mis à disposition du service de navigation de la Seine, au sein duquel il a finalement été intégré ; que, estimant avoir été anormalement privé de la possibilité de bénéficier d'un avancement de grade par la voie de la promotion interne dans ses anciennes fonctions, il a formé en juillet 2012 une demande préalable d'indemnisation auprès de l'Etat et de France Telecom, devenue la société Orange, leur réclamant conjointement une indemnisation à hauteur de 80 000 euros des différents préjudices qu'il estime avoir subis ; que, suite au rejet implicite de ces demandes, il a alors formé un recours indemnitaire devant le tribunal administratif d'Orléans, lequel a rejeté sa demande par un jugement en date du 24 novembre 2015 ; que M. D...relève appel de cette décision ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le recours contentieux formé par M. D...le 25 novembre 2013 au motif unique que la Cour, par un arrêt daté du 28 juin 2007, avait déjà statué au fond sur une demande similaire de l'intéressé, tendant à son indemnisation tant du préjudice né d'une perte d'une chance sérieuse de promotion que d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence, cette demande étant fondée sur la responsabilité fautive de l'Etat et de France Telecom ;

3. Considérant que les premiers juges ont, pour fonder leur décision de rejet des conclusions de M.D..., accueilli l'argument opposé en défense par France Télécom, aux droits de laquelle est venue la société Orange, selon lequel, comme il vient d'être dit, la Cour avait déjà statué sur des conclusions similaires de l'intéressé et que l'autorité relative de la chose jugée faisait obstacle à ce que l'intéressé puisse introduire une nouvelle action en responsabilité, fondée sur une cause juridique identique, afin d'obtenir réparation d'un même préjudice ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que si France Telecom a effectivement fait mention dans ses écritures contentieuses produites le 16 avril 2014 de ce que la Cour avait déjà statué sur le cas de M.D..., cet argument n'a été présenté qu'à l'appui du raisonnement du défendeur selon lequel le requérant ne justifiait pas de la réalité du préjudice qu'il alléguait et non pas pour opposer une fin de non recevoir à la requête de M.D... ; que le moyen tiré de l'autorité relative de la chose jugée ne peut ainsi être regardé comme ayant été expressément soulevé par France Télécom en première instance ; que c'est ainsi à tort que le tribunal administratif s'est saisi de ce moyen, qui n'était pas d'ordre public, pour rejeter la demande de M.D... ; que le jugement du 25 novembre 2015 doit en conséquence être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. D...devant le tribunal administratif d'Orléans tendant à ce qu'il soit indemnisé du préjudice résultant de son blocage de carrière ;

Sur la recevabilité de la requête :

5. Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article 1351 du code civil : " L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. " ;

6. Considérant que l'autorité de la chose jugée s'attachant à une décision rendue dans un litige de plein contentieux est subordonnée à la triple identité de parties, d'objet et de cause ;

7. Considérant que tant le ministre de l'économie que la société Orange ont expressément évoqué devant la cour le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu par cette même cour le 28 juin 2007 ; que le litige indemnitaire né entre M. D...et son ancien employeur, France Telecom, auquel a succédé la société Orange, oppose les mêmes parties, est fondé sur la même cause juridique et se rapporte à la même demande d'indemnisation de M. D...que celles constituant le litige évoqué au cours de l'instance ayant abouti à cet arrêt du 28 juin 2007 ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. D..., les décisions n° 321952 et 328419-328586-328654 du Conseil d'Etat lues le 19 juillet 2010, qui ne font que tirer les conséquences de décisions antérieures relatives à des litiges concernant la promotion interne des agents reclassés de la Poste et de France Télécom, ne constituent pas une circonstance de droit nouvelle ; que, dès lors, l'autorité de la chose jugée qui s'attache tant aux motifs qu'au dispositif de cet arrêt du 28 juin 2007 s'oppose à ce qu'il soit fait droit à la nouvelle action de M. D...dirigée, sur le même fondement, contre France Telecom et l'Etat ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. D...doit être rejetée ;

Sur les conclusions en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que l'Etat et la société Orange, venue aux droits de France Telecom, versent à M. D...la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de même nature présentées par l'Etat et par la société Orange ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etat et de la société Orange tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la société Orange et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2016.

Le rapporteur,

A. MONYLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT03864


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03864
Date de la décision : 21/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : DE GUILLENCHMIDT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-11-21;15nt03864 ?
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